De Sang et de lumière de Laurent Gaudé, mise en scène de Frédérique Pierson

 De Sang et de lumière de Laurent Gaudé, mise en scène de Frédérique Pierson

DBFF5782-079B-4375-AAA2-0EC8A6DDBBF5 Son retour constant aux mythologies fondatrices de l’humanité fait la force et la popularité de Laurent Gaudé. Ce n’est pas une façon pour lui de se débarrasser du temps présent. Au contraire : il va aux racines de la douleur d’aujourd’hui et met le doigt sur les plaies fermées mais jamais guéries. Celle, entre autres  de l’esclavage,  qui n’en finit pas d’empoisonner les rapports Nord-Sud.

Laurent Gaudé est de ceux qui ne laissent pas mourir en eux le Sud, la Méditerranée originelle, grecque mais aussi africaine.

Dans Le Chant des sept jours, l’une des figures fortes est celle de l’ «arbre de l’oubli» ; avant le départ mortel, c’est au pied de son tronc que l’esclave laisse sa famille, ses coutumes, sa langue, ses propres racines. « Il y a cet arbre sur la terre d’Afrique/ À quelques pas de la grève, /Qui sait, depuis longtemps, ce qu’est le goût du sang./Vous le trouvez beau,/Mais vous vous trompez. / Lui, comme tous les autres, choisis ça et là, le long de la côte, pour leur circonférence et leurs branches majestueuses, /Sont des arbres de l’oubli. »

Frédérique Pierson est entrée tout de suite en sympathie avec l’écriture de Laurent Gaudé et y a retrouvé la marque de son propre Sud. Elle a mis en scène De sang et de lumière avec un minimum d’images, dans une belle lumière chaude et avec une extrême attention au verbe. Marie Benati, Jimmy Roure et elle-même, soutenus par la guitare raffinée de Kostia Cavalié, font entendre avec une grande intensité ce poème qui parle à notre imagination : ainsi, à travers la présence de la blonde Marie, on voit la femme noire.
Dans cet oratorio parlé, slamé, sur un rythme à la fois très antique et absolument contemporain. La présence de la musique nous relie aux racines du théâtre grec et au théâtre universel. Pour autant, ce n’est pas un refuge nostalgique ou hors du temps.
Laurent Gaudé a signé aussi, après les attentats de 2015, Le Serment de Paris, un chant de guerre et de liberté contre la religion, celle qui enferme, sépare et finit par tuer plus qu’elle ne relie. Nous, les baptisés des terrasses de café/Instruits par aucun livre sacré que Montaigne et La Boétie/ C’est nous qu’ils visent. /Notre liberté les insulte.  » De sang et de lumière a été présenté dans un théâtre du onzième arrondissement de Paris, riche en petites salles dont il faut oser pousser la porte : on y rencontre des trésors comme celui-ci.

 Christine Friedel

 Théâtre du Temps,  9 rue de Morvan, Paris (XI ème). T. : 01 43 55 10 88.

 


Archive pour 26 avril, 2019

Cinquième édition du festival Le Grand Ménage de Printemps à Cucuron

 

Cinquième édition du festival Le Grand Ménage de Printemps à Cucuron

 

Vendredi-DB-9253 - copieParticipation ? Ce festival fête cette année sa cinquième édition et on est loin du concept chatoyant pour gagner les faveurs du Ministère de la Culture: le mot revêt ici tout son sens. Implication des habitants, investissement de différents lieux de convivialité  à Cucuron, tissage de liens sur le territoire du Sud-Luberon…  La programmation montre un réel souci de mettre «de l’art dans les épinards» comme dirait Bruno Schnebelin, de la compagnie Ilotopie.

 Il suffit d’ailleurs de lever les yeux : en haut du clocher de l’église, ça frémit. Antoine le Ménestrel a pris possession du beffroi. Sa Dictature du Haut offre un point mouvant dans l’environnement du festival. L’ange gardien apparaît en surplomb, dans son costume doré. Quelle allégorie de la présence précieuse et surplombante de la poésie dans notre paysage ! Avec humour, une chaîne télé se fait le relais de ses aventures au sommet, et des réactions des badauds. Sur les façades fleurissent des gaines rouges, fleurs bizarres où, à la manière des Souffleurs, des commandos poétiques, Antoine le Ménestrel susurre à l’oreille des passants un hymne à la « descente monumentale », une décroissance heureuse. A quelques chanceux, ce veilleur poétique conte ses méditations sur ses ancêtres glorieux Spiderman, Père-Noël, Jésus Christ… et se jette littéralement dans les bras du public. Une si belle infiltration dans le quotidien.

 AfficheA3-v3Autre première qui crée du lien, un partenariat avec la Fai-ar, école consacrée à l’art en espace public (voir le récent article de Jacques Livchine dans Le Théâtre du Blog)). L’équipe de Romaric Matagne a choyé quatre apprentis qui ont pu bénéficier d’un accueil en résidence sur le territoire, mais aussi du parrainage de vignerons, d’un menuisier, et de rencontres nourricières avec les habitants. Leurs propositions artistiques, en prise directe avec l’architecture et la population, créent une forte connivence avec le public : attaché à la notion de proximité, le festival dégage une intimité paisible.

 Inviter ici La Fabrique Fastidieuse : une évidence ! Jouant sur la dynamique du bal, cette tonitruante compagnie organise une sorte de « rave-partie » improvisée en plein jour, à une heure incongrue. Collage de différents types de danses et rythmes, de relation au corps et à l’autre, elle transforme le badaud en danseur, l’embarque en passager clandestin à la suite d’interprètes fougueux et délurés. Ambiance « flashy » kitch tribale. Vendredi célèbre le jour défouloir de la fin de semaine, et aussi, certainement, la rencontre de l’indigène, l’autre, et cette joie sauvage, en nous, qui ne demande qu’à s’exprimer. La proposition, qui semble de prime abord spontanée, est en réalité soigneusement millimétrée pour le lâcher-prise. Nous l’avions déjà savourée sous une pluie battante à Aurillac, dans une foule frénétique. Les parapluies volaient. Les sourires s’épanouissaient. Participant à la façon battle de hip hop, carnaval débridé, plaisir solitaire ou en simple spectateur, chacun trouve sa place, sa distance et son bonheur. On peut y voir un signe des temps, ce besoin de se retrouver, dans la gratuité ou l’échange, sur un rond-point ou sur une place. Les chorégraphies allument des feux : brasier collectif ou désir de vivre, mais sous des drapeaux apolitiques. La fin un peu effilochée – dommage – se conçoit peut-être comme une quasi disparition, une façon pudique de laisser la place à une fête plus impromptue.

 Le festival ménage aussi des espaces (skate parc, petites places …) pour des propositions plus délicates, misant moins sur le corps, que sur une parole intimiste. La compagnie Délit de façade a présenté En apnée, une évocation encore fragile des adolescents touchés par le cancer. Si le sujet est courageux, la mise en scène ne nous épargne pas quelques clichés (jeu souvent caricatural d’adultes en vestes à capuche, adresses assez vagues au public), mais la dernière scène fait très habilement monter l’émotion dans un cadre naturel sublime.

Avare, par le collectif du Prélude, choisit de dynamiter avec un savoir-faire typiquement rue, le texte de Molière. Les trois jeunes interprètes au dynamisme enjoué, savent titiller le public, maîtriser le chat en goguette, le chien qui aboie, l’accessoire récalcitrant et la langue du XVII ème siècle.  La main innocente d’un spectateur tire au sort les costumes dans des sacs plastiques, au début du spectacle et, partant, distribue les rôles au débotté. L’ensemble, en perpétuel mouvement, se déploie avec fraîcheur et rythme. Le public est conquis par les clins d’œil à l’actualité et au Lubéron.

 Le Collectif Bonheur Intérieur Brut, rendait, avec P/REC, un hommage au projet de Georges Perec : « Décrire le reste, ce qu’il se passe quand il ne se passe rien. » Pendant vingt-quatre heures, en direct, cent quarante-quatre personnes se sont succèdées au micro pour saisir un lieu au présent, ici la place de l’étang. Le dernier soir, dans un verger à côté du chapiteau, le champ est libre pour Rara Woulib, une grande parade fédératrice inspirée d’un rite haïtien. Traversée collective dans les ruelles sombres, présences fantomatiques, le corps à corps vibrant invite à la transe. Une autre façon de frayer avec ses camarades de pavé et de s’immerger dans ce village décidément très hospitalier. Un grand moment de communion festive !

 Stéphanie Ruffier

 Spectacles vus du 18 au 21 avril à Cucuron (Vaucluse).

Vendredi, par la Fabrique Fastidieuse ,le 24 mai au festival Friction(s) à Annemasse (Haute-Savoie), le 25 mai au festival Néanmoins à Frouard (Meurthe-et-Moselle)
Les 1er et 2 juin au festival Les Années Joué, à Joué-les-Tours (Indre-et-Loire), le 8 juin à l’Autre festival Derrière le Hublot, Capdenac-Gare (Lot), le 14 juin à Amiens (Somme).
Les 14 et 15 septembre, au festival Arto de Ramonville (Haute-Garonne).

Avare, par le collectif du Prélude : le 18 mai à à Ollainville (Essonne), les 25 et 26 mai à Blanquefort (Gironde), le 2 juin à 15h à Gif-sur-Yvette (Essonne), le 10 juillet, à Verrières-en-Anjou (Maine-et-Loire), les 29 et 30 août au Mans (Sarthe).

P/REC, par le collectif Bonheur Intérieur Brut : les 7 et 8 septembre, au festival Coup de chauffe à Cognac (Charente).            

 Bann a pye par Rara Woulib : Cucuron est le point de départ d’une itinérance qui va se poursuivre à Cadenet (Vaucluse) le 5 mai pour le Salon des artistes et à Beaumont-de-Pertuis (Vaucluse) le 12 mai pour les quinze ans du festival Les sons du Lub’.

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