Le Prix Ceslest’1

Le Prix Ceslest’1

 

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« En réalit(é) » de la compagnie Courir à la Catastrophe

C’est  l’objectif de ce premier Prix Celest’1, « un nouvel événement pour mettre en lumière les talents de la scène régionale ». Les spectacles-lauréats seront invités pour la prochaine saison. Quatorze maquettes ont été présentées et huit spectacles.  Le dieu du théâtre sait combien de talents éclatants ont fait de Lyon et de sa région une capitale de l’art dramatique: Roger Planchon, Marcel Maréchal, Patrice Chéreau, Georges Lavaudant, Alain Françon, Bruno Boëglin, Denis Guénoun, Michel Raskine, Christian Schiaretti…Et les réseaux qu’ils ont tissés sont encore bien vivants, même si la mémoire du théâtre est fragile. L’E.N.S.A.T.T. (Ecole Nationale Supérieure des Arts et techniques du Théâtre) est venue apporter une formation de très haute qualité aux aspirants au théâtre : l’histoire continue…

Les compagnies invitées à ce festival s’y inscrivent avec les inquiétudes d’aujourd’hui. Voir les noms de compagnies qu’elles se donnent : Les Rêves arrangés, Les désaxés, Les Combats absurdes,  Prends-toi un mur si t’es vivant… Et à la bien nommée compagnie Cassandre, quarante–huit abonnés du théâtre qui ont suivi l’intégralité des représentations, ont attribué le prix du public, pour Quatorze, « comédie documentée sur les trente huit jours qui précédèrent la première guerre mondiale ».

 Cela commence comme une fausse conférence avec power-point vacillant, batailles de micros et cafouillages (bien ordonnés-. Ça continue par un jeu de pantins de foire, empereurs et généraux. Nous ne dirons pas “guignols“ dans la ville de Mourguet, mais enfin il y a des coups de bâton qui ne se perdent pas. Et puis la gravité tord le cou à la pantalonnade : l’inertie, la légèreté l’aveuglement des dirigeants et des militaires… « Personne n’a voulu cette guerre et elle menace partout. Nous avons tous joué, et nous avons tous perdu. »

 La troupe mène ce match international, très exact historiquement  et très au point (jeu sur les anachronismes, fonction dramaturgique des costumes, en particulier) depuis plusieurs années : passées les commémorations de la Grande Guerre, cela “marche“ encore. Tant mieux pour les comédiens, tant pis et hélas pour le monde.

Pour le jury professionnel, le monde ne va pas mieux ; il a donné son prix à En réalités de la compagnie Courir à la catastrophe! inspiré de La Misère du monde, de Pierre Bourdieu. « Une confrontation de la difficulté de vivre la misère contemporaine à la difficulté d’en parler ».

Avec Berlin Sequenz, Antonio Pereira  affronte la question de la jeunesse et de  la révolte . Révolte écologique ? Révolution ? Action directe ? Il est moins bien servi par le langage des ses personnages, étudiants petits-bourgeois et par un usage contestable de la sonorisation quand il s’agit de prononcer un discours- que Solenn Denis, autrice de Narmol et celui de ses adolescentes de banlieue avec leurs trouvailles langagières savoureuses. Entre joie et désespoir, ce Narmol (normal, en un certain type de verlan), soutenu par le Centre Dramatique National de Montluçon, et incarné par deux excellentes jeunes comédiennes, est un bon tremplin à débats : féminisme, radicalisation, hypocrisie de ceux qui ne retiennent de la religion que la haine des femmes, libération par la lecture (Cioran à la bibliothèque de la prison : «Ils veulent vraiment qu’on se suicide ? », justice et vengeance… D’autant plus que la scénographie s’y prête : une partie des spectateurs est invitée à figurer le public du procès.

On aura aussi vu une jolie tentative de cirque-théâtre avec L’Autre. Jeu à deux, jeu à trois, agrès et mobilier servent les variations acrobatiques sur le thème du trio amoureux comme sur le double fantasmé: le tout manque un peu de structure dramaturgique mais trouve sa poésie, avec peu de mots, dans la musique… Enfin, Anne de Boissy et Jean-Philippe Salério, des comédiens qui ont pris de la bouteille dans la famille du théâtre lyonnais, ont  écrit une variation sur l’échec : Ça marchera jamais. Drôle de marabout-d’ficelle, drôle de menu-échantillon, parfois émouvant avec compilation de chansons en karaoké, film satirico-surréaliste, petite bouffée de poésie, coups de griffes au metteur en scène sadique comme à l’acteur masochiste, le tout quelque peu désabusé. Mouais…

Mais ce festival marche et même si l’on n’a pas pu tout voir, on ressent un plaisir particulier à suivre, avec le même appétit, la même curiosité, cinq spectacles en deux jours, huit en trois jours. Et à repérer les sensibilités, à suivre les nouvelles générations. Sans oublier l’excitation du concours : en matière d’art, c’est toujours contestable mais stimulant. On espère un Celest’2, une biennale ? Le paysage théâtral de la grande région mérite ce coup de projecteur…

Christine Friedel

Spectacles vus les 14 et 15 juin, Théâtre des Célestins, 4 Rue Charles Dullin, Lyon (IIème)(Rhône). T. : 04 72 77 40 00.

 

 

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