Entretien avec Hassane Kassi Kouyaté
Les Francophonies-Des écritures à la scène : deux Festivals annuels…
Entretien avec Hassane Kassi Kouaté
Le nouveau directeur de ce festival francophone, unique en France, a été nommé en janvier dernier. Il a fait évoluer le nom de cette manifestation et son calendrier, afin de l’inscrire plus clairement dans le paysage culturel hexagonal. Depuis l’annonce, en septembre dernier par le Ministère de la Culture, de la création de «pôles francophones» (voir Le Théâtre du blog). Désormais, il y aura deux festivals sur onze jours consacrés pour Les Zébrures du printemps en mars, aux écritures et à ses auteurs, et pour Les Zébrures d’automne fin septembre-début octobre, au spectacle, aux arts visuels et à leurs artistes.
Ce changement de nom n’indique pas une rupture : «Être à Limoges me permet de poursuivre ce projet essentiel et de rendre hommage à ceux qui l’ont mené : Pierre Debauche, Monique Blin, Patrick Le Mauff et Marie-Agnès Sevestre. «Comment parler du monde autrement, par d’autres fenêtres, sous d’autres angles », C’est, pour Hassane Kassi Kouaté, l’enjeu principal.
Il lui fallait se positionner : «Depuis un an, beaucoup de choses ont changé l’intérêt déclaré du Président de la République pour la Francophonie. Avec la fermeture du Tarmac et la création par le Ministère de la Culture de trois pôles francophones.» À cette différence près! A côté des Francophonies de Limoges et de la Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, le pôle parisien n’est plus, comme prévu, Théâtre Ouvert qui. migrera vers l’ex-Tarmac à la Villette. Et la Cité internationale des Arts à Paris dirigée depuis 2015 par Bénédicte Alliot, doit prendre le relai. Actuellement, cette Cité se définit surtout comme un lieu «de résidence et de recherche» (1.200 séjours par an). Y sont aussi organisés quelques expositions et des événements de toutes les disciplines liés aux activités des artistes qui y habitent. Le rôle de l’O.N.D.A. qui devait s’impliquer comme facilitateur entre ces trois entités restant à définir…
Dans ce contexte mouvant, Hassane Kassi Kouyaté doit arriver à tenir le cap et à«rendre visible tout le processus de création : depuis le travail de recherche et de découverte des écritures émergentes jusqu’à la scène.» Et il a envie de donner plus d’importance à la Maison des auteurs dont l’activité restait un peu trop confidentielle : «Qui va faire aujourd’hui sortir les Hakim Bah, les Aristide Tarnagda… sinon nous ? C’est sur ce créneau que je veux rester.» Les autrices, trop peu nombreuses, sont une priorité et seront accompagnées par des parrains et marraines dans leur pays et pourront faire plusieurs séjours à Limoges.
Les Zébrures de printemps proposeront pendant dix jours, des mises en lecture de textes (une quinzaine dont ceux issus des résidences). Si possible, en avant-première d’une future création à l’automne. Et des stages autour des écritures mais aussi des colloques… Et pour représenter les écritures de créateurs du monde entier liés à la francophonie, il y aura un focus par an. En 2020, l’Afrique. En 2021, le Moyen-Orient:Iran, Irak, Liban, Syrie et l’Asie : Viet Nam, Inde, Chine, Japon…
Les Zébrures d’automne présenteront idéalement des créations ou des premières représentations en France. Outre les partenaires et les salles habituels, le festival s’égayera dans les bars de Limoges, avec un programme d’apéros-spectacles : Un instrument, une voix. Il y aura aussi des projections de documentaires en lien avec la création de la francophonie. L’espace public accueillera les arts de la rue et la fédération des commerçants et la Bibliothèque francophone sont d’accord pour s’ouvrir à La Nuit francophone, fête de clôture du Festival d’automne.
Enfin, Les Zébrures d’Automne vont investir la caserne Marceau, un vaste bâtiment acquis par la ville de Limoges. Tout s’y délocalisera, y compris les bureaux et la librairie. S’y dérouleront concerts, rencontres, projections et certains spectacles et un restaurant sera accessible au public comme aux artistes. Dans la vaste cour, il y aura un chapiteau de quatre-cent cinquante m2. Du cirque est prévu, et dans les prochaines années, un partenariat avec le festival Sirque de Nexon (Haute-Vienne). Cela permettra de mettra en valeur des artistes venus d’Afrique où le nouveau cirque reste à développer. Même s’il est déjà présent dans quelques festivals comme à Abidjan ou au Burkina Faso…
Les Francophonies – Des écritures à la scène vont continuer à rayonner, au printemps et à l’automne, au-delà de Limoges, chez les partenaires déjà existants comme les villes de Bellac, Saint-Junien, Uzerche et dans la grande Région de Nouvelle Aquitaine, jusqu’à Bordeaux et à la Maison Maria Casarès en Charente (voir Le Théâtre du Blog)… Beaucoup de projets restent à construire et la recherche de nouveaux publics se poursuit, en diversifiant les lieux de représentation. Et il y aura aussi des actions dans les lycées, en particulier avec le prix Sony Labou Tansi qui rassemble de plus en plus d’établissements scolaires.
Mais Hassane Kassi Kouyate n’oublie pas sa casquette de metteur en scène et prépare pour 2021, Congo, une histoire de David Grégoire Van Reybrouck, écrivain belge d’expression néerlandaise. Mohamed Kacimi s’est, lui, attelé à l’adaptation de cette vaste fresque de six cents pages pour huit comédiens et trois musiciennes…
« Être curieux de l’autre est un gage d’enrichissement » : Hassane Kassi Kouyaté retrouve Limoges où il est venu à ses débuts d’artiste, pour nous faire partager ces richesses, découvertes aux quatre coins de la planète francophone. Nous pourrons revoir avec plaisir Jours tranquille à Jérusalem de Mohamed Kacimi assister à trois créations : Le Pire n’est pas toujours certain, de Catherine Boscowitz, Cœur minéral de Matin Bellemare, mise en scène par Jérôme Richer, Pourvu qu’il pleuve, de Sonia Ristic mise en scène d’Astrid Mercier, suivre un stage de marionnettes à gaine, ou entendre une conversation avec l’écrivain israélien Joshua Sobol dont le texte Étranges Étrangers sera mis en scène par Jean Claude Berutti. Sans compter la remise de trois prix littéraires… A suivre.
Mireille Davidovici
Entretien réalisé le 21 juin.