Madame Favart de Jacques Offenbach, mise en scène d’Anne Kessler, direction musicale de Laurent Campellone

 

Madame Favart de Jacques Offenbach, mise en scène d’Anne Kessler, direction musicale de Laurent Campellone

 

 Madame Favart DR S. Brion

Madame Favart (Marion Lebègue) et Charles-Simon Favart (Christian Helmer)
©S. Brion

« Justine Favart, c’était l’incarnation de la chanson française. Un tel sujet ne pouvait qu’inspirer une  comédie à ariettes, agrandie,  développée», écrivait le compositeur à propos de son opéra-comique en trois actes, créé en 1878 aux Folies-Dramatiques à Paris et oublié depuis longtemps. A l’occasion du bicentenaire de la naissance de Jacques Offenbach, le Théâtre de l’Opéra-Comique nous fait redécouvrir cette œuvre singulière et l’héroïne dont elle porte le nom.

 George Sand disait de son arrière-grand-père, le maréchal de Saxe: « Madame Favart est un gros péché dans sa vie, un péché que Dieu seul a pu lui pardonner. » Ce chef de guerre est déjà cité dans Adrienne Lecouvreur (1849) d’Eugène Scribe et Ernest Legouvé, cette diva ayant été, avant  Justine Favart, la grande passion du maréchal. Le “vainqueur de Fontenoy » engagea en 1746 les Favart pour diriger le Théâtre aux armées puis celui de La Monnaie à Bruxelles. C’était  «le plus bel homme de son temps», selon le chroniqueur Melchior Grimm  et il tomba amoureux de la comédienne. Mais Justine résista à son charme et, devant son refus, le maréchal émit à l’endroit du couple des lettres de cachet. Sous la plume des librettistes Alfred Duru et Henri Chivot et avec l’esprit vif de Jacques Offenbach,  cette aventure devient un vaudeville rocambolesque. 

Déguisée en chanteuse des rues, Justine Favart fuit le maréchal de Saxe  et rejoint son mari, caché dans une auberge d’Arras, pour échapper à la Bastille. Les Favart, sous des habits de domestiques se réfugient à Douai chez Hector qui vient d’obtenir le poste de lieutenant de police : la condition pour épouser Suzanne. Justine lui a obtenu cette charge en se faisant passer pour Suzanne et en  séduisant le gouverneur Pontsablé, un vieux beau libidineux. Au deuxième acte, ce vert galant vient réclamer son dû chez Hector, à Douai, auprès de sa prétendue femme. Mais Justine va imaginer divers stratagèmes et, au troisième acte,  use encore de son art du travestissement pour sortir tout le monde d’affaire, dans une cascade de quiproquos et imbroglios. Après moult péripéties,  elle obtient un triomphe en chantant devant le roi La Chercheuse d’esprit, un opéra-comique de son mari. Le souverain lui accordera la révocation de Pontsablé et  nommera Charles-Simon Favart à la tête de l’Opéra-Comique.

 Jacques Offenbach, pour suivre ces aventures picaresques,  a écrit une musique légère,  si on la compare à celle des partitions pléthoriques de Fantasio et des Contes d’Hoffmann. Ici,  il s’adresse à un orchestre réduit. Ce choix stylistique est aussi dicté par l’action dramatique, située au XVIII ème siècle, celui des  guerres et des Lumières, interrogé et mis en perspective par un XlX ème siècle de frivolités. Dans cette œuvre de maturité, le compositeur s’amuse à écrire des morceaux de genre comme les couplets : une  forme du XVIIIe siècle,  une hilarante tyrolienne, une chanson de garnison et des duos d’amour… Mais il excelle aussi à fabriquer quelques tubes comme L’Echaudé,  une chanson aérienne comme le gâteau qu’évoque un délicat jeu des cordes.

 Laurent Campellone assure une direction musicale impeccable : « Madame Favart présente une homogénéité remarquable sur les trois actes, dit-il, et les récitatifs sont parmi les plus accomplis qu’Offenbach ait composés et ils préparent très bien aux  airs et transitions, sans une note superflue. »  Et Anne Kessler montre ici une femme de tête, entreprenante : «Madame Favart est un hymne à la femme, dit-elle, mais pour une fois, moins à l’inspiratrice qu’à la créatrice. On y voit Charles-Simon Favart apprendre le théâtre avec elle.»  Dans la pièce,  cette actrice vedette, auteure et amie de Crébillon et Voltaire, a plus d’un tour dans son sac pour déjouer les hommes de pouvoir et apprend à tous ses complices à changer de rôle comme de costume. Marion Lebègue, à la fois puissante et cocasse,  mène le jeu avec maestria. Sa voix chaude et dynamique, va aussi vers l’émotion avec Je passe sur mon enfance, un beau menuet  sur les âges amoureux de la vie  qu’elle chante, tout en caricaturant une douairière irrésistible de ridicule et flanquée d’un chien minuscule. A côté d’elle, la soprano Anne-Catherine Gillet donne toute sa mesure à une Suzanne ingénue et gracile. Le beau couplet avec son père (Frank Leguérinel) à la fin du premier acte prend avec elle une tendre saveur. Éric Huchet est un marquis de Pontsablé, irrésistible en barbon amoureux et haut fonctionnaire imbécile. Quant à Christian Helmer (Charles-Simon Favart), il excelle autant à  interpréter un valet de comédie qu’un mari amoureux.

©S. Brion  au 1er acte : légende 1/ Madame Favart (Marion Lebègue), chœur de l’Opéra de Limoges

©S. Brion
au 1er acte : légende 1/ Madame Favart (Marion Lebègue), chœur de l’Opéra de Limoges

 Le décor du premier acte, qui reste présent en arrière-plan dans les deux autres parties, ne figure pas l’auberge de Biscotin (Lionel Peintre) mais un atelier de couture  avec machines à coudre et mannequins. Il suggère les coulisses d’un théâtre, effet redoublé au troisième acte, avec la réplique sur la scène du foyer de l’Opéra-Comique. Un choix scénographique loin d’être évident. Pour autant, il met  l’accent sur les nombreux changements de costume dans la pièce. Il renvoie aussi au fait que, selon Charles-Simon Favart, sa femme «  fut la première qui observa le costume : elle osa sacrifier les agréments de la figure à la vérité  des caractères.  J’ose dire qu’elle a été  la première en France qui ait eu le courage de se mettre comme on doit être et on la vit avec des sabots dans Bastien et Bastienne. » La Clairon s’inspira du costume de sultane de Justine pour jouer Roxane dans Bajazet à  la Comédie-Française.

Salué avec enthousiasme, Madame Favart est une vraie (re)découverte, et nous introduit à cette année Offenbach avec bonheur. Un opuscule détaillé et illustré, édité pour cette création, met en perspective cette œuvre avec son époque et avec l’histoire du théâtre des XVIII et XIX èmes siècles.

 Mireille Davidovici

 Les 20, 22, 24, 26, 28 et 30 juin,  Opéra-Comique, 1 Place Boieldieu, Paris (II ème) T. : 1 70 23 01 31. 

 

 

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