La Rose et la Hache d’après Richard lll de William Shakespeare, mise en scène de Georges Lavaudant

La Rose et la Hache d’après Richard III de William Shakespeare, adaptation de Carmelo Bene, mise en scène de Georges Lavaudant

 la rose et la hache-1 - copieLa reprise de ce spectacle créé en 1979, et l’un des succès phares de Georges Lavaudant avec le charismatique Ariel Garcia-Valdès, fait événement. Ceux qui le découvrent aujourd’hui comme ceux qui l’ont vu à l’époque, puis revu en 2004 à l’Odéon, saluent unanimement la modernité et la pertinence de cette  mise en scène. 

Carmelo Bene avait, en 1977, bousculé les codes narratifs utilisés par Shakespeare « avec l’infidélité qui lui est due»  et gardé le personnage monstrueux de Richard comme axe dramaturgique, autour duquel tournaient trois reines (Marguerite, Lady Anne, Elisabeth), trois mères éplorées par ses crimes, dont la sienne (Marguerite, duchesse d’York). Laissant en coulisse les meurtres des  ennemis de Richard, il construit sa pièce à partir du miroir que Richard tend à son propre personnage, tout occupé à mettre en scène son désir de pouvoir, assouvi à coups de crimes et de séductions galantes…

A son tour, Georges Lavaudant, retravaille cette adaptation ; il y  injecte sa propre vision du personnage, simplifie encore le dispositif de Carmelo Bene mais conserve  la part onirique de l’histoire: «Même si nous avons réduit, retravaillé, refondu le texte de Shakespeare, tout le monde reconnait vaguement l’histoire de Richard III. Le lyrisme, la folie et le meurtre: ces figures historiques en deviennent tellement monstrueuses qu’on finit par être fasciné par elles ». La Rose et la Hache, (le titre est un aphorisme d’Emil Cioran à propos du théâtre de Shakespeare), s’inspire de ce double modèle pour une partition nocturne. Les éléments de la tragédie reviennent en bribes et parfois en boucle, orchestrés par l’imagerie fantasmagorique du scénographe Jean-Pierre Vergier et la chorégraphie nerveuse et ironique de Jean-Claude Gallota.

la rose et la hache :2 - copieCette belle équipe du Théâtre Partisan fit ses premiers pas à Grenoble en 1968, avant de rejoindre la Centre Dramatique National des Alpes, en 1976.  Ariel Garcia-Valdès, qui reprend ici le rôle de Richard, participait déjà à l’aventure. On le retrouve quarante ans plus tard avec la même présence, la même force, et le même cynisme clownesque, claudiquant et ricanant dans un décor rouge et noir d’une magnifique sobriété. Son Richard a le poids de la maturité mais n’a pas pris une ride. Georges Lavaudant, dans de sombres et stricts atours, joue la Duchesse d’York, celle qui apprendra aux autres reines à maudire Richard (son fils) et donne le ton avec un court prologue : «Au nom du Ciel, disons la triste histoire de la mort des rois, tous assassinés(…) »

Puis la lumière se fait sur une Cène funèbre: assis derrière une étroite table longue où s’accumulent des verres emplis d’un liquide rougeoyant, les personnages semblent être des marionnettes, futurs jouets du démiurge satanique, tout à son ambition morbide. À ce dernier repas, Richard défie son destin, maintenant scellé puisqu’il se conclut par sa mort sur le champ de bataille et par ces mots : «Mon royaume pour un cheval !»  Il passe en revue les moments-clés de son ascension sanglante, se regardant agir, comme s’il se dédoublait, acteur et metteur en scène de son propre théâtre. Le spectacle emprunte au cinéma un format panoramique : les acteurs se déplacent de cour à jardin puis de jardin à cour, sur des musiques de variétés. Traversées redoublées avec un écran en fond de scène, qui s’ouvre épisodiquement sur les trois reines.

Il y a dans cet abrégé de Richard lll  -une heure dix et cinq acteurs-  l’essence même du personnage shakespearien. À «cette horrible nuit d’un homme de guerre», sous-titre que suggérait Carmelo Bene pour son adaptation, nous assistons avec plaisir, savourant l’intelligence et la beauté de cette mise en scène. Il faut souhaiter que le spectacle se prolonge au-delà de ces cinq représentations…

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 20 mai au Théâtre Gérard Philipe, 59 boulevard Jules Guesde, Saint-Denis (Seine-Saint-Denis)  T. : 01 48 13 70 00.

Le texte est publié aux Editions de Minuit.

 

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