True copy par le groupe BERLIN

True copy par le groupe BERLIN

 

 ©Koen Broos

©Koen Broos

Le collectif anversois, se forme en 2003, sous l’impulsion de Yves Degryse (comédien), Bart Baele (designer lumières et vidéo) et Caroline Rochlitz (comédienne) avec  la volonté de décloisonner documentaire et fiction,  vidéo et spectacle. Pour eux, la forme dépend des points de vue à mettre en scène et le politique n’est saisissable que par les histoires singulières. Maintenant composé  de Bart Baele et Yves Degryse, il  s’engage dans des cycles de création sur plusieurs années. Après Holocène, ils ont initié en 2009 Horror vacui. Partant d’un événement particulier ou un fait divers, ils élargissent la focale jusqu’à une mise en déséquilibre de la perception du spectateur.

La scénographie ici prédéterminée,  contrairement à celle de leur précédent cycle, tient à l’histoire racontée. Ici nous sommes invités à rencontrer en personne le célèbre faussaire flamand Geert Jan Jansen dont l’histoire est apparue au grand jour le 6 mai 1994,  quand des gendarmes français ont fait irruption dans sa gentilhommière : ils y ont découvert, stupéfaits, plus de 1.600 œuvres des grands maîtres les plus cotés sur le marché de l’art international.  Des faux, pour la plupart, imités  par lui de façon magistrale. Comment a-t-il pu ainsi, durant plus de trente ans, écouler autant de tableaux réalisés de sa propre main sans que personne n’ait eu de soupçon ?

L’artiste car c’en est un, assurément, raconte que, parmi les peintres encore vivants quand il a commencé son activité dans les années 60, Pablo Picasso et Karel Appel ont eux-mêmes certifié qu’ils étaient bien les auteurs des œuvres qu’on leur présentait pour authentification. Puisque les maîtres eux-mêmes s’y perdaient, pourquoi ne pas se lancer à plus grande échelle ? Il s’enhardit. Sa stratégie : faire apparaître sur le marché une œuvre nouvelle, non encore identifiée mais correspondant en tout point à la manière de tel ou tel peintre. Preuve à l’appui sur scène : la dizaine de toiles répertoriées de Monet représentant des meules de foin au coucher du soleil… Pourquoi ne pas en ajouter une nouvelle ?

Le marché de l’art y trouve son compte, les acheteurs n’y regardent pas de si près et Geert Jan Jansen peut continuer tranquillement sa petite entreprise. Découvert à cause d’une faute d’orthographe sur un certificat d’authenticité (faux, bien sûr !), il devient le plus grand faussaire (connu) de tous les temps. Invité en scène par le collectif BERLIN à raconter son histoire  -ce qu’il assume avec pas mal d’ironie envers le monde de l’art: acheteurs, musées et critiques- il se présente, tel un élégant malfrat devenu châtelain, expliquant ses subterfuges et ses aventures, au nez et à la barbe des meilleurs experts…

Pour preuve de son intime connaissance des gestes artistiques de chaque peintre, il nous invite à le suivre, en plein travail de réalisation, grâce à une caméra, derrière un mur d’écrans où s’affichent ses meilleurs faux. Comme il l’affirme : «La conférence, c’est la conférence, l’atelier, c’est l’atelier! »  Nous voyons jaillir, en un seul geste et de sa main, un dessin d’Henri Matisse. Toute une vie nous est ainsi contée, en équilibre instable entre diverses identités, avec l’argent qui coule facilement, mais aussi la douleur de ne jamais être reconnu pour soi-même : les toiles qu’il signe de son nom ne se vendent pas ! Le faussaire, vrai/faux acteur de sa propre vie sur scène, renvoie le public à ce qu’il est prêt à payer pour ses illusions.

Quelle est la valeur de l’art ? Quel est le prix de la vérité? Que voyons-nous ? Qu’avons-nous envie de voir, de croire? BERLIN fait-il, avec un tel spectacle, du théâtre, du cinéma, ou du documentaire ? La question ne se pose pas vraiment en ces termes. Ces artistes construisent un scénario dont le rapport au public (ici la valeur prédictive de son regard) est conçu dès le départ comme faisant partie de « l’intrigue ». De façon paradoxale, la multitude des écrans (vrais/faux tableaux) ne distrait pas le regard : l’écran EST le regard. Jusqu’à devenir la FICTION du regard. Car nous voulons être dupés, nous voulons croire à ce que nous voyons et, comme le dit Geert Jan Jansen à la fin de la représentation, en levant le dernier subterfuge : « Finalement, ils veulent toujours un spectacle. Et derrière, il n’y a : rien. »

Il serait tentant de tirer True copy vers une critique des flux d’images montées, séquencées, détournées qui servent à nourrir au quotidien nos opinions. Nous sommes autant abreuvés d’opérations de  vérification des faits que d’infox. Mais ce n’est pas dans cette direction que BERLIN nous emmène. Il s’agit d’interroger, au sens  que lui donne Georges Didi-Huberman, ce qu’est le regard : « Regarder n’est pas une compétence, c’est une expérience. »  Telle pourrait être le sous-titre de True copy.

Marie-Agnès Sevestre

Le Cent-Quatre, 5 rue Curial Paris (XIX ème), jusqu’au 18 mai.


Archive pour 16 mai, 2019

Vols en piqué… d’après Karl Valentin, mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau

Vols en piqué… d’après Karl Valentin, texte français de Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil, mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau.

B2801CBA-D57E-406A-812B-6A585CE3100CKarl Valentin de son vrai nom: Valentin Ludwig Fey, (1882-1948)  artiste de cabaret,  acteur, musicien mais aussi réalisateur et producteur de cinéma  est surtout connu pour ses pièces et textes en dialecte bavarois. Admiré par Bertolt Brecht, qu’il considérait comme le Chaplin allemand,  il eut une grande influence dans toute l’Allemagne. A l’époque des cabarets munichois  (plus d’une centaine!), il inventa avec humour, des couplets, et monologues souvent truffés de jeux de mots: « Dans le temps, le futur c’était mieux. » Il rencontra en 1911, Liesl Karlstadt qui devint sa compagne dans la vie et sur scène jusqu’en 1940 et pour un bref retour sur  scène après la guerre.

« Il n’est pas facile, dit Jean-Louis Besson dans sa préface au Bastringue et autres sketches de Karl Valentin, de distinguer la part de Liesl Karlstadt dans ses textes ». Mais elle a fortement contribué à l’invention des situations burlesques et des jeux sur le langage. Dans les grands cabarets de Munich, ils jouent ensemble des sketches dont Vols en piqué dans la salle (1916), titre du premier de ce spectacle où on voit une machine étrange, un avion de métal à la mécanique absurde et avec des fumigènes en cadeau.

Le public vraiment pas riche des cabarets pour lequel ses sketches étaient écrits, plaît à Karl Valentin ; assis à des tables, les gens parlent, mangent, fument et boivent de la bière. On retrouve ici les mêmes tables et chaises de bistrot et les boissons. Seul, le langage compte ici : jeu avec  et sur les mots, obstination à aller au fond de l’absurdité, pour faire avancer ou stagner une situation comique. Et l’action peut être parfois inexistante. Ces sketches à tiroirs valent pour eux-mêmes et n’ont pas de dénouement…

Sylvie Orcier et Fabien Orcier sont inénarrables dans La Sortie au théâtre : entre plaisanteries grotesques, dégaine loufoque, désirs ou réticences pour aller voir un spectacle… avant de découvrir qu’ils se sont trompé de jour! Puis, on retrouve Fabien Orcier en employé d’égouts avec sa pompe et son air hagard, nous prenant silencieusement à partie avec de petits gestes qui provoquent le rire franc des spectateurs offusqués par tant de saleté: «Comment se déroule la vidange des fosses, des fosses d’aisance ? (…) Je peux pas faire grève tout seul, c’est les bobards qui sont  la cause des guerres ! To be or not to beer ? » Ils s’amusent  aussi du dialogue absurde dans Père et fils au sujet de la guerre, un sketch sans dénouement logique. Et dans Le Relieur Wanninger, Le relieur  vient de relier douze livres sur commande de l’entreprise de construction Meisel et Cie, et avant de la livraisons il s’informe par téléphone de l’endroit où il doit porter cette commande et  s’il peut encaisser la facture mais faute d’interlocuteur dans l’entreprise, il ne livre pas ses livres….

En artisans de la petite scène de ce cabaret, les interprètes déguisés outrancièrement mais avec élégance, composent une musique joyeuse avec des  accessoires truqués, des objets en métal ou en bois et des gâteaux secs à grignoter. A chacun, son instrument ou un accessoire sonore. Nicolas Bonnefoy, Nicolas Daussy, Philippe Evrard, Nicolas Gerbaud, Frank Seguy entre autres jouent en chœur, avec une verve comique et parfois un rien de mélancolie. Aline Le Berre chante merveilleusement (entre autres, en italien) et joue du piano avec talent.

Mais le rire est parfois jaune…  Avec la montée du nazisme, le public délaissa  Karl Valentin qui ne monta plus sur les planches après 1941 et vécut dans une grande pauvreté. Avec amertume, il regrettait le passé: « Jadis, l’avenir était plus rose qu’aujourd’hui. » «Si j’étais Dieu le père, j’enverrais un déluge pour qu’ils se noient tous. »  Ici les artistes ont des qualités de clown et de musicien de cabaret et  Lauren Pineau-Orcier est une jeune et jolie ballerine de boîte à musique. Eliott Orcier, acrobate, danseur et contorsionniste-expert, multiplie ses arabesques sur la scène et jusque dans la salle, et éblouit le public.

La scénographie de Sylvie Orcier ressemble à un jeu pour enfants : parois de bois avec ouverture, fermeture et  claquements secs de porte, façon chaplinesque. Un  spectacle entre prestidigitation, art du verbe et jeux de mots à l’infini, chanson, musique, cirque, comédie et cabaret… Aujourd’hui Karl Valentin et Liel Karlstdat ont leur statue sur la place du Marché aux victuailles de Munich.  Ce couple mythique, avec sa tradition facétieuse, a trouvé en Patrick Pineau et Sylvie Orcier, des successeurs de grand talent qui fabriquent, sourire éclairé aux lèvres, un vrai théâtre populaire et distrayant.

Véronique Hotte

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre, jusqu’au 9 juin. T. : 01 43 28 36 36.

Le Bastringue et autres sketches de Karl Valentin est publié aux Editions Théâtrales.

 

Départ volontaire de Rémi de Vos, mise en scène de Christophe Rauck

© Jean-Louis Fernandez

© Jean-Louis Fernandez

 

Départ volontaire de Rémi de Vos, mise en scène de Christophe Rauck

C’est la sixième commande du metteur en scène à ce dramaturge maintenant bien connu en France et à l’étranger. Rémi de Vos est aussi auteur associé au Centre Dramatique National d’Auvergne à Montluçon. Il aime écrire sur la vie ordinaire (voir Le Théâtre du Blog) : Débrayage, Trois Ruptures, Occident, Jusqu’à ce que la mort nous surprenne, Toute ma vie j’ai fait des choses que je ne savais pas faire… et en particulier, sur le monde du travail comme dans Cassé, mise en scène par Christophe Rauck au Théâtre Gérard Philipe, avec, en toile de fond, la série de suicides qui plombèrent l’entreprise France-Télécom il y a dix ans (le procès  justement a lieu en ce moment à Paris).

 «Ici, la consigne était, précise Christophe Rauck, d’écrire une pièce sur un procès et de passer de ce procès à la fiction, avec les même acteurs. Les pièces, sur le monde du travail ne sont pas si nombreuses, et je trouve intéressant qu’on puisse en parler de cette manière. » Soit en effet une partition écrite dans une langue souvent très âpre où cinq acteurs seulement vont jouer une dizaine de personnages. L’histoire est à la fois malheureusement courante mais racontée ici de plusieurs points de vue. Xavier (Micha Lescot), un jeune cadre, en élégant costume gris trois pièces, vient d’un milieu pauvre et travaille dans une grande banque depuis déjà sept ans. Il gère les comptes d’un certain nombre de clients, à charge pour lui de leur assurer une très bonne rentabilité. Il vit avec Marion (Virginie Colmeyn) et a l’intention de se marier avec elle. Mais il a aussi dans sa vie Carole ( jouée par la même actrice), cadre dans cette même banque. Le père de Xavier qui était ouvrier, est mort et sa mère (Annie Mercier) s’occupe de sa très vieille maman. Il a un bon copain Niels (David Houri) avec lequel il  a une relation parfois difficile.

Brutalement, la banque pour des raisons d’économie, annonce un plan social avec départs volontaires. Xavier qui a envie d’aller voir ailleurs et de monter sa propre boîte avec les juteuses indemnités qu’on lui verserait sans doute, est candidat. Marion est sceptique quant au projet et la mère de Xavier s’interroge sur les indemnités qui lui seraient versées. En effet, nombre de ses collègues sont aussi candidats et la banque va vite se trouver dépassée. Bien entendu, le climat est exécrable dans les bureaux et tout le monde se méfie de tout le monde. Xavier apprend alors dans un couloir que sa candidature est refusée et intente un procès pour non-respect de ce qui avait été pourtant acté. Rendez-vous avec son avocat (joué aussi par David Houri) et avec la présidente du Tribunal (Annie Mercier). «Mon client s’est porté candidat au départ volontaire le 2 avril 2012. Il était bénéficiaire indirect du plan. Sa hiérarchie a validé son éligibilité. Malgré cela, sa candidature a été bloquée compte tenu d’un nombre trop important de candidats au départ. -L’appelant a été prévenu de ce blocage? Non. -Sait-on pourquoi?- Nous pensons que la direction de la banque n’a jamais envisagé son départ. Sa candidature n’a jamais été prise en compte. Mais pour mon client, la décision était actée. Il s’est alors retrouvé en porte à faux. »

Confrontations pénibles avec le Directeur des Relations Humaines qui lui reproche d’introduire un mauvais climat dans l’entreprise et avec le représentant syndical, assez exaspéré par ses revendications. Bref, tout baigne! Et le jeune cadre, mal vu de ses collègues, devra donc continuer à travailler dans les pires conditions: il a même constaté que son ordinateur a été piraté. Il a régulièrement rendez-vous avec son avocat et la Présidente du tribunal. Ses relations avec Marion sont devenues difficiles, Carole le fait chanter, il exaspère sa mère, et son vieux copain ne l’aide pas vraiment. Xavier entre alors dans la spirale d’un état dépressif… Il aura gain de cause mais six ans après:  trop tard, beaucoup trop tard pour envisager une reconversion… Xavier, en se mentant à lui-même, aura été broyé comme tant d’autres, par son obsession à vouloir gagner toujours plus d’argent. On le verra à la fin incapable d’échapper à sa perte et étendu sur le sol du plateau qui tourne de plus en plus vite…Clap de fin.

On pense à une bien triste affaire que relatait un bon article du Monde paru en janvier 2017 signé Syrine Attia et Lucas Wicky. En 2016, le quotidien régional La Voix du Nord avec vingt-quatre agences dans le Nord-Pas-de-Calais, était bénéficiaire mais avait annoncé fin 2016 un plan Social de sauvegarde  de l’emploi avec au maximum, 178 départs volontaires sur 710 salariés. Soit 72 pour la rédaction sur un total de 343 journalistes! Le plan  visait principalement les salariés de plus de cinquante-cinq ans! Cette affaire créa une polémique entre Benoît Hamon et Myriam El Khomri, alors ministre du Travail donc de la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). L’Etat peut en effet contrôler un  P.S.E. qui doit obligatoirement être validé par cet organisme. A l’origine, les licenciements économiques découlant d’un plan social ne pouvaient se justifier que par des difficultés économiques ou des mutations technologiques. Argument officiellement présenté par La Voix du Nord… Mais en 1995, deux arrêts de la Cour de cassation ont élargi ces conditions, en introduisant un nouveau motif: « sauvegarder la compétitivité du secteur d’activité. »

Dans ces cas, les employés qui font acte de candidature à un départ volontaire, ont intérêt à avoir les nerfs à tout épreuve, à être assistés par un excellent avocat rompu à l’exercice du droit du travail et à avoir de solides économies… En effet, comme le montre bien Rémi de Voos, nombre d’entreprises jouent la montre! Et donc, bonjour les ragots et les peaux de banane… Tous les coups semblent être permis dans cette jungle et un candidat comme Xavier à un «départ volontaire», s’il ne réussit pas son coup, sera vite mal vu de ses collègues qui ne lui feront aucun cadeau auprès de la Direction. Il lui faudra aussi rester solide face à un D.R.H. qui lui imputera une faute professionnelle pour se débarrasser de lui. Et mieux vaut dans ce cas précis avoir de sérieux appuis familiaux, de bons amis et une santé mentale en béton. Ce qui n’est pas tout à fait le cas de Xavier emporté un tourbillon où il essaye de sauver malgré tout son identité…

Christophe Rauck et sa scénographe Aurélie Thomas ont eu l’idée d’une sorte de long plan-séquence pour suivre le pauvre Xavier, pratiquement présent pendant les deux heures du spectacle. Et donc d’utiliser un double plateau tournant dans le même sens, ou en sens inverse. « Pour changer le point de vue sur l’histoire selon que l’on est au tribunal  où l’on apprend une vérité ou chez Xavier où l’on découvre une autre réalité. » Une belle métaphore aussi du Temps dans la fiction : on pense aux distinctions opérées par Paul Ricœur «sur les rapports conflictuels entre le temps intérieur et le temps chronologique, élargie aux dimensions du temps monumental».  Ce qui vaut pour le roman dont parle le philosophe, vaut, du moins en partie, aussi pour le théâtre. Et le personnage est ici piégé par les espaces qu’il arrive mal à gérer : son appartement, les bureaux de l’entreprise, le tribunal, le bar où il va s’alcooliser avec son copain, la maison de sa mère. Tout cela suggéré grâce à quelques quarts de tours de plateau…
Et cela fonctionne? Dès le départ, ce plateau tourne déjà avant le commencement… Et pendant la première heure,  il permet de passer d’un endroit à un autre et surtout d’une situation à une autre. Ce que les acteurs font avec une étonnante virtuosité et qui a nécessité de longues semaines de répétitions : entrer et sortir d’une pièce figurée par un fauteuil ou une grande table mais par où ? sur cette scène en  mouvement perpétuel.  Mais cela donne un peu… le tournis, et on aimerait que le dispositif en question se calme de temps à autre.

Par ailleurs, la pièce déjà bien bavarde et trop longue, est inégale. Il y a des scènes très fortes comme celle avec Xavier  et sa mère, ou accompagné de son avocat avec la Présidente du tribunal,  ou encore avec le représentant syndical ou le D. R. H. Et d’autres… nettement plus faibles comme celle entre Xavier et son ami, ou avec Marion ou Carole, des personnages bien pâles. Côté dramaturgie, on aurait aimé que la démonstration juridique soit plus rigoureuse ; si en effet, la banque est aussi importante, on ne comprend pas bien que ses dirigeants n’aient pas été plus vigilants quant à la procédure à mettre en place. Mais bon, il se passe souvent de drôles de choses et le cynisme est une arme de guerre bien connu du grand capital sur  l’air de : oui, il y a eu une erreur de procédure mais le plan social sera appliqué et sous-entendu: nous avons les moyens d’aller en justice. Il nous souvient du cynisme de l’administrateur d’un grand théâtre national disant à un employé : «Vous avez sans doute raison mais vous devrez le prouver et de toute façon, je ferai tout pour que vous n’ayez aucune indemnité concernant les heures supplémentaires que l’on vous doit. »

La mise en scène de Christophe Rauck est, comme toujours, d’une grande précision et il a bien choisi ses comédiens qu’il dirige très finement, en particulier Micha Lescot qui a une présence exceptionnelle et une gestuelle tout à fait étonnante. Et il y a la formidable Annie Mercier qui joue la mère mais aussi la Présidente du tribunal. Mais, s’ils n’étaient pas là tous les deux, la pièce (qui n’est pas la meilleure de Rémi de Vos) résisterait-elle? Pas sûr… Ici, on navigue parfois à vue entre un théâtre d’agit-prop dénonçant les méfaits du capitalisme et une tragi-comédie de boulevard avec le fameux trio : homme/femme/maîtresse cachée. Et malgré de beaux dialogues et une langue remarquable, la pièce, déjà trop longue, semble vers la fin partir un peu dans tous les sens. A voir surtout pour le jeu remarquable de ces grands comédiens…

Philippe du Vignal

Remerciements à Isabelle Demeyère

Théâtre du Nord, Lille (Nord) jusqu’au 26 mai.
Théâtre du Rond-Point, Paris (VIIIème) en 2.020

 

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