Life reflected/Réflexions sur la vie, direction muiscale d’Alexander Shelley, contenu créatif et mise en scène de Donna Feore

©Fred Catroll

©Fred Catroll

 

Life reflected/Réflexions sur la vie  par l’orchestre du Centre national des arts du Canada, en 4 D, direction d’Alexander Shelley, contenu créatif et mise en scène de Donna Feore

  Cela se passe dans le Grand auditorium de La Seine Musicale. En une heure et demi, ce spectacle à quatre volets créé en 2016, évoque la vie de quatre Canadiennes exceptionnelles, avec des musiques commandées à quatre compositrices de ce pays interprétées par l’Orchestre national, une soprano (Erin Wall) une narratrice à la voix enregistrée ( Martha Henry) et une comédienne (Monique Mojica) et un dispositif de projection sur un écran en fond et sur les côtés du plateau où jouent les musiciens.

 Dear Life d’Alice Munro, adaptation de Merilyn Simonds, musique de Zosha Di Castri

La prix Nobel Littérature 2012 a publié entre autres un recueil de nouvelles au titre éponyme. Dans Dear life, Alice, est un bébé dans son berceau, devant la maison quand arrive une femme étrange. La mère et narratrice prend le bébé, se précipite  dans la maison et ferme la porte mais la femme frappe et cogne à la vitre avant de partir. Maintenant âgée, la mère, apprend alors que cette démente avait jadis vécu dans cette maison. On entend des  fragments de ce  récit sans doute en partie autobiographique dit par Martha Henry et  la soprano les fait résonner  d’abord en fusion avec l’orchestre puis seule… C’est aussi la rencontre entre une auteur âgée (quatre-vingt sept ans) et une jeune compositrice qui a reçu la commande quelques jours avant la naissance de son premier enfant. “Un récit n’est pas comme une route à suivre, dit Alice Munro, c’est plutôt comme une maison. Vous y entrez et y passez quelque temps, errant d’une pièce à l’autre.”

My Name is Amanda Todd d’Amanda Michelle Todd, musique de Jocelyn Morlock

Cette très jeune auteure canadienne née en 1996  avait publié une vidéo, My story: Struggling bullying and self-harm  (Mon histoire: lutte, harcèlement, suicide et auto-mutilation)  il y a six ans sur You Tube.  Le récit d’une épreuve insupportable: à douze ans,  elle avait rencontré sur le web un homme qui lui demanda de lui envoyer des photos de ses seins, photos qu’il enverra à ses copains de classe. Harcelée, l’adolescente sombrera dans la dépression, avant de de suicider à quinze ans… Une invitation à réfléchir sur les ravages du cyber-harcèlement, un phénomène encore inimaginable il y a une trentaine d’années et où chaque adulte a une responsabilité personnelle.

 Bondarsphere de Roberta Bondar, musique de Nicole Lizée

 C’est la première neurologue au monde qui ait pris part à une expédition spatiale de la Nasa. Mais cette chercheuse  a aussi photographié l’environnement de notre planète,  et ses clichés sont exposés dans des galeries de Vancouver, Toronto, Londres…  “Pour réaliser cette œuvre,  dit la compositrice, j’ai passé des heures à éplucher des enregistrements de la collection de Roberta Bondar. » ( …) « J’ai tiré de tout cela un environnement sonore formée d’éléments hétéroclites: dont les inflexions de la voix de l’astronaute décrivant la vue qu’elle a du Canada depuis l’espace une voix filtrée, une voix “venue de l’au-delà”….

Lost My Talk
de Rita Joe, musique de John Estacio

 Cette écrivaine canadienne, mère de huit enfants (1932-2007) était une auteure, poétesse et chansonnière lauréate des Mi’kmaq, peuple amérindien de la côte nord-est d’Amérique, Elle publiera son premier livre, The poems of Rita  et puis entre autres un texte autobiographique The Song of Rita Joe,  où elle raconte son expérience au pensionnat de Shubecanadie où on lui interdit de parler de sa langue et où elle subit violences psychologiques et corporelles. Et dans ce poème de quinze vers, Rita Joe parle de sa crainte d’être privée de sa culture.  « A l’image de ce poème en quatre strophes, la composition musicale est sans pause, en quatre mouvements, dit John Estacio. Un solo de flûte bucolique évoque la vie de l’auteure avant d’être envoyée dans ce pensionnat. Les cordes jouent alors un hymne qui prend soudain  l’allure d’un environnement musical hostile. »

Toutes ces œuvres ont une réelle unité, autour du chiffre quatre comme dans la conception occidentale, avec le feu, l’air, l’eau et la terre auxquelles se réfèrent les images projetées. Mais malheureusement, la mise en scène est  approximative. Il y a, en bord de scène, un rideau de fils blancs qui sert de premier écran aux images qui s’inscriront en même temps sur le fond de scène qu’on voit mal, puisque la trentaine de musiciens et leur chef occupent déjà l’espace visuel. Comprenne qui pourra. Quant au seul banc de surtitrage placé en haut de l’écran, il est évidemment peu lisible. Tant pis pour les Francophones. Et comme il nous faut regarder la soprano  et la récitante mais aussi les images à la fois réelles et non figuratives composées de lignes en mouvement sur trois écrans un frontal et deux latéraux, cette avalanche d’informations finit vite par nuire au propos et à la musique excellente et jouée excellemment par ce grand orchestre. On veut bien que la vidéo, dit  Donna Feore joue ici un rôle-clé. «  (…) « En cherchant des moyens novateurs pour explorer la vision du Centre National des Arts à propos de Life Reflected, la vidéo a été un choix évident. »

Peut-être mais à condition d’offrir à cette performance, une scénographie adéquate, ce qui n’est pas cas ici : mettre un plateau et un grand écran derrière pour accueillir ce type de spectacle dans ce grand et merveilleux auditorium est une erreur. Quand on est assis dans les premiers rangs, on voit les gestes du chef et la récitante. Pourquoi ne pas avoir placé l’orchestre dans une fosse? Réponse évidente: elle n’existe sans doute pas. Dans ce cas, pourquoi avoir choisi l’auditorium pour ces représentations? Au moins, on entend très bien ces musiques contemporaines jouées par ce grand orchestre  de cordes : violons, altos, violoncelles, contrebasses, harpe, et vents : hautbois, flûtes, clarinettes, bassons, cors, trompettes, trombones, tubas,  et percussions et timbales. On ressort de là un peu déçu de ne pas avoir correctement accès au texte et aux images… Dommage.

Philippe du Vignal

Spectacle vu le 17 mai à la Seine Musicale, Ilot Seguin, Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine)

https://nac-cna.ca/en/event/1999


Archive pour 23 mai, 2019

Opus par la compagnie Circa Contemporary Circus et le Quatuor Debussy

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Week end Cirques à la Philarmonie

 La Philarmonie de Paris opère, pendant un week-end, des mariages fructueux entre circassiens et musiciens. Le cirque contemporain sous toutes ses formes, se prête à d’étonnantes rencontres et les interactions entre artistes d’horizons si différents ouvrent un nouveau champ de création. Cette initiative permet de renouveler le public et l’image de cet établissement souvent perçu comme voué à la seule musique «savante».

 Opus par la compagnie Circa Contemporary Circus  et le Quatuor Debussy

 Opus, créé aux Nuits de Fourvière en 2013, nous offre un exemple d’osmose entre musique classique et acrobatie. Yaron Lifschitz met en scène une troupe de quatorze artistes de haute volée, venus d’Australie. La Circa Contemporary Circus se produit dans le monde entier et forme aussi l’élite de l’acrobatie dans son école de Brisbane, avec, pour marque de fabrique, au-delà de la technique, une grande exigence esthétique dans la mise en mouvement.

Le Quatuor Debussy, lui, intervient souvent aussi pour accompagner la danse (Maguy Marin, Mourad Merzouki, Wayne McGregor ou Anne Teresa De Keersmaeker) et le théâtre. Il compte à son répertoire tous les quatuors de Dimitri Chostakovitch, composés entre 1934 et 1974, et il semblait naturel que cette musique induise la dramaturgie d’Opus. Choix cohérent: le compositeur russe d’avant-garde, mis plusieurs fois à l’index par le pouvoir soviétique pour sa modernité, a écrit des musiques de film, et a travaillé avec Meyerhold. Ses petites formes portent en elles la trace de ces expériences et offrent à Yaron Lifschitz l’occasion de construire une chorégraphie fluide et sensible, qui met en valeur les corps des athlètes de la piste.

 A un solo aérien à la limite du contorsionnisme, succède un autre solo mais de violon qui accompagne, avec un timbre velouté, d’amples acrobaties au sol. Puis des pyramides humaines se font et se défont. A une scène de groupe bien ordonnée, sur une partition sombre et rythmée, succède un trapéziste qui se hisse, puissant et indolent, sur une musique lente. Puis des jeunes filles jouent gracieusement du cerceau… Costumes sobres et soigneusement coordonnés, lumières et harmonie des enchaînements contribuent à mettre en valeur la virtuosité des artistes.

 On se surprend à regarder autrement ces jeux et à prêter un oreille différente à ces Quatuors n° 11 en fa mineur (1966),  n° 8 en ut mineur (1960) et n° 5 en si bémol majeur… Et les musiciens se placent parfois au milieu des acrobates et font vibrer leurs cordes en complicité avec eux. L’acoustique exceptionnelle et le rapport scène-salle de cette salle imposante donnaient du relief à ce spectacle d’une heure trente, applaudi chaleureusement par le public de cirque et les mélomanes rassemblés pour l’occasion.

 Mireille Davidovici

 Spectacle vu le 12 mai à la Philarmonie de Paris, 221avenue Jean Jaurès Paris  XIX ème. T. : 01 44 84 44 84.

 

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