Aïe ! un poète ! d’après l’œuvre de Jean-Pierre Siméon et les poètes d’hier et d’aujourd’hui, performance d’Anne Rebeschini
©Pascal Gély
Depuis toujours la poésie s’est manifestée sous diverses formes esthétiques et au sein de tous les arts, une reine ! Aède, rhapsode, troubadour, saltimbanque, poète n’ont cessé de faire danser les mots. Leur regard esthétique transfigure le monde en toutes choses. La différence devient complice du citoyen-spectateur et lecteur. Non adversaire ! La question du sens fait des siennes pour notre plus grand bonheur et le langage, en liberté, s’impose avec charme. Ainsi dans la maison de Calliope, des muses et de tant d’autres magiciens de l’écriture, cette performance nous invite à découvrir l’existence sous d’autres cieux.
Pour Jean-Pierre Siméon «La poésie est une questionneuse enragée». Mais dans nos sociétés occidentales qui privilégient le divertissement et favorisent l’absence de pensée et de responsabilité, l’art de la poésie trouve difficilement une écoute spontanée et sensible. Le titre pince-sans-rire du spectacle se suffit à lui-même pour ne pas le nier. Cette performance le fait brillamment et nous rappelle à quel point la poésie est objet d’enchantement et d’intelligence visionnaire. Voltaire écrivait : «On demande comment, la poésie étant si peu nécessaire au monde, elle occupe un si haut rang parmi les beaux-arts. « c(…) « La poésie est la musique de l’âme, et surtout des âmes grandes et sensibles ».
Dans un écrin de velours noir, quelques spots de lumière blanche ou colorée. Seule en scène, la comédienne et danseuse-chorégraphe, au Tanztheater Wuppertal Pina Bausch et à l’Opéra de Paris) nous ouvre, avec grâce et une énergie généreuse, la porte de cet univers inspiré et d’une belle violence. Avec cette vision apollinienne et dionysiaque, inattendue, le réel prend forme alors pour le public… Sa voix, son corps et sa gestuelle magnifique de théâtralité, comme des envols tout en puissance mais légers, s’emparent d’un bouquet de poèmes.
Anne Rebeschini joue de son costume noir avec malice et subtilité, tel un prestidigitateur, et devient ainsi en quelques secondes, tour à tour le personnage poétique de la situation. Invisibles mais vivants, tels des figures testamentaires : Baglin, Baudelaire, Cosem, Desnos, La Fontaine, Lamartine, Luca, Lao Tseu, Maiakovski, Nadaus, Nasreen, Padellec, Prévert, Tarkos, Villon, entrent avec sensibilité et grâce dans la danse :« Je crois profondément, comme Jean-Pierre Siméon, que la poésie sauvera le monde. Une Utopie ? En tous cas, elle m’a sauvée » affirme l’artiste. Cette performance est aussi pour les spectateurs, femmes et hommes, citoyens des mondes modernes, un signe vital pour notre évolution humaine.
« AÏE ! Un poète » … Exclamation, cri, plein d’humour et d’un peu d’ironie. A la sortie, le public sous une chaleur écrasante, laisse entrevoir un visage apaisé, heureux mais conscient de l’alerte ! Un monde sans poésie est un monde absent de liberté et de création, artistique bien sûr mais aussi scientifique ! Adieu la beauté ! A voir !
Elisabeth Naud
Théâtre du Rempart, 56, rue du Rempart Saint-Lazare, Avignon. T.: 09 81 00 37 48 / 04 90 85 37 48, jusqu’au 27 juillet, à 14h 30
Le texte est publié chez Cheyne éditeur.