L’homme qui ne savait pas qu’il était mort de Nouschka Ovtchinnikoff

L’homme qui ne savait pas qu’il était mort, texte et mise en scène de Nouschka Ovtchinnikoff

6EC56538-8DB3-40C1-8C2C-7A3F4B67D945La danseuse et chorégraphe nous propose ici une sorte d’engagement philosophique dans la mort, dans l’après de la vie, pendant une heure, avec le parcours de deux personnages au passé à la fois douteux et poétique. « Vivre la mort, plonger et rester un instant dans l’entre-monde, le temps de faire émerger nos doutes et nos ardeurs, de se construire une philosophie de l’éphémère, de réfléchir à nos vies. » Elle nous invite à nous projeter dans la mort de ces hommes et comme eux, à revenir ensuite à la vie.

David Weiss et René Hernandez, deux acteurs-marionnettes attachés à une corde restituent la tension et la fragilité de nos vies peuplées d’images et de sons, avec rires et lamentations. «Ils sont morts, ils ne savent pas qu’ils sont morts, ils se souviennent par bribes de leurs existences terrestres. » (…) « Moi, quand je suis dans un café, je ne supporte pas qu’un type s’asseye en face de moi ! »

Les morts se balancent et une multitude d’univers subtils se mélangent. «Je me retrouve dans un paysage parfaitement inconnu et je rêve! » (…) « La confusion de mon esprit m’effraye !» Ils se débattent au bout de leur corde: «Moi aussi, je nage comme toi! » et restent  dans des positions étranges jusqu’à l’apparition d’une femme (Nouschka Ovtchinnikoff) qui joue en solo: elle ne sait pas de quel côté du monde elle se situe! En fait, tellement «comme ça» et « autrement», que l »autrement » et le « comme ça », sont chez elle une tentation permanente. Mais, malgré une belle interprétation acrobatique, nous avouons nous être un peu perdus dans ce spectacle insolite…

Edith Rappoport

Jusqu’au 16 mars, Théâtre de l’Epée de Bois, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de manœuvre, Vincennes(Val-de-Marne) jusqu’au 7 mars. T. : 01 48 08 39 74.


Archive pour 9 mars, 2019

Zuihô Taiko, groupe de tambours sacrés japonais, compagnie Genesis of Entertainment et Konan Dance Company

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Zuihô Taiko, groupe de tambours sacrés japonais, précédés par les ballets de la compagnie Genesis of Entertainment et de la Konan Dance Company

Un spectacle de tambours japonais -déjà un événement en lui-même- l’est d’autant plus que le groupe rassemble des professionnels handicapés mentaux.  Cette compagnie née en 1987 sous la forme d’un club de loisirs propose à des personnes handicapées d’apprendre à jouer de cet instrument traditionnel. Puis en 2001,  elle s’est professionnalisée et donne chaque année, une centaine de concerts et participe à plus de cinq cents ateliers et actions sociales.

D’abord au programme: La Genesis of Entertainment, composée de personnes en fauteuil roulant, puis la Konan Dance Company dont les danseurs sont handicapés mentaux. Deux paraplégiques dansent avec deux interprètes valides: l’homme invalide, lui, rampe au sol et reconstruit son fauteuil roulant préalablement démonté. «Nous espérons, dit-il au public, que le vent vous porte dans la joie de vivre.» Suivront solos et duos sur une musique rythmée de boîte de nuit. Puis les interprètes valides se lancent dans une belle chorégraphie en utilisant un fauteuil roulant vide.

On retrouve ici cette liberté que procure la danse : pendant dix minutes, les membres de la Konan Dance Company enchaîneront une série d’improvisations impressionnantes sous le regard bienveillant de la danseuse Kitamura Shigemi, responsable de cette troupe et sur scène avec eux. Le pianiste Tanikawa Kensaku qui les accompagne, joue énergiquement comme Keith Jarret pouvait le faire avant de tomber malade en 90. Lors des saluts, petite anarchie jubilatoire: certains interprètes viennent saluer le public dans la salle, d’autres adressent des signes à la régie…

La dernière partie plus structurée (le suivi de la partition y oblige) fait résonner fortement pendant une heure les tambours japonais du groupe Zuihô Taiko. Ce spectacle atypique vient clore avec brio Japonisme 2.018 qui aura accueilli plus de trois millions de personnes.

Jean Couturier

Spectacle vu le 27 février à la Maison de la Culture du Japon, 101 bis quai Branly, Paris XV ème T. : 01 44 37 95 01.

Rencontre avec Simon Delétang, directeur du Théâtre du Peuple de Bussang

Le Théâtre du Peuple–Maurice Pottecher à Bussang, ouvert en toutes saisonsRencontre avec Simon Delétang

C645D83E-66B5-4093-8C6C-BB5283A75792 Depuis sa création en 1895 par l’écrivain Maurice Pottecher (1867-1960), le Théâtre du Peuple à Bussang (Vosges) accueille un public nombreux et fidèle chaque année pendant un festival marqué par l’utopie humaniste et poétique de son fondateur. Par l’art, pour l’humanité : sa devise est toujours inscrite de part et d’autre du cadre de scène. Les bâtiments ont été classés monuments historiques en 1976 et l’Etat en est propriétaire depuis 2.005. le Théâtre du Peuple avec quelque neuf cent places survit comme une oasis dans cette vallée éloignée. Pourtant connu dans le monde entier et visité pour son architecture toute en bois et son fond de scène qui peut s’ouvrir sur la forêt. Mais aussi pour l’esprit de partage qui y souffle : acteurs amateurs et professionnels ont toujours joué ensemble l’été sur la scène de Bussang, entourés de bénévoles passionnés de théâtre. Maurice Pottecher  avait le souci d’un répertoire exigeant : «Tandis que la foule, d’esprit sincère, non blasée, apporte sa faculté d’enthousiasme et préserve l’artiste d’un raffinement mortel pour l’art, l’élite intelligente corrige le goût de la foule et impose au dramaturge un souci de pensée et une tenue de style sans lesquels il n’y a pas de véritable œuvre d’art ». Un“ théâtre populaire“ avant la lettre, «élitaire pour tous », selon les mots d’Antoine Vitez.

En septembre 2017, Simon Delétang est nommé directeur pour un mandat de quatre ans et habite à Bussang. A la fois metteur en scène, acteur et scénographe, comme le fut Maurice Pottecher, il reprend le flambeau et s’est donné pour mission de faire vivre et rayonner ce théâtre toute l’année dans ce petit bourg lorrain, à la lisière de l’Alsace. C’est devenu au fil du temps et de l’exode rural, un de ces territoires en déshérence d’une France périphérique qui occupe aujourd’hui les ronds-points pour ne pas se faire oublier. L’école risque de fermer et le jeune directeur espère la sauver en proposant aux élèves des activités théâtrales.

Pour autant les représentations estivales resteront le point d’orgue du Théâtre du Peuple, devenues un rendez-vous incontournable. Avec des dates en août et jusqu’en septembre, il pourra ainsi accueillir les festivaliers d’Avignon à la recherche de fraîcheur…  Et pour rajeunir le public, on proposera aux quatre cents élèves du collège Jules Ferry du Thillot, une petite ville de 3.500 habitants proche de Bussang, d’y faire leur rentrée scolaire !

Mais passer d’un festival d’été dont la billetterie assure 50% des recettes (l’autre moitié provenant de subventions et de coproductions), à une programmation annuelle sans augmentation de budget, demande une gymnastique comptable. Il faut aussi une ingéniosité à développer des partenariats locaux et régionaux : Simon Delétang, n’est pas à court d’idées et déploie, tout au long de l’année, spectacles, stages, actions pédagogiques entre Alsace, Lorraine, Franche-Comté, et au-delà… Il s’agit pour lui d’inventer, comme son illustre prédécesseur, un théâtre loin de Paris, capable, tout en s’adressant au plus grand nombre, de donner voix aux formes contemporaines, notamment celles des autrices et auteurs qu’il se plait à mettre en scène. Les manifestations publiques commenceront donc au printemps 2019 pour se poursuivre jusqu’en décembre.

Pour faire plus ample connaissance avec les Vosges environnantes et ses habitants, et explorer ces «chemins noirs» comme l’écrivain-marcheur Sylvain Tesson désigne les zones dépeuplées de l’Hexagone, Simon Delétang prend son bâton de pèlerin à travers la montagne.  » La marche, dit-il, est une réponse à l’abandon des territoires. La volonté de placer le théâtre au cœur de la nature fut, pour Maurice Pottecher, un désir de retour à l’essentiel afin d’être en lien direct avec l’existence la plus simple, loin du chaos de la ville. » Georg Büchner (1813-1837) est son guide  et l’acteur-metteur en scène opère avec Lenz, une marche à travers les Vosges, un retour aux sources : «Aller, au rythme de la marche,  au contact avec les habitants, dans la tradition des Wanderer romantiques (…) Que ce soit le directeur qui y aille lui-même, ça brise les barrières, comme le Théâtre de Bussang les a brisées. »

 Lenz, cette nouvelle restée inachevée, évoque le voyage de Jakob Michael Reinhold Lenz, pour soigner son âme malade auprès du pasteur Oberlin qui le recueillit l’hiver 1778, chez lui, à Waldersbach, un village du Bas-Rhin, à moins de deux heures de route de Bussang. Ce récit, fondé sur les notes du pasteur, raconte comment le célèbre écrivain parcourut la montagne puis sombra dans la folie. L’occasion pour le jeune Büchner, en 1839, d’exposer sa vision de l’art et, pour Simon Delétang, depuis 2017, d’éprouver physiquement, en déambulant, la poésie aigüe et rythmée de Lenz, traduit par Georges-Arthur Goldschmidt : «Un récit, dit-il,  qui ouvre à la modernité. »  L’an dernier, il partit vers le Nord jusqu’à Waldersbach, parcourant environ trente kilomètres par jour et faisant étape le soir pour jouer dans des salles de fêtes, écoles, granges…  « Les gens savent que je suis venu à pied, ce qui induit une plus grande proximité avec une centaine de spectateurs à chaque fois. » Cette année, il ira en direction du Sud vers la Franche-Comté, par des sentiers balisés à travers le Plateau des Mille Étangs (Haute-Saône)… Certains spectateurs pourraient se joindre pendant quelques kilomètres à cette randonnée au cœur du Parc naturel régional des Ballons des Vosges.

Au programme de cet été, la création de Suzy Storck de Magali Mougel, une autrice originaire des Vosges. Simon Delétang assurera la mise en scène et la scénographie de ce texte, issu d’un fait divers: l’histoire d’une matricide par accident et dont la parole libératoire fait éclater les cadres familiaux… Et Jean-Yves Ruf  réalisera La Vie est un rêve de Pedro Calderon de la Barca, avec des comédiens professionnels et amateurs. Un bal littéraire clôturera le festival.

D’autres manifestations sont prévues pour l’automne et l’hiver, dont un focus sur cinq pièces d’autrices portées par cinq metteuses en scène et dix interprètes. Car Simon Delétang entend faire la part belle aux femmes, trop souvent minoritaires dans les programmations. Et il a aussi invité Claudia Stavisky avec une pièce  de Pierre Corneille, La Place Royale (ancien nom de la place des Vosges à Paris).

Mireille Davidovici

Rencontre avec Simon Delétang, le 6 mars à Théâtre Ouvert, cité Véron, Paris XVIII ème.

Au Théâtre du Peuple à Bussang:
Lenz
du 30 avril au 11 mai.

Festival d’été du 27 juillet au 8 septembre. La Place Royale, les 11 et 12 octobre. Faits d’Hiver 14 et 15 décembre.

Lenz de Georg Büchner est publié  chez Vagabonde et Suzy Stork est publié aux éditions Espaces 34.

 

Théâtre du Peuple-Maurice Pottecher, 40 rue du Théâtre, Bussang (Vosges) T. 03 2961 62 47 www.theatredupeuple.com

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