Le Voyage de G. Mastorna, d’après Federico Fellini, mise en scène de Marie Rémond

Le Voyage de G. Mastorna, d’après Federico Fellini, mise en scène de Marie Rémond

 

Crédit photo : Coll. Comédie-Française

Crédit photo : Coll. Comédie-Française

 Projet onirique sans cesse repoussé, jusqu’à l’échec, ce  Voyage de G. MastornaVoyage au pays des morts (1968), avait été imaginé par le grand réalisateur (1920-1993) et explore l’au-delà. Né d’un souvenir d’étudiant, ressurgi à la mi-temps de sa vie mais à l’opposé d’une vision dantesque qui imposerait en échange, une vision laïque de l’existence, sans Paradis après la mort, lieu de comptabilité des vices, vertus, fautes, châtiments. Rappel aussi d’un voyage: au moment d’un atterrissage aléatoire sur un aéroport enneigé à New-York, Federico Fellini imagine l’avion s’écraser au sol.

 En 1966, raconte Aldo Tassone, il y a la pré-production d’un film dans les studios de Dinocittà, créés par Dino De Laurentiis, à la périphérie de Rome. Mais, en raison de problèmes techniques insolubles, le tournage n’aura jamais lieu! Tiraillements entre le réalisateur, le producteur et Marcello Mastroianni pressentant que Federico Fellini a des doutes sur son personnage… Bref, un climat de projet maudit et son ami le mage turinois Gustavo Rol, l’engage à respecter le mystère de la mort et à ne pas jouer avec le feu. Et en 1992, donc un an avant sa disparition,  le cinéaste accepte que son scénario soit publié en B.D. avec, à partir de ses esquisses à lui, des images de Milo Manara… 

 Onirique, l’inspiration du maestro devient visionnaire et mélancolique et le scénario inspire le cinéma le meilleur de sa seconde période. G. Mastorna est mort dans un accident d’avion mais il  ne le sait pas encore et ne l’admettra pas. Scènes d’effroi dans l’avion et moments énigmatiques à l’aéroport, séance scandaleuse de remise de prix au violoncelliste G. Mastorna, angoisse latente d’une mort imminente, accueil grotesque au bureau de l’hôtel dont l’employé exige de façon incompréhensible d’autres papiers d’identité que ceux présentés, sentiment fatal de l’absurde et scènes d’expression de soi exacerbée dans une boîte de nuit… La mort ici provoque, a, comme la vie, des incohérences inattendues et loufoques.

Marie Rémond a choisi de porter à la scène le «récit» du Voyage de G. Mastorna. La metteuse en scène dit avoir voulu explorer deux pans de la narration: le réalisateur au travail et la vie sur le plateau mais aussi  des incursions dans la fiction. Ce  tournage s’avère être le meilleur du spectacle.  Scénographie bi-frontale pour le public invité à voir la réalisation du film. Chez les acteurs, bonne humeur, excitation et plaisir intense d’accomplir un travail technique et plaisir enfantin de jouer une fiction. Jérémy Lopez, cheveux longs et en pantalon des années soixante-dix, interprète le régisseur technique  et assistant de Federico Fellini.  A la fois, nerveux sensible, il impulse toute la tension voulue sur ce plateau investi par le Maître, un personnage superbement tenu par Serge Bagdassarian. Petite caméra à la main, il est soutenu physiquement par ce régisseur et commente sans cesse la situation. Il contrôle chaque plan, dirigeant Alain Lenglet, Nicolas Lormeau, Jennifer Decker, et Yoann Gasiorowski qui participent à l’aventure avec gourmandise… Georgia Scalliet qui joue l’hôtesse de l’air puis de bar ou encore Giuletta Masina, est absolument radieuse. Et Laurent Lafitte interprète un Masterna/Mastroianni avec toute la distance voulue.

Voir un tournage sur un plateau de cinéma est une expérience passionnante pour un public attentif. Oui, mais ici, problème de dramaturgie: la dimension de la fiction n’a pas du tout la rigueur exigée. Et Marie Rémond a du mal à maîtriser les transitions et à maintenir le rythme indispensable. L’ensemble, initié avec talent, perd alors de son unité… Dommage !

Véronique Hotte

Théâtre du Vieux-Colombier-Comédie-Française, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème), jusqu’au 5 mai.T. : 01 44 39 87 00/01.

 

 

 


Archive pour 30 mars, 2019

Still in Paradise de et par Yan Duyvendak et Omar Ghayatt

© Pierre Abensur

© Pierre Abensur

 

Still in Paradise  de et par Yan Duyvendak et Omar Ghayatt

Un spectacle qui fait recette: il tourne depuis 2008… La pièce est constituée de fragments, accumulés au fil des années, annoncent dès notre entrée le performeur hollandais Yan Duyvendak et le metteur en scène égyptien Omar Ghayatt ; ce dernier s’exprimera en arabe relayé par un traducteur. Ils nous invitent à une votation, comme en Suisse où ils habitent l’un et l’autre, pour choisir quatre sur onze propositions aux titres alléchants. Parodie de démocratie ? Ces élections sont bien aléatoires! Et le public ne verra pas les mêmes séquences  chaque soir. L’une d’elles remporte systématiquement les suffrages, allez savoir pourquoi : elle est censée nous apprendre pourquoi les musulmans sont méchants !

Après ce prologue un peu fastidieux, les artistes prient le public de se déplacer toutes les dix minutes, chaque épisode étant montré sous un angle légèrement différent. Quelques accessoires et menus objets, un drap blanc pour des projections feront l’affaire. Le décor tient en quelques valises. Malgré le titre, le monde n’est pas un paradis, veulent-ils nous expliquer. L’un représentant l’Occident, l’autre l’Orient. Ils pourfendent, avec une bonne dose de dérision, les préjugés opposant les gens de cultures et de religions différentes  et qui engendrent peur et haine de l’autre.

Une saynète finale nous sera obligatoirement imposée (déni de démocratie ?). Apparaissent alors des dissensions idéologiques… Yan Duyvendak critique les idées d’Omar Ghayatt, proches des thèmes identitaires sur l’immigration!  L’Egyptien appelle les migrants à respecter les valeurs occidentales et les lois ou sinon à rester chez eux… L’Egyptien, lui,  traite le Hollandais de Bisounounours et se moque de sa culpabilité post-coloniale de petit blanc bien-pensant : «Qu’est-ce que tu veux faire ? Qu’on chante We are the world, à la fin de la pièce, en buvant un thé à la menthe ?»

Comme souvent dans un spectacle immersif, une partie du public semble ravie, l’autre un peu coincée. Mais la plupart des spectateurs obéit aux rituels imposés: se déchausser avant d’entrer, s’asseoir par terrevoter,  se déplacer  et  plus tard, imiter une prière musulmane expliquée et dirigée par Omar Gayatt et enfin, partager un thé à la menthe convivial. Ils n’hésitent pas non plus à s’exprimer quand les animateurs leur demandent ce qu’ils savent de l’Islam. Certains avouent tout en ignorer, d’autres paraissent mieux  informés…

Cette performance de presque deux heures traîne parfois en longueur. Assez brouillonne mais sympathique, elle permet quand même, sans révolutionner le théâtre ni le monde des idées, de partager quelques interrogations dans l’air du temps et présentées ici avec humour… Alors, pourquoi pas ?

Mireille Davidovici

Jusqu’au 11 avril, Nouveau Théâtre de Montreuil, salle Jean-Pierre Vernant, 10 place Jean Jaurès, Montreuil (Seine-Saint-Denis) T. : 01 48 70 48 80.

Du 18 au 21 avril, Museum of Contemporary Art, Chicago (Etats-Unis).

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