Iliade, d’après Homère, mise en scène de Pauline Bayle

Aristie d'Achille

 

Iliade, d’après Homère, mise en scène de Pauline Bayle

 C’est la deuxième reprise à Paris de ce spectacle  créé il y a déjà presque quatre ans. au Théâtre de Bellevilleet dont nous avions déjà dit tout le bien Vingt-quatre chants et un peu plus de quinze mille vers d’une épopée pour dire les horreurs d’une guerre de Troie qui dure depuis neuf ans, et où on va croiser, pendant six jours et six nuits, les destins de mortels, ces fabuleux Grecs : Agamemnon, son frère Ménélas, Achille, Ulysse, Ajax le grand, Patrocle, Diomède, Hélène, des Troyens comme Priam, Hécube, Hector, Andromaque… et des immortels comme Zeus, Thétis, Héra, Poséidon. Cette épopée quelles qu’en soient les nombreuses adaptations, continue de faire rêver plus de vingt siècles après, au théâtre comme au cinéma…

Cela commence dans le hall du théâtre- vieille et efficace recette pour mettre le public de son côté- mais bon.  On a droit à la fameuse colère d’Achille qui, dit Homère, « jeta dans l’Hadès tant d’âmes de héros, livrant leur corps en proie aux oiseaux comme aux chiens ; ainsi s’accomplissait la volonté de Zeus».  A propos de cette fameuse Grecque, la belle Hélène, enlevée par Pâris, le Troyen, à Ménélas, frère d’Agamemnon le puissant roi grec.

Pauline Bayle, elle, a voulu, dès le début du spectacle, mettre l’éclairage sur le thème de la guerre qui, dit-elle, «pendant des millénaires, a constitué le prolongement naturel de l’être humain, une sorte d’issue certes fatale, mais inévitable de l’existence (…) où des héros mettent tout en œuvre afin d’échapper à leur condition de mortel, tout étant sans arrêt rattrapés par elle.» Quand elle a préparé son spectacle, elle ne pouvait encore prévoir cette autre guerre toute aussi violente que furent les attentats à Paris comme ailleurs… et qui ne semble pas près de s’arrêter !
Il y a aussi des chœurs où Pauline Bayle a repris des phrases de personnages comme Ulysse, Agamemnon, Diomède et Hector et d’autres glanées un peu partout dans cette extraordinaire épopée,  comme ces mots étonnants d’Hélène au chant VI : « Zeus nous a chargés d’une mauvais part pour que plus tard, nous soyons chantés par les hommes qui viendront ». Le spectacle est aussi celui de récits de guerre comme ceux d’Ulysse et Agamemnon, Diomède, Hector, et de dialogues entre Hélène et son beau-frère Hector, entre Hector et Andromaque, ou encore Ulysse et Achille.
Les dialogues entre les dieux: Héra, Poséidon, Aphrodite…  proviennent eux d’improvisations et vont vers le burlesque, du côté de La Belle Hélène de Jacques Offenbach et de La Guerre de Troie n’aura lieu de Jean Giraudoux. Il y a aussi des récitatifs de listes de noms  comme sur les monuments aux morts, ceux de la guerre de Troie que Pauline Bayle a repris mais en les accumulant. C’est efficace, les noms grecs sont si beaux mais parfois un peu long ! Enfin, elle aurait eu tort de se gêner; après tout, l’immense Eschyle l’avait fait avant elle, avec le récit du messager des Perses, pour le plaisir évident de faire entendre la liste de ces commandants perses, acteurs et victimes de cette guerre avec les Grecs.

Les interprètes ne sont plus les mêmes sauf une.  Et cela fonctionne toujours ? (Le spectacle est parfaitement rodé) Mais parfois semble-t-il…  un peu moins bien. Il y a surtout, vers la fin, des scènes formidables de vérité comme ce dialogue entre Hector et Achille. Et  Pauline Bayle sait créer aussi des images très fortes, comme cette scène où Achille, le guerrier exemplaire asperge le sol avec le sang de deux éponges pressées. Là, avec quelques chaises, un peu de lumière et quelques effet musicaux mais surtout avec cinq jeunes comédiens efficaces, on entre dans le vrai théâtre. En privilégiant le récit oral sans que cela nuise jamais au jeu, Pauline Bayle confirme  aussi qu’elle est une très bonne directrice d’acteurs.
 Ce que l’on aime moins : ces changements très rapides des personnages joués alternativement par filles et garçons qui donnent un peu le tournis … Ce procédé facile, très mode et qui a beaucoup servi, ne facilite en rien l’accès à cette lecture personnelle de l’Iliade et le spectateur non averti peut s’y perdre facilement, malgré la liste des personnages grecs et troyens collées au mur du fond… Belle et efficace idée. On remarquera au passage qu’il n’y a aucune femme chez les Grecs.
  Les acteurs habillés de noir, s’affublent parfois de perruques féminines.  Pourquoi pas? En tout cas, ces costumes dans leur sobriété sont plus efficaces que ceux de L’Odyssée présentée juste après, et les éclairages aussi.
Malgré ces réserves, cette Iliade, est jouée par de jeunes comédiens qui mouillent leur chemise et qui sont les mêmes dans Odyssée où on les entendait mal au soir de la première. C’est un spectacle intelligent, plein de générosité et d’invention et on y entend toute la force poétique d’Homère. Avec juste quelques accessoires comme un tapis rectangulaire de papier, une dizaine de seaux noirs et cinq chaises. La mise en scène, très rigoureuse  et métaphorique n’est jamais bavarde et fait entendre la violence de la guerre téléguidée par les Dieux, c’est à dire sans que les mortels puissent vraiment en comprendre les raisons majeures. Quoi, hélas, de plus actuel ? Et le public, très jeune pour une fois, était très impressionné par ce beau travail théâtral et l’a applaudi chaleureusement. Notre amie Elisabeth Naud vous parlera très vite d’Odyssée, second volet de ce spectacle qui est aussi mis en scène par Pauline Bayle.
 

Philippe du Vignal

La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.


Archive pour 24 mai, 2019

Iliade, d’après Homère, mise en scène de Pauline Bayle

Aristie d'Achille

 

Iliade, d’après Homère, mise en scène de Pauline Bayle

 C’est la deuxième reprise à Paris de ce spectacle  créé il y a déjà presque quatre ans. au Théâtre de Bellevilleet dont nous avions déjà dit tout le bien Vingt-quatre chants et un peu plus de quinze mille vers d’une épopée pour dire les horreurs d’une guerre de Troie qui dure depuis neuf ans, et où on va croiser, pendant six jours et six nuits, les destins de mortels, ces fabuleux Grecs : Agamemnon, son frère Ménélas, Achille, Ulysse, Ajax le grand, Patrocle, Diomède, Hélène, des Troyens comme Priam, Hécube, Hector, Andromaque… et des immortels comme Zeus, Thétis, Héra, Poséidon. Cette épopée quelles qu’en soient les nombreuses adaptations, continue de faire rêver plus de vingt siècles après, au théâtre comme au cinéma…

Cela commence dans le hall du théâtre- vieille et efficace recette pour mettre le public de son côté- mais bon.  On a droit à la fameuse colère d’Achille qui, dit Homère, « jeta dans l’Hadès tant d’âmes de héros, livrant leur corps en proie aux oiseaux comme aux chiens ; ainsi s’accomplissait la volonté de Zeus».  A propos de cette fameuse Grecque, la belle Hélène, enlevée par Pâris, le Troyen, à Ménélas, frère d’Agamemnon le puissant roi grec.

Pauline Bayle, elle, a voulu, dès le début du spectacle, mettre l’éclairage sur le thème de la guerre qui, dit-elle, «pendant des millénaires, a constitué le prolongement naturel de l’être humain, une sorte d’issue certes fatale, mais inévitable de l’existence (…) où des héros mettent tout en œuvre afin d’échapper à leur condition de mortel, tout étant sans arrêt rattrapés par elle.» Quand elle a préparé son spectacle, elle ne pouvait encore prévoir cette autre guerre toute aussi violente que furent les attentats à Paris comme ailleurs… et qui ne semble pas près de s’arrêter !
Il y a aussi des chœurs où Pauline Bayle a repris des phrases de personnages comme Ulysse, Agamemnon, Diomède et Hector et d’autres glanées un peu partout dans cette extraordinaire épopée,  comme ces mots étonnants d’Hélène au chant VI : « Zeus nous a chargés d’une mauvais part pour que plus tard, nous soyons chantés par les hommes qui viendront ». Le spectacle est aussi celui de récits de guerre comme ceux d’Ulysse et Agamemnon, Diomède, Hector, et de dialogues entre Hélène et son beau-frère Hector, entre Hector et Andromaque, ou encore Ulysse et Achille.
Les dialogues entre les dieux: Héra, Poséidon, Aphrodite…  proviennent eux d’improvisations et vont vers le burlesque, du côté de La Belle Hélène de Jacques Offenbach et de La Guerre de Troie n’aura lieu de Jean Giraudoux. Il y a aussi des récitatifs de listes de noms  comme sur les monuments aux morts, ceux de la guerre de Troie que Pauline Bayle a repris mais en les accumulant. C’est efficace, les noms grecs sont si beaux mais parfois un peu long ! Enfin, elle aurait eu tort de se gêner; après tout, l’immense Eschyle l’avait fait avant elle, avec le récit du messager des Perses, pour le plaisir évident de faire entendre la liste de ces commandants perses, acteurs et victimes de cette guerre avec les Grecs.

Les interprètes ne sont plus les mêmes sauf une.  Et cela fonctionne toujours ? (Le spectacle est parfaitement rodé) Mais parfois semble-t-il…  un peu moins bien. Il y a surtout, vers la fin, des scènes formidables de vérité comme ce dialogue entre Hector et Achille. Et  Pauline Bayle sait créer aussi des images très fortes, comme cette scène où Achille, le guerrier exemplaire asperge le sol avec le sang de deux éponges pressées. Là, avec quelques chaises, un peu de lumière et quelques effet musicaux mais surtout avec cinq jeunes comédiens efficaces, on entre dans le vrai théâtre. En privilégiant le récit oral sans que cela nuise jamais au jeu, Pauline Bayle confirme  aussi qu’elle est une très bonne directrice d’acteurs.
 Ce que l’on aime moins : ces changements très rapides des personnages joués alternativement par filles et garçons qui donnent un peu le tournis … Ce procédé facile, très mode et qui a beaucoup servi, ne facilite en rien l’accès à cette lecture personnelle de l’Iliade et le spectateur non averti peut s’y perdre facilement, malgré la liste des personnages grecs et troyens collées au mur du fond… Belle et efficace idée. On remarquera au passage qu’il n’y a aucune femme chez les Grecs.
  Les acteurs habillés de noir, s’affublent parfois de perruques féminines.  Pourquoi pas? En tout cas, ces costumes dans leur sobriété sont plus efficaces que ceux de L’Odyssée présentée juste après, et les éclairages aussi.
Malgré ces réserves, cette Iliade, est jouée par de jeunes comédiens qui mouillent leur chemise et qui sont les mêmes dans Odyssée où on les entendait mal au soir de la première. C’est un spectacle intelligent, plein de générosité et d’invention et on y entend toute la force poétique d’Homère. Avec juste quelques accessoires comme un tapis rectangulaire de papier, une dizaine de seaux noirs et cinq chaises. La mise en scène, très rigoureuse  et métaphorique n’est jamais bavarde et fait entendre la violence de la guerre téléguidée par les Dieux, c’est à dire sans que les mortels puissent vraiment en comprendre les raisons majeures. Quoi, hélas, de plus actuel ? Et le public, très jeune pour une fois, était très impressionné par ce beau travail théâtral et l’a applaudi chaleureusement. Notre amie Elisabeth Naud vous parlera très vite d’Odyssée, second volet de ce spectacle qui est aussi mis en scène par Pauline Bayle.
 

Philippe du Vignal

La Scala, 13 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème). T. : 01 40 03 44 30.

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