Ma Colombine de Fabrice Melquiot, mise en scène et interprétation d’Omar Porras
Ma Colombine de Fabrice Melquiot, mise en scène et interprétation d’Omar Porras
Le rire, tel est l’objet, l’accessoire, et jusqu’à l’esprit même de l’art, de l’esthétique et de la philosophie de ce mime et comédien mais aussi metteur en scène. D’origine colombienne, il se souvient du temps où, écolier à Bogota, il demanda à son maître l’autorisation de sortir de la classe pour pouvoir se soulager, ce qu’il lui refuse et lui dit de s’en sortir seul. Ce qu’il fit aussitôt, de manière à la fois naturelle et triviale, pour cause d’extrême urgence. Mais il devint la risée de tous ses camarades, objet de moqueries et de sarcasmes, d’autant qu’on l’obligea à se changer et à mettre une robe de fille… Ainsi commence cette épopée enfantine, irisée d’ombres et de lumières, du plus jeune âge jusqu’à une maturité tout juste acquise, au moment du départ pour Paris. La clé peut-être de son destin de ce saltimbanque, mime et comédien qui aima se déguiser et se travestir, avant de devenir un grand metteur en scène suisse.
Fabrice Melquiot a écrit ce monologue pour Omar Porras, à partir de sa propre biographie. Aussi Omar est-il appelé, à l’occasion, Oumar Tutak, nom d’un petit double fictionnel qu’on peine à départager de l’adulte… Ce récit d’un voyage poétique avec l’écrivain Ma Colombine – un nom, un thème, un personnage, un pays originel tant aimé- est aussi la rencontre heureuse d’Omar Porras avec un poète curieux de la culture de son ami. Mais aussi un conte, à la fois lunaire et solaire, habité de personnages mythologiques, animaux sacrés et plantes miraculeuses : un véritable songe éveillé.
Pour l’interprète lui-même, il s’agit d’un acte poétique, un solo avec le public comme seul partenaire, pour la mise au jour des pays divers qui envahissent l’artiste, changeants et vifs comme les rivières d’argent des légendes d’antan.Un corps en danse et en transe poétique : Omar Porras est une manière de lutin, de figure féérique, un esprit de la terre et du ciel, proche d’Ariel dans La Tempête de Shakespeare… Images littéraires, métaphores poétiques, musique des mots avec allitérations et assonances- auréolés d’un accent latino-américain. Même s’il reste colombien dans l’âme, au service de la musique, du rythme et de la respiration.
L’acteur sautille, joue des mains et des bras, se courbe puis se redresse, raconte, imagine, inventorie tous les sons et les images du monde qu’il a rencontrés, se mouvant tel un serpent, rampant, se contorsionnant, toujours alerte et énergique. Accroupi sur un rocher dominé dans la nuit par une lune majestueuse, à l’ombre d’un arbre au printemps dont les fleurs s’illuminent parfois, en ajoutant de la joie à la joie. Révélation d’une conscience littéraire et éveil au monde quand il arrive à Paris. Pour lui, la scène est un espace sacré propice à toutes les réincarnations. Avec un jeu exigeant et après un travail rigoureux où il donne la part belle à l’esthétique même du geste…
Véronique Hotte
11. Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail ,Avignon. T. : 04 90 89 82 63, jusqu’au 26 juillet à 11 h 40, relâche les 17 et 24 juillet.