La Nuit des taupes, conception, mise en scène et scénographie de Philippe Quesne

La Nuit des Taupes, conception, mise en scène et scénographie de Philippe Quesne

 

Crédit photo : Martin Argyroglo

Crédit photo : Martin Argyroglo

Les taupes, petits mammifères, sont utiles à l’homme: elles se nourrissent en effet de vers blancs et de rongeurs  mais c’est aussi la hantise des agriculteurs et des jardiniers. Elle creusent des galeries, elles rongent les racines des plantes et avec ces mottes de terre qu’elles creusent en ressortant à l’air libre ravagent les prés mais aussi les plates-bandes. Dans l’Antiquité, cet animal aveugle mais entendant, aurait été la métamorphose d’un dieu grec et la prétendue métamorphose humaine en taupe tient peut-être au fait que les doigts de ses pattes antérieures les font ressembler à des mains.

Se dirigeant dans l’obscurité, elle est pour Kafka, l’auteur du Terrier, le symbole du guide de l’âme à travers les dédales intérieurs : «Nous fouillons en nous comme une taupe et nous sortons de notre sable souterrain, le poil tout noirci et velouté. »Les galeries souterraines que ces petites bêtes creusent sans répit, évoquaient aussi le labyrinthe et elles sont donc liées aux mystères du monde des ténèbres et de la mort. Leur parenté avec l’homme, exploitée par les bestiaires médiévaux, est ici mise à l’honneur et quand elles arrivent, le spectacle qu’elle donne,  relève d’une cocasserie à la fois savante et spontanée. Sur le plateau, un cadre de bois est posé dont les baguettes tiennent les parois de papier (ultérieurement déchiré puis enlevé avec les baguettes) hors de ce premier cadre-noyau. Le ventre de la taupinière est comme déposé, déplacé ensuite et anéanti et elles arrivent, une par une, dans leur antre, à travers un labyrinthe-tunnel. Et elles surgissent, personnages vivants couverts de fourrure, avec une tête un peu stupide, de grandes mains et des pieds graciles. Les fourrures ont été faites sur mesure par l’artiste-costumière Corine Petitpierre.

Les interprètes, entièrement dissimulés, ont  toute liberté pour se lancer et s’effondrer. Telles des marionnettes animées et autonomes, les taupes incarnent, pour le public amusé, les figures ludiques des lectures et des films animaliers de leur enfance. Clowns, silhouettes fantastiques et grotesques, elles sont les maîtresses des lieux. Elles roulent et arrivent avec des boules de terre ou des pierres légères qu’elles manipulent adroitement : l’essentiel de leur trésor. Et forment une communauté dont chaque membre semble bien connaître l’autre.  Elles ont vite fait de s’échapper de leur enclos, batifolant, arpentant une caverne de stalagmites et de stalactites… Pierres ou vers de terre, ces marionnettes humaines transportent, s’échangent des charges, assistant l’une, qui va accoucher : humour et comédie,  ou tentent de réanimer une autre qui a perdu la vie : tragédie. On entend des airs populaires identifiables comme Ne me quitte pas de Jacques Brel.

 Au lointain, un cyclorama lumineux, avec un ciel abstrait : une sortie de la caverne ? Un espace de respiration à l’air libre… Escaliers en bois et toboggan accueillent les bêtes qui jouent, glissant avec plaisir sur leur fourrure protectrice, inventant chutes et pirouettes. A cour, une servante s’allume irrégulièrement et propose des signaux musicaux. « Avec des sonorités précises, dit le concepteur,  le thérémine avec ses effets d’écho et d’espaces caverneux, est un instrument vibratoire dont on joue sans le toucher, et il y a les pédaliers moog des batteries tribales, et la guitare électrique, liée à la musique noire et indépendante. »  Musique alternative et univers underground se conjuguent ici.

 Avec cette atmosphère de conte enfantin,  le public a l’impression d’entrer non dans la caverne d’Ali Baba avec ses trésors scintillants mais dans la forêt et la mine où travaillent les sept nains de Blanche-Neige. Univers de feu, forges légendaires de Vulcain, sources d’étincelles rose, bleu ou vert fluo apportent un rythme infernal et de gracieuses images inattendues… Un spectacle loufoque, inclassable et facétieux qui réjouit le public.

Véronique Hotte

Nanterre-Amandiers, Centre Dramatique National,  jusqu’au 20 avril. L’Après-midi des Taupes, le 20 avril à 16 h. T. : 01 46 14 70 00.

 

 

 

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