Vols en piqué… d’après Karl Valentin, mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau

Vols en piqué… d’après Karl Valentin, texte français de Jean-Louis Besson et Jean Jourdheuil, mise en scène de Sylvie Orcier et Patrick Pineau.

B2801CBA-D57E-406A-812B-6A585CE3100CKarl Valentin de son vrai nom: Valentin Ludwig Fey, (1882-1948)  artiste de cabaret,  acteur, musicien mais aussi réalisateur et producteur de cinéma  est surtout connu pour ses pièces et textes en dialecte bavarois. Admiré par Bertolt Brecht, qu’il considérait comme le Chaplin allemand,  il eut une grande influence dans toute l’Allemagne. A l’époque des cabarets munichois  (plus d’une centaine!), il inventa avec humour, des couplets, et monologues souvent truffés de jeux de mots: « Dans le temps, le futur c’était mieux. » Il rencontra en 1911, Liesl Karlstadt qui devint sa compagne dans la vie et sur scène jusqu’en 1940 et pour un bref retour sur  scène après la guerre.

« Il n’est pas facile, dit Jean-Louis Besson dans sa préface au Bastringue et autres sketches de Karl Valentin, de distinguer la part de Liesl Karlstadt dans ses textes ». Mais elle a fortement contribué à l’invention des situations burlesques et des jeux sur le langage. Dans les grands cabarets de Munich, ils jouent ensemble des sketches dont Vols en piqué dans la salle (1916), titre du premier de ce spectacle où on voit une machine étrange, un avion de métal à la mécanique absurde et avec des fumigènes en cadeau.

Le public vraiment pas riche des cabarets pour lequel ses sketches étaient écrits, plaît à Karl Valentin ; assis à des tables, les gens parlent, mangent, fument et boivent de la bière. On retrouve ici les mêmes tables et chaises de bistrot et les boissons. Seul, le langage compte ici : jeu avec  et sur les mots, obstination à aller au fond de l’absurdité, pour faire avancer ou stagner une situation comique. Et l’action peut être parfois inexistante. Ces sketches à tiroirs valent pour eux-mêmes et n’ont pas de dénouement…

Sylvie Orcier et Fabien Orcier sont inénarrables dans La Sortie au théâtre : entre plaisanteries grotesques, dégaine loufoque, désirs ou réticences pour aller voir un spectacle… avant de découvrir qu’ils se sont trompé de jour! Puis, on retrouve Fabien Orcier en employé d’égouts avec sa pompe et son air hagard, nous prenant silencieusement à partie avec de petits gestes qui provoquent le rire franc des spectateurs offusqués par tant de saleté: «Comment se déroule la vidange des fosses, des fosses d’aisance ? (…) Je peux pas faire grève tout seul, c’est les bobards qui sont  la cause des guerres ! To be or not to beer ? » Ils s’amusent  aussi du dialogue absurde dans Père et fils au sujet de la guerre, un sketch sans dénouement logique. Et dans Le Relieur Wanninger, Le relieur  vient de relier douze livres sur commande de l’entreprise de construction Meisel et Cie, et avant de la livraisons il s’informe par téléphone de l’endroit où il doit porter cette commande et  s’il peut encaisser la facture mais faute d’interlocuteur dans l’entreprise, il ne livre pas ses livres….

En artisans de la petite scène de ce cabaret, les interprètes déguisés outrancièrement mais avec élégance, composent une musique joyeuse avec des  accessoires truqués, des objets en métal ou en bois et des gâteaux secs à grignoter. A chacun, son instrument ou un accessoire sonore. Nicolas Bonnefoy, Nicolas Daussy, Philippe Evrard, Nicolas Gerbaud, Frank Seguy entre autres jouent en chœur, avec une verve comique et parfois un rien de mélancolie. Aline Le Berre chante merveilleusement (entre autres, en italien) et joue du piano avec talent.

Mais le rire est parfois jaune…  Avec la montée du nazisme, le public délaissa  Karl Valentin qui ne monta plus sur les planches après 1941 et vécut dans une grande pauvreté. Avec amertume, il regrettait le passé: « Jadis, l’avenir était plus rose qu’aujourd’hui. » «Si j’étais Dieu le père, j’enverrais un déluge pour qu’ils se noient tous. »  Ici les artistes ont des qualités de clown et de musicien de cabaret et  Lauren Pineau-Orcier est une jeune et jolie ballerine de boîte à musique. Eliott Orcier, acrobate, danseur et contorsionniste-expert, multiplie ses arabesques sur la scène et jusque dans la salle, et éblouit le public.

La scénographie de Sylvie Orcier ressemble à un jeu pour enfants : parois de bois avec ouverture, fermeture et  claquements secs de porte, façon chaplinesque. Un  spectacle entre prestidigitation, art du verbe et jeux de mots à l’infini, chanson, musique, cirque, comédie et cabaret… Aujourd’hui Karl Valentin et Liel Karlstdat ont leur statue sur la place du Marché aux victuailles de Munich.  Ce couple mythique, avec sa tradition facétieuse, a trouvé en Patrick Pineau et Sylvie Orcier, des successeurs de grand talent qui fabriquent, sourire éclairé aux lèvres, un vrai théâtre populaire et distrayant.

Véronique Hotte

Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ-de-Manœuvre, jusqu’au 9 juin. T. : 01 43 28 36 36.

Le Bastringue et autres sketches de Karl Valentin est publié aux Editions Théâtrales.

 

 

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