Disparu, texte et mise en scène de Cédric Orain

Festival d’Avignon

Disparu, texte et mise en scène de Cédric Orain

C48F752A-4804-42F8-81AF-CD549E9E487DLe Ministère de l’Intérieur compterait chaque année près de deux mille cinq cent disparitions.  Volontaires ? Inquiétantes ? Les “évaporés“ japonais laissent derrière eux téléphone portable, pièces d’identité, voiture… Ils organisent leur disparition à la suite d’un licenciement, d’une rupture ou d’une atteinte insupportable à leur honneur.* Mais lui, ce garçon, en France, parti à dix-neuf ans ? Il a le droit, il est majeur. Mais elle, sa mère ?

Une voix masculine anonyme et bienveillante pose les questions et définit le protocole : vous acceptez que je vous interroge sur la disparition de votre fils, vous répondez si vous le souhaitez, vous gardez le silence si vous le souhaitez. Et le silence pèse, d’abord. Les mots viennent difficilement. Et peu à peu, ils touchent une zone sensible et  la parole se libère. Que s’est-il passé, avec ce garçon brillant et original? Quels signes annonciateurs a-t-elle pu louper ? La mère cherche son fils dans la chambre inchangée au fil des ans, elle le cherche en elle. Et pourtant peu à peu, son visage se défait. Le père le cherche de par le monde, raconte-t-elle et elle imagine le jour où il sera là, derrière la porte,  «et ce serait un trop gros choc, alors je suis obligée de pressentir son retour, les quelques secondes qui précèdent l’instant où il va sonner ».

Au bout d’un moment, l’interrogateur s’efface: il a rempli son rôle, il a libéré une parole d’abord rare. Laure Wolf est  seule sur sa chaise dans l’obscurité, à peine nimbée d’une lumière qui monte progressivement, comme le récit lui-même, jusqu’à projeter son ombre, double et précise, sur les murs du théâtre. Elle arrive à donner le sentiment d’une double gestation : comme si la mère mettait son fils au monde, encore et encore, dans sa quête du souvenir, comme si la chambre du fils la mettait elle-même au monde. Cédric Orain dit  vouloir parler du silence. On l‘entend dans l’hésitation, la difficulté de cette femme à répondre à l’interrogateur ; on l’entend plus encore dans la tentative de la mère pour que le disparu ne se taise pas, en elle, au moins. Au fil des mots, elle tire sur le fil fragile de la mémoire, pour le ramener des limbes. Un instant, elle y parvient presque… Et c’est très beau.

Christine Friedel

Théâtre du Train bleu, 40 rue Paul Saïn, Avignon, à13 h 45. T. : 04 90 82 39 26

* Voir dans Le Théâtre du blog : Les Évaporés, texte et mise en scène de Delphine Hecquet.

 

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