Bells and Spells, mise en scène de Victoria Thierrée-Chaplin
Bells & Spells mise en scène de Victoria Thierrée-Chaplin
« Notre travail, dit Aurélia Thierrée, est très instinctif: nous n’avons aucun script. Victoria imagine le décor, le plateau… Elle s’inspire de photos et de musiques pour la scénographie. Ensuite, j’évolue librement dans cet univers, je me l’approprie au fur et à mesure.» Grandie sous le chapiteau du Cirque Invisible de ses parents Victoria Thierrée-Chaplin et Jean-Baptiste Thierrée, la jeune femme a de qui tenir et crée ici son troisième spectacle en collaboration avec sa mère.
La pièce, écrite en plusieurs tableaux autour de la lumineuse artiste et du danseur Jaime Martinez, conjugue dès l’ouverture, le comique et l’insolite, avec un numéro de chaises musicales sur lesquelles s’agitent de curieux personnages dans un décor vieillot. Parmi eux, une femme enveloppée dans un manteau informe va se métamorphoser en créature de rêve : blonde et moulée dans une somptueuse tenue de soirée. Cleptomane, elle s’empare subrepticement de tout ce qui lui tombe sous la main: objets et accessoires plus ou moins volumineux. Elle a aussi l’art de disparaître et réapparaître dans un tout autre contexte et sous d’autres formes et costumes, à l’instar de son partenaire qui la poursuit de ses assiduités pour quelques pas de tango, entre deux numéros de claquettes…
Dans cet univers en perpétuel mouvement, s’opère une série de transformations dans des univers fantasmagoriques. Séquence après séquence, les murs s’ouvrent et se referment, les portes tournent, les objets s’escamotent et les personnages changent d’apparence comme par enchantement. Le séduisant hidalgo et sa blonde dulcinée forment un couple fugace et charmant quand elle ne mute pas en bête bizarre, ou en preux chevalier immergé dans un très grand tableau de bataille tendu à l’avant-scène. Agrandissement d’une enluminure de Jean Colombes (1430)
D’une agilité exceptionnelle, assistés de discrets manipulateurs, ces artistes évoluent avec grâce dans un ballet infini d’accessoires, un tourbillon de costumes, tentures et paravents et luttent contre des objets animés d’une vie autonome qui leur jouent des tours pendables. La magie ne se cache pas et les trucages restent artisanaux, ce qui produit un décalage. L’esthétique éclectique du décor surprend : l’environnement suranné et sursaturé de tableaux, meubles, lampes fait place à un plateau dépouillé où pendent des draps blancs… La magie ne se cache pas, les trucages restent artisanaux, ce qui produit un décalage. Une forêt de porte-manteaux de toutes tailles devient une monture aux allures de dinosaure squelettique. Une tête de chien surmonte un corps de marquise et celle d’un homme coiffe le cou d’un chien… Cadavres exquis.
Ici, une poésie surréaliste sous-tend ce spectacle plein de charme, drôle, épicé d’un zeste d’impertinence. Une belle soirée au Théâtre de l’Atelier qui a été vendu en juillet dernier à Antoine Courtois, spécialisé dans la restauration d’œuvres d’art et de monuments. Il vient de changer de directeur, Didier Long ayant cédé la place à Marc Lesage. Premier amour de Samuel Beckett, interprété par Samy Frey (voir Le Théâtre du Blog) a fait le plein. Avec cette fantaisie onirique d’une heure dix, servie par des artistes hors-pair, l’Atelier devrait continuer sur cette lancée: l’accueil du public a été chaleureux lors de cette première représentation parisienne, après un succès au festival del Due Mondi de Spoleto (Italie), puis au Théâtre des Célestins à Lyon.
Mireille Davidovici
A partir du 7 mars Théâtre de l’Atelier, place Charles Dullin, Paris XVIII ème. T. : 01 46 06 49 24.