La quadriennale de la scénographie à Prague (suite et fin): les Ecoles

 

La Quadriennale de la scénographie à Prague (suite et fin)

Les Ecoles

Dans un autre grand pavillon consacré aux travaux des Ecoles,  on pouvait voir le travail réalisé par des équipes d’étudiants en scéno, souvent associés à ceux d’Ecoles d’art et de Conservatoires de théâtre et/ou de musique. Là aussi, l’impression d’une sorte de supermarché sympathique, jamais identique d’un jour à l’autre, souvent passionnant. Avec des réalisations d’une autre intelligence: les étudiants plus en phase sans doute avec notre époque, ont une conception virulente de ce que peut être un travail scénographique destiné à des êtres vivants, en l’occurrence des acteurs ou des artistes. Les élèves déjà expérimentés conçoivent des installations en prise directe avec l’actualité. Entre autres ceux de cette école de Catalogne imaginant de très hauts grillages qu’essayaient de franchir des Africains représentés par des mannequins. Une belle idée qu’aurait apprécié  le grand Tadeusz Kantor…

Discrète un peu à l’écart, une belle petite installation/performance due à une école allemande: une mini-boutique vendant cigarettes, gâteaux, sacs de bonbons, petits magazines et objets sexe tenue par deux travestis et où on pouvait entrer. Là encore une scénographie très réussie  et qui sonnait déjà comme le début d’un spectacle, à créer avec les visiteurs.

213D5DDC-5C4F-42A0-9D9E-21EAC3B5BD6AMais sans aucun doute, le meilleur projet qu’on ait pu voir parmi des dizaines, et qui a été dûment récompensé  pour son imagination, était The Imaginometric Society conçus par une équipe milanaise.  Avec ce cube au design très épuré et bourré d’électronique, les visiteurs pouvaient découvrir une possible «sonification»  de leur propre imaginaire.

 Si on a bien compris les explications donnés par un des étudiants, le candidat une fois admis, un membre de l’équipe l’aide à se poser sur le corps une batterie de capteurs biométriques enregistrant ses ondes cérébrales pendant trente secondes; à la fin de ce processus, les testeurs seront enlevés et il sera muni d’écouteurs transmettant l’énergie via la paroi osseuse crânienne. Dans une seconde étape, le visiteur prend place dans l’espace blanc cubique où il évoluera pendant deux minutes avec cinq performeurs pendant qu’un paysage sonore lui sera retransmis grâce à ses écouteurs. Troisième étape, il sort de l’aire de jeu et sera contrôlé. Et quatrième et dernière étape, il recevra un numéro d’identification personnel. Cela fait un peu froid dans le dos ! Mais on nous rassure, les enregistrements  seront ensuite détruits. Cette réalisation déjà très réussie sur le plan plastique fait preuve d’une véritable recherche et d’un travail en commun d’élèves d’une école de photo, du Conservatoire de musique et de la section scénographie de la réputée Académie milanaise. Une réussite exemplaire

Des élèves d’une école russe ont recréé en photos la douloureuse répression du Printemps de Prague en 1969 quand Jan Palach, un jeune étudiant s’était immolé place Venceslas, pour protester contre l’invasion de  son pays par les blindés du Pacte de Varsovie.  Ce suicide réussira à déclencher une prise de conscience, mais il faudra attendre vingt ans pour qu’à une commémoration de la mort de ce martyr tchèque, de grande manifestations aient lieu. L’écrivain Vaclav Havel avait été condamné à neuf mois de prison ferme mais la dictature fut mise à bas quelques mois plus tard.

Pour représenter la France: celui d’une Neuvième Ecole, une sorte de lieu utopique créé avec huit élèves issus chacun d’un établissements d’enseignement supérieur formant à la scénographie: École nationale d’architecture de Nantes, École Nationale Supérieure des Arts décoratifs de Paris, École nationale supérieure des arts et techniques du théâtre à Lyon, École nationale supérieure d’architecture Paris-Villette où a récemment  eu lieu une belle exposition dirigée par Mahtab Mazlouman, consacrée aux scénographies contemporaines d’Hamlet, École nationale supérieure d’architecture Paris-Malaquais, Haute école des arts du Rhin), École du Théâtre national de Strasbourg  et Université Sorbonne Nouvelle-Paris III .

© Eva Kořínkov

© Eva Kořínkov

C’est un ancien petit car toujours roulant mais convoyé jusqu’ici par camion avec les éléments de l’installation de Philippe Quesne. Constitué par une cabine avec plate-forme numérique diffusant sons et musiques dans l’autre partie de ce lieu ouvert au public et où on peut s’asseoir sur de gros blocs de mousse. Le résultat tient d’un concept pédagogique intéressant : réunir pour travailler ensemble quelques mois, des étudiants choisis par leur école mais qui ne se connaissaient pas pour travailler sur une proposition artistique précise.  Un concept pas neuf mais qui permet d’associer des pensées et des formes de travail différentes, celle d’écoles d’art et de comédiens. Ainsi  Claude Nessi, un enseignant de la section scéno des Arts  déco avait réussi à faire œuvrer ensemble et de façon remarquablement efficace, ses élèves et ceux de l’Ecole du Théâtre National de Chaillot pour un projet sur L’Odyssée d’Homère.

Sous la houlette de Philippe Quesne, le directeur du Centre Dramatique National Amandiers-Nanterre, cet ancien car a été aménagé par les  équipes techniques et les élèves. La note d’intention n’est pas d’une folle originalité et aurait mérité un  coup de relecture: «processus de travail commun qui stimule la créativité par la rencontre de l’autre », « virtuel qui s’immisce dans nos réalités plurielles », « projet grand ouvert sur le monde d’aujourd’hui».

Qu’importe, le travail est là, avec la tenue d’un Journal de bord numérique témoignant de l’évolution du projet. Et, au moins, comme le disait Antoine Vitez, ils se seront rencontrés là et c’est bien l’essentiel… Histoire de voir des projets souvent très éloignés de leur discipline et de se parler autour de thématiques similaires. Ils n’auront sans doute pas, pour la plupart d’entre eux, l’occasion de se revoir mais il y a là un terreau exceptionnel de création, le tout dans le havre de paix d’une ville magnifique. Les jeunes Français de la Neuvième école nous disaient avoir été tout heureux d’avoir pu quitter l’hexagone pour vivre une expérience unique dans leur vie d’étudiant…

Philippe du Vignal

 

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