An irish Story de et par Kelly Rivière

An irish Story de et par Kelly Rivière

 © David Jungman

© David Jungman

 Qu’est devenu Peter O’Farrel ? Comment et pourquoi a-t-il disparu ? En laissant une veuve et cinq orphelins, dont Kathleen, la mère de Kelly Rivière, la narratrice. Cette jeune femme va tenter de percer le mystère et nous invite à cette quête: le spectacle navigue joyeusement entre la France, l’Angleterre et l’Irlande.

  »Quand une personne disparaît, écrit  Kelly Rivière, elle n’est pas morte et toutes les hypothèses sont permises.» Enfant et adolescente, elle se raconte des histoires rocambolesques : pratique pour draguer les garçons! Peter O’Farrel  serait un gardien de phare emporté par la tempête,  ou un membre de l’ I.R.A. passé à la clandestinité… Mais, un jour, elle éprouve le  besoin de savoir qui il était. La vie de cet homme rejoint la grande Histoire des Irlandais exilés massivement aux États-Unis et en Angleterre pour fuir la misère. A Londres, ces catholiques dans un pays protestant, étaient accueillis par des pancartes : «No Blacks, no Irish, no Dogs»…

Kelly Rivière, devenue Kelly Ruisseau, qui a écrit et joue son propre rôle, va remonter le fil des générations. Rien à tirer de sa mère qui prétend ne rien savoir, ni de sa grand-mère à Londres, qui, fataliste, pense  que tous les hommes quittent les femmes… Elle en apprendra un peu plus auprès des vieilles sœurs de Peter, retrouvées dans le petit village au Sud de l’Eire d’où, en 1956, Peter embarqua pour Londres  avec sa femme Margaret. Mais le mystère reste entier… Cette autofiction déjà présentée au festival d’Avignon (voir Le Théâtre du Blog) est fort bien agencée entre récit et dialogues. Et elle décolle de la réalité par l’écriture et le jeu: Kelly Rivière dessine une galerie de personnages. Une gestuelle, une posture ou un accent caractéristiques suffisent à camper les protagonistes et à instaurer une distance ironique. Pas de pathos inutile et beaucoup d’humour. La comédienne passe avec légèreté de l’un à l’autre, en jonglant avec les langues : du français des jeunes, à celui du Sud, de l’anglais de Londres, à celui des Irlandais avec ses « r » roulés. Kelly Rivière, qui est aussi traductrice, épouse spontanément une langue puis l’autre, dosant avec finesse les bribes d’anglais afin que le public non anglophone ne se sente pas lésé et que, porté par la musicalité, il ne perde pas les nuances de tous ces parlers et accents constitutifs de chacun.

De cette traversée franco-irlandaise, de cette histoire intime, Kelly Rivière bâtit un spectacle à la fois émouvant et universel : qui n’a pas de secret dans sa famille ? Le public ne s’y trompe pas : An irish Story fait salle comble depuis deux semaines et mieux vaut réserver.

 

Mireille Davidovici

Jusqu’au 30 juin, Théâtre de Belleville  94, rue du Faubourg du Temple, Paris  (XI ème). T. 01 48 06 72 34.

Le 5 juin,  Festival Traverse ! Azay-le-Brulé (Deux-Sèvres).

 


Archive pour 12 mai, 2019

Juliette et les années 70, texte et conception de Flore Lefebvre des Noëttes

Juliette et les années 70,  textes et conception de Flore Lefebvre des Noëttes

 

julietteQui est Juliette ? Unique mais est aussi nous toutes, y compris les filles d’aujourd’hui qui rêvent parfois à cette époque bénie de l’après 68. Fille d’une famille invraisemblable où on se reconnaît pourtant et que l’on saisit ici à l’adolescence, dévoreuse de poésie, de garçons, des vagues et du sable dans le maillot, l’été entre Pornic et Saint-Michel-Chef-Chef. Elle est aussi chaque Juliette à qui le théâtre parle d’amour, et l’amour, du théâtre. La vie coupée en deux, quand dans l’enfance alternaient école et vacances, retrouve son unité au théâtre: une dure école, passionnée, avec des temps splendides au sens des perspectives qu’il ouvre -merci à Antoine Vitez, Pierre Debauche et Daniel Mesguich pour les plus illustres de ses maîtres. Mais étaient moins réjouissantes pour elle les temps sans travail.
Juliette -et elle ne s’en cache pas- c’est Flore Lefebvre des Noëttes qui raconte avoir puisé sa vitalité créative dans la folie même de son père, dans l’explosion des frontières que cette époque signifiait pour une famille très attachée  à l’armée et au catholicisme et qui avait des convictions politiques très ancrées à droite… Tout cela, elle le raconte dans La Mate (voir Le Théâtre du Blog) et dans le troisième volet de cette saga : Le Pate(r), à venir. Mais ici, nous sommes avec Juliette à sa «belle époque» : fauchée mais sans chômage, sans crainte pour la planète même si on était déjà écologiste, oublieux de la guerre froide et libre d’aimer sans avoir peur du sida.

L’actrice fait revivre ces belles années avec des mots qui font immédiatement image et d’une façon originale, irréductible aux catégories existantes. Ni entrée de clown ou numéro de cabaret mais plutôt du théâtre ultra-rapide qui fait apparaître un nouveau personnage, d’un froncement de bouche. Elle fabrique l’autorité maternelle d’un raclement de gorge aux terribles: RRRR et elle fait disparaître une scène d’un geste désinvolte. Il y a de la gourmandise chez  Flore Lefebvre des Noëttes à rappeler certains (mauvais) souvenirs, comme jouer une Érinye perchée sur un vieux lavabo avec ses fuites d’eau en guise de Styx, ou apprendre à dire les alexandrins, en ne faisant chanter que les voyelles. Ou encore trimer dans la boutique maternelle baba-cool. Babioles dont la vie est faite… Pour le vrai drame familial, allez voir La Mate: ici, on n’aura jamais droit au pathos.

Mais à du théâtre vrai. Elle joue sans artifice avec son corps d’aujourd’hui. En sage maillot de bain noir, elle a dix ans, quinze ans, tous les âges… Elle change de robe à vue en quelques secondes et prend le temps de nous passer ses musiques qui nous entêtent encore. Les jeunes générations reconnaissent celles qu’ils ont héritées de leurs parents ou grands-parents. Le montage des textes est parfois subtil et travaillé comme une dentelle, parfois coupé aux ciseaux. Et il y a des creux mais personne ne s’en plaint, car aussitôt la vague remonte et un moment vrai s’adresse à nous. Quelque chose comme un hymne à la vie et à chaque vie singulière. Pas besoin d’aller à la recherche du temps perdu : il est là et on en profite. Quelle belle chose que le temps présent ! Pourtant à la fin, l’actrice-narratrice ne s’interdit pas la nostalgie avec la projection de quelques diapos de son  enfance: une technologie ancienne pour évoquer un passé… bel et bien passé. Bref, un moment de théâtre précieux pour se requinquer sans mièvrerie, sans triche, sans filet mais avec panache…

Christine Friedel

Théâtre du Rond-Point, 1 bis avenue Franklin D. Roosevelt, Paris (VIII ème), jusqu’au 8 juin. T. : 01 44 95 98 21.
La Mate en sera joué en ce même Théâtre, les dimanches 19, 26 mai et 2 juin.

Le  texte est édité par Les Solitaires intempestifs. La Mate est publié aux éditions En Votre Compagnie.

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