L’Effort d’être spectateur de Pierre Notte

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Festival d’Avignon:

L’Effort d’être spectateur de Pierre Notte

 L’homme -pas encore cinquante ans- connaît bien le théâtre contemporain. Il a écrit nombre de pièces (voir Le Théâtre du Blog) mais est aussi metteur en scène et comédien. Passionné par l’art de la scène  qu’il pratique depuis quelque trente ans, il a fait tous les métiers en relation avec le théâtre, que ce soit au Rond-Point où il est actuellement artiste associé ou dans des Théâtres nationaux comme la Comédie-Française, etc.

C’est un texte de 2016 où il expose ses points de vue sur la place du spectateur, c’est à dire sur le rapport à l’autre qu’il faut impérativement établir et qui reste le dénominateur commun de toute création. Qu’elle soit d’avant-garde, classique  ou contemporaine. Et qu’elle rassemble  vingt comédiens ou un seul et que ce soit dans une grande ou petite salle ou dans la rue.  Et cela vaut  pour les acteurs, l’auteur et le metteur en scène. Pourquoi et comment se comporte un public… Il s’agit bien d’une conférence, précise Pierre Notte, qui arrive par la salle, chargé d’un sac plein de livres dont il énumère les auteurs: Jean-Luc Godard, Joseph Danan, Enzo Corman… Un texte repris des nombreuses conférences qu’il a données un peu partout. Seul en scène, il parle assez vite mais avec une diction magistrale et le public boit ses paroles. Passionné il est souvent d’une ironie cinglante et on sent qu’il ne dissimule pas son plaisir à régler quelques comptes personnels.

C’est le plus souvent brillant et on adore l’entendre parler avec la plus grande compétence de théories théâtrales, sans que cela soit ennuyeux une seconde. Il cite notamment Marguerite Duras “ C’est par le manque qu’on donne à voir ». Et Pierre Notte embraye aussitôt: « Au cinéma, l’image sature l’écran. Au théâtre, on cherche à désaturer et  le spectateur travaille à continuer ce qui lui est proposé. » Discutable… mais le public admire la démonstration. Et il explique en solide pédagogue, comment un acteur peut arriver avec sa voix à dessiner un espace. Et pourquoi, de temps à autre, un spectateur se met à tousser et il cite la fameuse phrase sur le sommeil au théâtre de Bernard Dort, grand professeur et remarquable théoricien emporté par le sida et qui fut  un de nos meilleurs profs d’histoire du théâtre.

Que signifie la nudité  sur un plateau, aussi se demande Pierre Notte qui précise à juste  titre, que le spectateur est avant tout un travailleur de la pensée et de l’imaginaire. Il est cultivé, cela s’entend et passionné par la sphère théâtrale en ce qu’elle rejoint aussi ses préoccupations les plus intimes. Sur le plateau, pas grand chose d’autre qu’une guirlande lumineuse et un piano droit dont il s’accompagnera parfois our chanter un petit air. En collant et T shirt noir, prend soin de ne jamais se prendre au sérieux et chausse des gants de boxe rouge vif, ou monte en escarpins noirs à hauts talons sur un tabouret tournant…  Ou fait sortir de son chapeau haut de forme, des flocons de neige en expliquant qu’ils sont encore plus vrais,  parce qu’ils sont faux. Le grand Jérôme Savary aurait apprécié, lui qui faisait souvent tomber de la neige dans ses spectacles entre autres Mère Courage. En souvenir de l’enfant débarqué d’Argentine voyant avec émerveillement, la neige pour la première fois au Chambon-sur-Lignon en Haute-Loire…

Pierre Notte parle aussi de spectacles-culte comme l’Electre de Sophocle, mise en scène par Antoine Vitez ou évoque des metteurs en scène comme Patrice Chéreau,Ariane Mnouchkine, Thomas Ostermeier… des auteurs Bernard-Marie Koltès, Jean-Claude Grumberg, Rodrigo Garcia, Hélène Cixous ou encore des théoriciens Bernard Dort , Alain Badiou… Tout cela dans un  joyeux tohu-bohu avec nombre de savoureuses anecdotes  comme cette incroyable histoire: Jean Lambert-wild se mettant en danger allongé sur un mur…  à l’entrée d’un théâtre.

C’est d’une rare intelligence scénique et Pierre Notte a le don d’emmener avec lui  un public qui lui est acquis dès les premières minutes. Dans une grande proximité et sans guère d’accessoires sinon un cerceau noir rayé de blanc qu’il fait tourner à la fin autour de son corps , tout en continuant à parler. Des réserves? Oui, mais si peu: au début, Pierre Notte a tendance à aller un peu vite et à tape sur les fins de phrase. Et mieux vaudrait quand il parle de Didier Sandre qui y enseigna, ne pas dire: Conservatoire national Supérieur d’art dramatique de la ville de Paris, ce qui est faux. Et il aurait pu nous épargner un jeu de mot plus que douteux sur la fin du nom d’Alain Finkielkraut que visiblement,  il n’apprécie guère. Passons…

A part cela, que du bonheur et ces soixante-dix minutes éblouissantes  et drôles en apprennent davantage au public que l’interminable et prétentieuse logorrhée d’Architecture de Pascal Rambert (voir Le Théâtre du Blog) sur l’art du théâtre.

Philippe du Vignal

Artephile, 5 bis rue du Bourg-Neuf, Avignon, jusqu’au 27 juillet (relâche le 21), à 13 h 25. T.  : 04 90 03 01 90 

Du 6 novembre au  1er décembre, Théâtre du Rond-Point, Paris (VIII ème) Et le 28 avril, Théâtre de Chelles (Seine-et-Marne).

 

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