Jules César de William Shakespeare, traduction de Jérôme Hankins, mise en scène de Pauline Méreuze

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Jules César de William Shakespeare, traduction de Jérôme Hankins, mise en scène  de Pauline Méreuze

 «Crains les Ides de mars !» Le grand César, au sommet de sa gloire, triomphant, conquérant et qui a refusé trois fois la couronne, en bon Romain allaité à la haine des rois – trop malin pour tomber dans le piège – le grand César a peur. Il sent une fissure monter dans sa statue de bronze. « Ne va pas au Sénat, César ! ». Mais ses « amis » qui se veulent plus grands que lui, puisqu’ils le tueront au nom de la République, sont venus le chercher. Il se rend -ironie de terme français, première et dernière défaite- au Sénat, cette fois vaincu. Pourtant César n’est pas le personnage tragique de la pièce, mais Brutus.  Il est mon ami mais je dois le tuer et la raison d’Etat l’emporte sur l’émotion. Mais on verra que, pour la plèbe fluctuante, l’émotion l’emporte sur la raison d’État.

Le coup de génie de la pièce est de commencer par un puissant :« Rentrez chez vous », envoyé à la plèbe curieuse : il n’y a rien à voir ! Sous-entendu : qu’est-ce que le destin ? César aujourd’hui triomphe mais demain… Son génie fondamental? Exercer comme aucun autre l’art de la manipulation. Cassius emploie avec Brutus toutes les ressources de la rhétorique pour lui faire prendre la tête de la conjuration ; il doit tuer César pour tuer la tyrannie et, au passage, venger Cassius des  ses frustrations. Ironie tragique : le nom de César lui survit comme titre donné aux tyrans. Manipulation « honorable » : au nom du bien commun, Brutus réussit à calmer la foule indignée. Mais  comme il croit aux lois, il donne la parole à Antoine. Lequel s’empresse de retourner la foule en exhibant la tête et les mains de César, tout en dressant un portrait fielleux de Brutus. Pouvoir vite pris mais vite perdu : Octave, le futur Auguste, « allié » d’Antoine, est en embuscade…

La mise en scène de Pauline Méreuze est d’une remarquable clarté : pas de gras, pas d’ornements, pas de temps perdu. Les costumes à transformations de Lou Delville ont le double mérite de soutenir le rythme de la représentation et d’évoquer la fonction à l’instant T de chaque personnage (six comédiens seulement  sur le plateau), et elle n’a pas cherché à les rendre beaux. En deux secondes, un tissu rouge devient flaque de sang ou pourpre impériale. Tout est bien pensé, va droit au but et à l’essentiel… On fera quand même la grimace sur un point : l’articulation de certains comédiens. C’est surtout dommage pour le grand discours d’Antoine : on aimerait pouvoir se délecter de ce chef-d’œuvre de perfidie, ce modèle de conquête de l’opinion. Allez, une autre petite grimace : les personnages féminins, justes, bien vus mais tellement resserrés que l’on n’a pas le temps de les suivre. Peut-être le prix à payer pour la rapidité et l’efficacité politique de l’ensemble? La compagnie de Pauline Méreuze s’est baptisée: Mangeront-ils ? en hommage à Victor Hugo et à sa pièce de son Théâtre en liberté écrit en exil ; on pense aussi aux conditions de vie des artistes… À  suivre dans la région de Reims où elle s’est installée. En attendant, ce Jules César nous a mieux que bien nourris.

 Christine Friedel

 Spectacle vu le 1er juillet, Théâtre Artistic-Athévains,  45 rue Richard Lenoir, Paris (XIème).

 

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