Europe, une assemblée nationale, de Robert Schuster et Julie Paucker
Europe, une assemblée nationale de Robert Schuster et Julie Paucker, mise en scène de robert Schuster (spectacle multilingue surtitré)
Les Plateaux Sauvages, un nouveau lieu inauguré l’an passé (2.600 m² et un budget de fonctionnement d’un million d’euros) et destiné à la création contemporaine que dirige Laëtitia Guédon. Inspiré par Dziady, la grande fête polonaise des ancêtres, ce spectacle a été coproduit par le Théâtre National de Weimar avec la Kula compagnie, en coopération avec l’Académie der Künste de Berlin, le Theater Chur en Suisse, le Théâtre Ludowy de Cracovie (Pologne) et l’Ecole Supérieure d’Art Dramatique de Paris.
Ce rituel -le dziady- se pratique encore de nos jours en Lituanie comme en Pologne: on offre dans des maisons inhabitées, un repas aux ancêtres disparus. Il a été rendu célèbre au début du XIX ème siècle pour avoir inspiré à Adam Mickiewicz (1788-1855), son fameux grand poème Dziady (Les Aïeux), qu’il écrivit durant son séjour à Paris. En mars 1968 en Pologne, la contestation étudiante politique commença lors de la première des Aïeux, une adaptation théâtrale créée au Théâtre national de Varsovie. Les applaudissements saluèrent les répliques visant l’oppression tsariste: l’ambassadeur d’’URSS quitta aussitôt la salle et la pièce fut suspendue dès le lendemain…
De ce rituel de fête dziady, a été tirée la forme même du spectacle. En 2019, des jeunes artistes: Hadar Dimand, Mattias Hejnar, Marcus Horn, Céline Martin-Sisteron, Maciej Namyslo, Abdul Mahfoz Jerabi, Maja Pankiewicz, Jonas Schlagowski et Romaric Seguin venus de Pologne, France, Allemagne, Afghanistan et Israël entament un dialogue historique, en invoquant les âmes de cette année 2.019. Avec, en filigrane, la question aujourd’hui aigüe de l’existence d’une Constitution pour l’Europe.
Il est parfois difficile de saisir le sens exact de cet étrange questionnement international. On voit cinq comédien(ne)s cuisiner et l’une déclare : «Dannenberg est devenue Polonaise. Chacun parle une langue différente: «J’honore les morts. » (…) « 93.000 Français, Italiens, Allemands et Américains sont tombés au combat !» Puis on voit un rituel de match de football. Un des hommes chante et d’autres se défient. Andwani et Albaric sont très en colère : «Je suis Siwa, mon arrière-grand-père était maharadjah. » « Je suis Mata Hari… »
On entend aussi une discussion animée avec une Italienne. Certains se disputent pour présenter l’Europe. Chapitre I: comment l’Europe désire l’inconnu. Chapitre II: Comment l’Europe se jette sur un taureau. «Mieux vaut une fin horrible qu’un horreur sans fin. » ( …) « Il faut ressusciter l’Europe, le contraire du compromis, c’est le fanatisme et la mort! (…) Quelqu’un peut-il mettre un peu d’ordre, ça part dans tous les sens ? Je crois que nous sommes perdus… »
«Nous sommes dans un spectacle du Théâtre National de Weimar, notre rêve est que tout le monde parle toutes les langues, il faut rêver de se comprendre… » Un acteur à la tête de taureau mène la danse, les autres piétinent en rythme. On voit le retour d’Albéric et de Mata Hari. Chacun se met à cuisiner sur les fourneaux autour du plateau et on dresse la table du repas, pendant que Lawrence (d’Arabie ?) propose des solutions…
Edith Rappoport
Spectacle joué du 3 au 6 juin, aux Plateaux Sauvages, 5 rue des Plâtrières, Paris (XX ème) T.: 01 40 31 26 35