Arc -Chemin du jour mise en scène, chorégraphie et conception d’Ushio Amagatsu,
Arc-Chemin du jour, mise en scène, chorégraphie et conception d’Ushio Amagatsu, par la compagnie Sankai Juku
Depuis 1975, Sankai Juku, « l’atelier de la montagne et de la mer », explore, en s’appropriant la grammaire de la danse butô, les liens de l’homme avec la Nature et le cosmos. Ushio Amagatsu aime jouer avec les éléments, terre, mer, air, à la recherche d’une unité transcendante … On a pu voir à Paris, dès 1982, son inoubliable Kinkan Shonen (Graine de cumquat) au Théâtre de la Ville, un classique encore au répertoire de la compagnie, puis il ya trois ans Meguri. Ceux qui découvrent aujourd’hui Sankai Juku seront séduits par son univers épuré, une gestuelle hiératique et des corps souples comme des roseaux au vent mais ses aficionados risquent d’être déçus.
« Il y a l’aube et le crépuscule. Une envie de contraste et la continuité de quelque chose », dit le chorégraphe japonais, à propos de ce nouveau spectacle en sept tableaux: « Il pleut sur mon étoile, Laisse de mer, Croisement /Ton passé est mon avenir , Étendue sereine au-dessus d’un océan de lave , Trois doubles v, Croisement/Inverse, Atteindre le crépuscule. (Faut-il voir dans ce chiffre sept, une symbolique bouddhique liée aux cycles de la vie et de la mort ? En effet, les Japonais fêtent la naissance d’un bébé et pleurent la mort d’une personne le septième jour (quand l’âme est prête à aller dans l’autre monde).
On retrouve les torses blancs et les visages maquillés comme des masques pour souligner les mouvements de la bouche, et quelques touches de rouge aux oreilles… Huit interprètes pour des solos et scènes chorales. De la lumière à l’obscurité, de l’éclosion du jour à la tombée de la nuit, des ambiances marquent le passage de temps, accompagnées par un décor et des lumières mouvants. Mais ici, Ushio Amagatsu déroge à sa ligne initiale, avec une scénographie très épurée, inspirée par la sculpture Atterrissage et Amerrissage de l’artiste pop japonais Natsuyuki Nakanishi. Un carré de sable beige, qui se teinte de bleu ou de gris selon les éclairages, avec, à cour et à jardin, pour «signifier l’oscillation perpétuelle de toute chose dans sa recherche d’équilibre», de petites balances pendues à des filins rouges, mais on les discerne mal au-delà des rangs d’orchestre. En fond de plateau, deux grands arcs d’acier se déplacent imperceptiblement, croissant et décroissant comme la lune, pour dessiner à la fin un cercle plein. Scintillant dans la pénombre, des triangles métalliques oscillent pour marquer l’aléatoire dans la permanence.
Autre innovation, le chorégraphe renonce à entrer dans la danse et confie la scène à une équipe rajeunie de cinq artistes, encadrée par trois anciens du groupe. En préambule, un solo magistral par Semimaru, danseur historique de Sankai Juku, ouvre de belles perspectives. Comme une salutation à la lumière, bras tendus vers le ciel et jambes ancrées sur un sol noir étoilé qui s’estompe progressivement. Lui fait place une scène de groupe où les corps oscillent au sol, sur les musiques de Takashi Kako, Yas-Kaz et Yoichiro Yoshikawa. Les deux autres anciens, Sho Takeuchi, Akihito Ichihara, viendront, à tour de rôle ou simultanément, prendre la relève, entre d’autres scènes d’ensemble un peu répétitives. Très soigné, ce spectacle en une heure quinze est légèrement décousu. Séquences inégales, musiques disparates et décor ne réussissent pas à être en symbiose avec la danse, comme dans les précédents spectacles de Shankai Juku. Et le Théâtre des Champs-Elysées n’est pas la salle idéale pour recevoir cette pièce qui demanderait une plus grande proximité pour que le public apprécie toutes les nuances d’un travail qui reste quand même exemplaire.
Mireille Davidovici
Théâtre de Champs-Elysées, Dans le cadre de la programmation Hors les Murs du Théâtre de la Ville, avenue Montaigne, Paris VIII ème.