Opus par la compagnie Circa Contemporary Circus et le Quatuor Debussy
Week end Cirques à la Philarmonie
La Philarmonie de Paris opère, pendant un week-end, des mariages fructueux entre circassiens et musiciens. Le cirque contemporain sous toutes ses formes, se prête à d’étonnantes rencontres et les interactions entre artistes d’horizons si différents ouvrent un nouveau champ de création. Cette initiative permet de renouveler le public et l’image de cet établissement souvent perçu comme voué à la seule musique «savante».
Opus par la compagnie Circa Contemporary Circus et le Quatuor Debussy
Opus, créé aux Nuits de Fourvière en 2013, nous offre un exemple d’osmose entre musique classique et acrobatie. Yaron Lifschitz met en scène une troupe de quatorze artistes de haute volée, venus d’Australie. La Circa Contemporary Circus se produit dans le monde entier et forme aussi l’élite de l’acrobatie dans son école de Brisbane, avec, pour marque de fabrique, au-delà de la technique, une grande exigence esthétique dans la mise en mouvement.
Le Quatuor Debussy, lui, intervient souvent aussi pour accompagner la danse (Maguy Marin, Mourad Merzouki, Wayne McGregor ou Anne Teresa De Keersmaeker) et le théâtre. Il compte à son répertoire tous les quatuors de Dimitri Chostakovitch, composés entre 1934 et 1974, et il semblait naturel que cette musique induise la dramaturgie d’Opus. Choix cohérent: le compositeur russe d’avant-garde, mis plusieurs fois à l’index par le pouvoir soviétique pour sa modernité, a écrit des musiques de film, et a travaillé avec Meyerhold. Ses petites formes portent en elles la trace de ces expériences et offrent à Yaron Lifschitz l’occasion de construire une chorégraphie fluide et sensible, qui met en valeur les corps des athlètes de la piste.
A un solo aérien à la limite du contorsionnisme, succède un autre solo mais de violon qui accompagne, avec un timbre velouté, d’amples acrobaties au sol. Puis des pyramides humaines se font et se défont. A une scène de groupe bien ordonnée, sur une partition sombre et rythmée, succède un trapéziste qui se hisse, puissant et indolent, sur une musique lente. Puis des jeunes filles jouent gracieusement du cerceau… Costumes sobres et soigneusement coordonnés, lumières et harmonie des enchaînements contribuent à mettre en valeur la virtuosité des artistes.
On se surprend à regarder autrement ces jeux et à prêter un oreille différente à ces Quatuors n° 11 en fa mineur (1966), n° 8 en ut mineur (1960) et n° 5 en si bémol majeur… Et les musiciens se placent parfois au milieu des acrobates et font vibrer leurs cordes en complicité avec eux. L’acoustique exceptionnelle et le rapport scène-salle de cette salle imposante donnaient du relief à ce spectacle d’une heure trente, applaudi chaleureusement par le public de cirque et les mélomanes rassemblés pour l’occasion.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 12 mai à la Philarmonie de Paris, 221avenue Jean Jaurès Paris XIX ème. T. : 01 44 84 44 84.