Marie Stuart de Ludovic M. Formentin d’après Stéphane Zweig, mise en scène de Nohlann Kean

Marie Stuart de Ludovic M. Formentin, d’après Stéphane Zweig, mise en scène de Nohlann Kean

© Pascal Gély

© Pascal Gély

Les sujets ne sont pas les seuls à se soumettre à  l’autorité royale. Les représentants suprêmes du pouvoir, sont eux-mêmes même contraints d’obéir: «Ils m’ont demandé d’être Marie Stuart. J’ai accepté. Ils m’ont dit que pour cela, je devais être reine d’Ecosse. J’ai dit oui. Ils ont ensuite insisté, exigeant que je sois reine de France. A nouveau, j’ai dit oui. » Tels sont les mots de cette grande Dame souveraine catholique, en ouverture de la pièce.

À la mort de son père, le roi d’Écosse Jacques V Stuart, le 14 décembre 1542 Marie Stuart est couronnée dans son berceau. Souveraine du royaume d’Écosse de cette date jusqu’au 24 juillet 1567, puis reine de France du 10 juillet 1559 au 5 décembre 1560 ! Elle grandit dans notre pays où elle épousera à seize ans le futur roi François II.  Au début du spectacle, le drame relate la dernière nuit tragique de la reine avant l’échafaud où l’a envoyée sa cousine et rivale, Elisabeth d’Angleterre qui l’a condamnée à mort. Jouée  par Daphné Proisy seule en scène qui profère le texte à la fois avec délicatesse et rage : « Marie Stuart jusqu’au bout ! »

Une violence tout en retenue, mais rapidement une tension prend forme. Le public fasciné par ce destin hors du commun, ne quitte plus le regard de cette créature aristocrate et mystérieuse. Même si l’émotion se perd de temps à autre. En effet, la comédienne parfois ne semble plus être habitée par cette fragilité comme par cette force qu’elle donne à ce magnifique personnage de femme et de reine. Autre point fort, l’écriture et l’adaptation de Ludovic M. Formentin. Il réussit à travers la vie politique et privée de Marie Stuart, à allier de façon fine et précise la fiction théâtrale et la réalité historique. Ici, l’intime rejoint l’universel : «C’était votre voix, votre souffle contre ma tempe dont j’avais besoin -non pas cette couronne que vous m’avez laissée, trop grande et trop lourde pour une petite tête d’enfant- en me laissant avec elle tous ses dangers. »  Cette prouesse d’auteur permet de nous  rafraîchir la mémoire sur ce XVIème siècle où l’Écosse était profondément divisée, comme la France et pour la même raison : la lutte entre protestants et catholiques déchirait la société. 

Mais il ne s’agit pas d’un spectacle pédagogique et la magie théâtrale opère véritablement. Point de cours d’Histoire ou d’empilement de connaissances. La mise en scène de Nohlann Kean et le texte nous touchent et étourdissent notre esprit devant ce destin, à la fois surprenant et terrible de responsabilité : «Faut-il que les Stuart ne puissent jamais vivre heureux, ni longtemps ? »

Décor sobre, sans ornement. Le velours rouge sang du lit,  le jeu de cartes noir et blanc imprimé sur le tapis et le grand miroir d’angle tel un mur de verre coupant, imposent d’emblée un climat cruel qui ne cessera de croître. Il n’y a plus rien à attendre et  rôde une funeste fin. Daphné Proisy nous touche par la grandeur, la sensibilité qu’elle donne à son personnage et au destin de cette reine, exilée et enfermée pendant plus de douze ans! Et qui revient en Ecosse pour régner dans un pays, le sien, mais qu’elle n’a pas eu le temps de connaître : «Me voilà devenue à jamais et en tout lieu, une étrangère !» C’est la mort qui l’accueillera…
Elle est l’Étrangère mais restera pour toujours et jusqu’au plus profond de l’horreur: Marie Stuart. «Ce monde est à moi, et il est mon bien le plus cher, qu’ils ne me prendront pas, en prenant ma vie ! » Telle apparaît Marie Stuart, marquée dès le premier souffle du sceau de la fatalité. Personnage de théâtre, romanesque, sa vie, tout à la fois âpre et raffinée, précieuse et sanglante,  fait songer à un drame de Shakespeare

Des extraits de symphonies de Gustav Mahler accompagnent avec justesse les dernières confidences de la reine face au jugement de Dieu. Ici, la théâtralité enchante cette page noire de l’Histoire et la part existentielle de cette haute figure de la Renaissance. Un grand moment romantique et violent. Marie Stuart, une reine aux mille tourments, une femme, aujourd’hui, toujours et encore mystérieuse.  A découvrir ! 

Elisabeth Naud

Théâtre de l’Étincelle, 14 place des Études, Avignon, à 10h. T.  : 04 90 85 43 91.

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