Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis

 Un rendez-vous annuel attendu avec, pendant plus d’un mois, un éventail de spectacles,  écho de la vitalité de la danse actuelle et de ses multiples formes. Héritières du Concours de danse de Bagnolet, ces Rencontres dirigées depuis 2002 par Anita Mathieu, sont nomades par essence et accueillent cette année vingt-trois compagnies dans une quinzaine de théâtres du département : de  Montreuil à  Pantin, de Romainville à Saint-Ouen ou Bobigny… Au menu : des solos, des ballets (le Ballet suédois Cullberg), une chorégraphie de François Chaigneau pour les Norvégiens de Carte Blanche, des performances … Des artistes venus d’Iran, du Brésil, de Belgique ou de Suisse… Professionnels et publics  viennent nombreux découvrir cette programmation.

La Dynamo de Banlieue Bleues proposait cette semaine une série de petites formes en accord avec son audacieux festival, voué depuis trente-six ans  aux musiques actuelles, à la pointe du jazz et des groove du monde entier et qui met à l’honneur la jeune création.

 aCORdo, chorégraphie d’Alice Rippol (Brésil)

69C59009-7ED0-4246-A9DB-4BD09413C5F3 A l’occasion d’une exposition sur les traces laissées à Rio de Janeiro par la Coupe du monde de football,  Alice Rippol a choisi de montrer les habitants repoussés aux marges de la ville : «Notre organisation sociale permet d’ignorer l’existence de certains d’entre nous : celui qui vient réparer votre chauffage, faire le ménage dans  le bureau… aCORdo expose leur invisibilité… », dit la chorégraphe qui travaille depuis 2007 avec de jeunes danseurs issus d’une favela carioca. Le collectif qu’elle dirige a composé plusieurs pièces qui circulent dans le monde, dont aCORdo et Circa programmé plus tard dans le festival*.

Les quatre danseurs, affalés sur le sol, corps contre corps, commencent  une longue et lente avancée : s’entassant les uns sur les autres, ils grognent et aboient comme des chiots. Puis se lèvent pour amorcer quelques pas chacun dans son style, par jeu. Bientôt, ils se tournent vers le public, lui confiant leurs corps, puis se livrant sur lui à de menus larcins. Sacs, écharpes, montres et bijoux disparaissent gentiment dans leurs poches. D’abord déstabilisés, les spectateurs jouent le jeu et vont récupérer leurs biens…Un peu gênés quand même.

Rugueuse et tendre, cette chorégraphie sans musique ni paroles veut changer notre regard sur les gens qui sont à la rue : pauvres,  SDF, migrants… Ici, ils deviennent des personnes. Le titre de la pièce est sans doute plus parlant au Brésil  où, « acordo » fait allusion à « l’accord » supposé entre la Cour Suprême, l’armée et les politiciens, pour faire tomber la présidente du Parti des Travailleurs, Dilma Rousseff. Mais Alice Ripoll a pour objectif principal de montrer des gens devenus anonymes dans l’espace public. Un spectacle doublement engagé, en résistance contre la redoutable politique brésilienne actuelle : Jair Bolsonaro n’aime pas les pauvres et, conformément à ses  promesses électorales, il vient d’autoriser le port d’armes à feu…

 Damnoosh de et par Sina Saber (Iran)

Photo Mireille Davidovici

Photo Mireille Davidovici

 Avec ce solo de cinquante minutes, l’artiste iranien nous invite à nous asseoir en rond par terre autour d’un plateau garni d’une théière et de coupes emplies d’ingrédients colorés. Sa performance s’inspire d’une forme ancienne de représentation persane, mêlant poésie, musique et gestuelle. Il prépare devant nous le damnoosh, une tisane bienfaisante aux sept herbes, selon un rituel enseigné par sa grand-mère.  Il commente dans un anglais châtié : la rose rouge de Kashan, oasis en plein désert, enferme plus d’un mystère en ses pétales… Il ajoute de la fleur d’oranger de Chiraz, contrée des poètes, ville natale de Hafez qui, dit-il, sous couvert de désirer Dieu, adressait ses vers à un homme aimé. Quelques pincées de coriandre, du coing séché provenant des bords de la mer Caspienne où vécut Zarathoustra, et enfin du safran mûri au Pays du soleil, complètent cette infusion ancestrale que nous dégustons sous les cerisiers dans la cour de La Dynamo… Sina Saber, à travers ce cérémonial, nous transmet les réminiscences de la Perse pré-islamique. La délicatesse et la musicalité de ses mots nous emportent aux quatre coins de son pays où, depuis quelques années, il tente avec le collectif Kahkeshan, de réinventer une danse contemporaine, empreinte de tradition. Mais dans Damnoosh, peu de danse et beaucoup de mots : ceux qui aiment la danse et ne parlent pas anglais restent doublement sur leur faim.

Softcore ©Pierre Tournay

© Pierre Tournay

Softcore-a hardcore encounter de Lisa Vereertbrugghen (Belgique)

 Pour les non-anglophones, ce titre nécessite une explication : fondé sur un jeu de mots opposant soft et hard (mou et dur), il résume la posture de Lisa Vereertbrugghen qui, pendant quarante-cinq minutes, danse et commente ses gestes. «  Je suis une danseuse hardcore … Mon corps est « soft », le son le met en mouvement et nous interagissons. » Elle exprime ainsi la rencontre entre cette musique dure et son corps malléable qui se plie et s’anime aux notes déversées par la console de Michael Langeder. 

La techno « hardcore », variante de la musique électronique, est née dans les années quatre-vingt-dix dans le Nord de l’Europe et aux Etats-Unis. Cette version « gabber » venue des Pays-Bas, se déchaîne à deux cent battements par minute). Sur ce rythme effréné, la danseuse frêle et souple, bouge bras et jambes,  déhanchés nerveux  et mains déployées en avant comme de petits animaux. Elle dit et danse la vitesse et le ralenti, avec des mots aux sonorités imagées, sur une partition live qui remixe aussi sa voix. Telle la pieuvre, qu’elle évoque, et qui se cache dans l’anfractuosité d’un rocher, elle se dissimule derrière un écran de fumée et ses mots se noient dans l’intensité des basses saturées… Une pieuvre qui attend : «until becoming, until becoming… (jusqu’à devenir), répète -t-elle, « imperceptible » . Impressionnante de précision, cette performance où la litanie vocale de l’artiste, inséparable de la danse, se débite à la vitesse du son, profitera surtout aux spectateurs qui peuvent saisir le sens de cet exposé en anglais, à la fois technique et poétique.

 Mireille Davidovici

 Spectacles vus le 22 mai, à La Dynamo Banlieue Bleue, 9 rue Gabrielle Josserand, Pantin (Seine-saint-Denis). T. : 01 49 22 10 10

*Les 15 et 16 juin : Cria d’Alice Ripoll, L’embarcadère d’Aubervilliers,  5 rue Edouard Poisson, Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) T. 01 48 11 20 35

 

Les Rencontres Chorégraphiques Internationales de Seine-Saint-Denis , du 17 mai au 22 juin. www.rencontres chorégraphiques.com T. : 01 55 82 08 01

 

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