Tous mes rêves partent de la Gare d’Austerlitz de Mohamed Kacimi, mise en scène de Marjorie Nakache

 

Tous mes rêves partent de la Gare d’Austerlitz de Mohamed Kacimi, mise en scène de Marjorie Nakache

©benoite fanton

©benoite fanton

Dans une maison d’arrêt, cinq femmes se retrouvent tous les jours à la bibliothèque dirigée par Barbara (Marjorie Nakache). Comme elle, Rosa, Marylou, Zélie et Lily sont là le plus souvent à la suite  d’une dispute avec leur homme qui a très mal tourné quand elles ont voulu se défendre… Elles découvrent que seule la solidarité dans cette taule leur permettra de rêver encore un peu au vert paradis de leur amour disparu. Mais attention: Barbara  leur a vite fait vite la leçon: tous les maris ou compagnons tombent toujours en panne quand ils leur rendent visite… Un taulard cela existe, une taularde, non…. Autrement dit, vous êtes sur une liste noire de vos proches et vous n’aurez aucun espoir de visite. Quant aux bébés, vous entendez leurs cris dans cette maison d’arrêt mais il ne resteront pas plus de neuf mois avec leurs mères… Dura lex, sed lex.

Et Mohamed Kacimi sait ce dont il parle: « Depuis quelques années, j’anime, durant les fêtes de fin d’année, un atelier d’écriture à la maison d’arrêt des femmes de Fleury-Mérogis. J’ai vu comment la prison réagit sur les hommes. Elle les broie, les écrase et en fait des monstres. Elle est tout le contraire pour les femmes. Elle les éteint. Elle nie leur féminité, leur corps et même leur maternité. Ainsi rayées de la carte, les femmes détenues se dessinent d’autres visages, d’autres parcours, d’autres vies pour pouvoir exister encore. Elles cherchent à échapper à leur condition carcérale par tous les moyens: le rêve, le délire, le rire, la folie ou, parfois, la mort.”

Enfin, il y a dans cette taule, malgré les bruits insupportables et les inévitables disputes, une solidarité réelle. Un soir de Noël, elles sont libres, enfin un petit peu… Elles ont pu quitter leur cellule et c’est l’occasion de faire une petite fête à la bibliothèque. Sur une table avec une nappe décorée d’une pauvre petite guirlande et de boire un coup de “vin” fabriqué avec du jus de pomme fermenté. Et elles préparent des cadeaux pour leurs enfants. Mais ce soir de Noël, arrive Frida que l’on a arrêtée pour l’enlèvement de sa fille. Dénoncée au moment où elle achetait pour elle, On ne badine pas avec l’amour d’Alfred de Musset.  En état de choc, Frida veut mourir. Barbara et les autres jeunes femmes lui proposent alors de jouer une scène de la célèbre pièce. Ou le théâtre, le jeu, même dans les conditions les plus simples peuvent être un moyen d’échapper quelques heures à leur incarcération.

Jamila Aznague, Gabrielle Cohen, Olga Grumberg, Marjorie Nakache, Marina Pastor et Irène Voyatzis sont toutes justes, crédibles. Et très subtilement dirigées par Marjorie Nakache qui a pris soin de ne pas en rajouter dans le pathétique. Mais on aurait aimé que l’auteur ne se contente pas d’un simple constat sociologique et aille plus loin. Il y a des répliques un peu faciles qui flirtent avec le théâtre de boulevard. Et la seconde partie de la pièce, quand ces jeunes femmes jouent la scène-culte de Badine, est plus conventionnelle et traîne un peu en longueur. Bref, ce n’est pas la pièce de l’année mais comme elle a déjà été jouée et est très bien rodée, le public du troisième âge  -très peu de jeunes! -ravi de découvrir l’univers carcéral, a fait ce soir-là une ovation debout méritée à la metteuse en scène et à ses actrices… A vous de voir, si cela vaut le coup.

Philippe du Vignal

Chapelle du Verbe Incarné, 216 rue des Lices, Avignon à 18 h. T. :  04 90 14 07 49.

 

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