Still in Paradise de et par Yan Duyvendak et Omar Ghayatt

© Pierre Abensur

© Pierre Abensur

 

Still in Paradise  de et par Yan Duyvendak et Omar Ghayatt

Un spectacle qui fait recette: il tourne depuis 2008… La pièce est constituée de fragments, accumulés au fil des années, annoncent dès notre entrée le performeur hollandais Yan Duyvendak et le metteur en scène égyptien Omar Ghayatt ; ce dernier s’exprimera en arabe relayé par un traducteur. Ils nous invitent à une votation, comme en Suisse où ils habitent l’un et l’autre, pour choisir quatre sur onze propositions aux titres alléchants. Parodie de démocratie ? Ces élections sont bien aléatoires! Et le public ne verra pas les mêmes séquences  chaque soir. L’une d’elles remporte systématiquement les suffrages, allez savoir pourquoi : elle est censée nous apprendre pourquoi les musulmans sont méchants !

Après ce prologue un peu fastidieux, les artistes prient le public de se déplacer toutes les dix minutes, chaque épisode étant montré sous un angle légèrement différent. Quelques accessoires et menus objets, un drap blanc pour des projections feront l’affaire. Le décor tient en quelques valises. Malgré le titre, le monde n’est pas un paradis, veulent-ils nous expliquer. L’un représentant l’Occident, l’autre l’Orient. Ils pourfendent, avec une bonne dose de dérision, les préjugés opposant les gens de cultures et de religions différentes  et qui engendrent peur et haine de l’autre.

Une saynète finale nous sera obligatoirement imposée (déni de démocratie ?). Apparaissent alors des dissensions idéologiques… Yan Duyvendak critique les idées d’Omar Ghayatt, proches des thèmes identitaires sur l’immigration!  L’Egyptien appelle les migrants à respecter les valeurs occidentales et les lois ou sinon à rester chez eux… L’Egyptien, lui,  traite le Hollandais de Bisounounours et se moque de sa culpabilité post-coloniale de petit blanc bien-pensant : «Qu’est-ce que tu veux faire ? Qu’on chante We are the world, à la fin de la pièce, en buvant un thé à la menthe ?»

Comme souvent dans un spectacle immersif, une partie du public semble ravie, l’autre un peu coincée. Mais la plupart des spectateurs obéit aux rituels imposés: se déchausser avant d’entrer, s’asseoir par terrevoter,  se déplacer  et  plus tard, imiter une prière musulmane expliquée et dirigée par Omar Gayatt et enfin, partager un thé à la menthe convivial. Ils n’hésitent pas non plus à s’exprimer quand les animateurs leur demandent ce qu’ils savent de l’Islam. Certains avouent tout en ignorer, d’autres paraissent mieux  informés…

Cette performance de presque deux heures traîne parfois en longueur. Assez brouillonne mais sympathique, elle permet quand même, sans révolutionner le théâtre ni le monde des idées, de partager quelques interrogations dans l’air du temps et présentées ici avec humour… Alors, pourquoi pas ?

Mireille Davidovici

Jusqu’au 11 avril, Nouveau Théâtre de Montreuil, salle Jean-Pierre Vernant, 10 place Jean Jaurès, Montreuil (Seine-Saint-Denis) T. : 01 48 70 48 80.

Du 18 au 21 avril, Museum of Contemporary Art, Chicago (Etats-Unis).

 

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