Amour et Psyché, d’après Molière, mise en scène d’Omar Porras

Amour et Psyché, d’après Molière, mise en scène d’Omar Porras

215F0540-0FD4-4A3B-8F83-4AC32C5332E2Bien connu du public, Omar Porras explore les mythes littéraires et théâtraux dont il propose de libres adaptations avec son Teatro Malandro de Genève. Et il ne déroge pas ici à son goût pour la désacralisation : l’histoire d’Amour et Psyché s’y prête à merveille, avec ses nombreux avatars qui continuent à nous fasciner depuis la première version connue du récit figurant dans Les Métamorphoses d’Apulée (II ème siècle après J.- C.). Et elle se prête à tous les jeux, depuis  que la Renaissance l’a redécouverte.

Avec une joie manifeste, Omar Porras nous en fait traverser différentes versions, depuis l’Antiquité jusqu’à Psyché, tragédie-ballet commandée par Louis XIV à Molière. Dans la fable,  le conte moral, la féérie ou le théâtre baroque, l’effet majeur réside dans la surprise des apparitions/disparitions et transformations : du pain béni pour ce magicien de la scène, qui nous offre une heure trente d’effets spéciaux avec les techniques du XVIIIème siècle. 

Le rideau de scène, peint à la ressemblance de la terre, s’ouvre sur un feu de camp où des soldats au repos et passablement avinés, se racontent l’histoire : prologue farcesque qui renvoie aux origines drolatiques du mythe et nous fait pénétrer de plain-pied dans l’univers des dieux et des mortels de la Grèce antique.  Leurs boucliers sont des masques et, tour à tour, ils évoquent avec force rigolade, Psyché (une très belle jeune princesse, mortelle forcément), Vénus (qui la jalouse car les humains se détournent de ses autels pour adorer la jeune fille). Par vengeance, elle ordonne en effet à son fils Amour, de la rendre amoureuse d’un être vil. Mais le divin Amour tombe sous le charme de Psyché… Tel est l’argument de départ.

Mais nous quittons le récit pour entrer au palais du roi où les deux sœurs de la Princesse, moins jolies qu’elle, commencent à ourdir de mauvais projets, telles les soeurs de Cendrillon. Vengeance de Vénus et haine des sœurs: Psyché ira d’épreuve en épreuve, soutenue par Amour, indéfectible et sincère amant, qui finira par la faire admettre à l’Olympe. Omar Porras joue magnifiquement du théâtre baroque de cour comme de la comédie moliéresque et n’hésite pas à introduire un numéro de duettistes hilarant : les scènes avec les sœurs sont jouées par les excellents Jonathan Digelmann et Philippe Gouin, affublés d’accoutrements délirants. Des précieuses ridicules aussi grossières que des marchandes de hareng… Ruptures de ton, de style et de niveau de langue ponctuent une mise en scène qui garde le cap et ne s’égare pas dans les facilités. Ce qu’on aurait pu craindre : Omar Porras a parfois tendance à jouer d’effets…

Ce spectacle a une très bonne tenue, grâce au travail sur la langue, très respectueux du vers quand le texte l’exige,  grâce aussi à la qualité des acteurs, tous formidables dans les différents personnages qu’ils incarnent. Psyché voit apparaître Amour sous les traits de Louis XIV, tel qu’il s’invitait à jouer dans les comédies-ballets et  la grande tradition du théâtre de cour à Versailles. Et la mise en scène  nous renvoie  aux jeux cruels des courtisans, à leurs disgrâces, à leurs complots. L’Olympe n’en est qu’une métaphore et Jupiter, la figure de la clémence royale. Quant à Vénus, finalement déboutée de ses droits à la vengeance, elle nous apparaît en vieille maîtresse, puissante encore, mais délaissée…

 Sans doute, serions-nous un peu indifférents aujourd’hui à la pièce de Molière mais la version qu’en donne la troupe de Malendro, en  la jouant sur le mode spectaculaire et, pour tout dire, libertaire, fait naître la jubilation. Le sort de la belle Psyché nous intéresse peu mais nous sommes sensibles au jeu des acteurs tout comme aux explosions, envols, effets de pyrotechnie et autres images fantastiques  préparés par Laurent Boulanger, ainsi qu’ aux costumes d’Elise Vuitel. Tous nous entraînent à laisser dehors notre esprit chagrin et à laisser galoper notre imaginaire sur le dos du dragon, aux ailes des anges, au rideau qui vole dans la tempête… Et c’est alors une joie simple de théâtre qui s’empare des spectateurs.

Marie-Agnès Sevestre

Jusqu’au 18 avril, Théâtre 71-Scène Nationale, 3 place du 11 novembre, Malakoff (Hauts-de-Seine)

Les 23 et 24 avril au Théâtre de l’Olivier, Istres (Bouches-du-Rhône).
 Du 30 avril au 17 mai, Théâtre de Carouge-Atelier de Genève (Suisse). Et du 22 au 25 mai, Théâtre National de Bordeaux-Aquitaine.

 

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