Gare au théâtre: Nous n’irons pas en Avignon vingt et unième édition:

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Gare au théâtre: Nous n’irons pas en Avignon vingt et unième édition:

Exils de Nathalie Sternberg

«Un corps entre en mouvement ou reste immobile, dit Paul Auster. S’il se meut, quelque chose commence. S’il reste immobile, quelque chose commence aussi.»  Qu’emporte-t-on dans nos exils? Une valise, quelques traces du passé…Nathalie Sternberg et Marta Bentkowski dansent l’une contre l’autre… Puis jacassent, chantent, portent une valise, l’ouvrent et l’une d’elles se met la tête dedans. Elles se bouchent les oreilles et se couchent contre cette valise. Comment emporter son passé avec soi ? Ce petit ballet silencieux se déroule au centre d’un carré dessiné  sur la scène.

Ensuite Thibault Leroy interprète un solo dans ce même carré: « Je suis seul, enfermé, dans cette prison aux murs si épais, je dois quitter cet endroit absolument, trouver le sens profond des choses, la pure réalité des rêves, passer de l’intérieur à l’extérieur. Que me reproche-t-on ? La création de ma propre prison ? Je n’enfreins aucune règle ! Mais peut-on croire un mime sur parole? Je n’irai pas en Avignon. »
Efficace et plein d’humour !

Edith Rappoport

Nous n’irons pas en Avignon se poursuit à Gare au Théâtre à Vitry-sur-Seine jusqu’au 3 août. Programme différent chaque semaine. T. : 01 43 28 00 50.


Archive pour 18 juillet, 2019

EF_FEMINITY, un spectacle documentaire de Marcel Schwald et Chris Leuenberger

 

EF_FEMINITY, spectacle documentaire de Marcel Schwald et Chris Leuenberger ( en anglais, allemand, suisse-allemand, tamoul et kannada, surtitré en français)

© Lukas Acton

© Lukas Acton

«Je suis un garçon et une fille, un homme et une femme», dit Chris Leuenberger, acteur dans cette pièce avec Marcel Schwald. Dès l’enfance, ils voulaient être filles. Être transsexuel dans les années 1970-80 en Suisse, relevait du défi. Seul l’art pouvait permettre cette liberté de vie.

Les  metteurs en scène ont aussi rassemblé pour l’occasion plusieurs artistes comme Shilok Mukkati, Diya Naidu, Living Smile Vidya. Ils s’interrogent collectivement sur le sens du mot, «effémination», à travers des récits autobiographiques. «En français comme en anglais et en allemand, il existe le mot effémination, qui veut dire féminiser mais avec une connotation péjorative.  Ici,  nous nous sommes servis de ce mot mais en nous l’appropriant positivement. Pourquoi serait-il de moindre valeur d’aspirer à cette ef_femi(ni)té? Pourquoi ne pas vivre et célébrer cette facette et, par la même occasion, se solidariser avec toutes sortes de féminités qui existent ou existeront dans le futur.»

 Ces questions pourraient faire l’objet d’une thèse ou d’un colloque. Sur scène,  plusieurs histoires personnelles traumatisantes pour cause de la discrimination sociale dont les femmes sont victimes, en particulier en Inde mais aussi en Occident. Nous garderons longtemps en mémoire les cris de douleur de la danseuse féministe Diya Naidu, évoquant les viols qu’elle a subis, la dignité contenue de Living Smile Vidya, actrice transsexuelle, clown et auteure, quand elle nous montre les cicatrices sur son corps : « C’est l’histoire de mes cicatrices, l’histoire de ma survie.»

Nous penserons aussi aux questions de Shilok Mukkati journaliste transsexuelle, sur la féminité de chacun d’entre nous : «Pourquoi le comportement connoté féminin est-il en général moins privilégié que le comportement masculin? » Ces artistes rencontrées en Inde par les metteurs en scène luttent, chacune à sa façon, pour la reconnaissance de leur féminité. Nous découvrons des solos tous empreints d’une grande douleur. La danse n’arrive pas ici à adoucir le propos de cette pièce qui nous concerne tous profondément. Un spectacle indispensable à voir…

Jean Couturier

Hivernales-C.D.C.N.d’Avignon, dans le cadre de la sélection suisse. 18 rue Guillaume Puy, Avignon (Vaucluse). T. : 04 90 82 33 12, jusqu’au 20 juillet à 21 h 15.

 

 

Pour Bobby, mise en scène et scénographie Alain Timar avec Charlotte Adrien.

Pour Bobby, de Serge Valetti, mise en scène et scénographie d’Alain Timar

©-Louise Maignan

©-Louise Maignan

A ce spectacle avec Charlotte Adrien, fait écho  un autre A plein gaz… A ces  monologues,  correspond un troisième  de Serge Valetti Mary’s à minuit, à voir aussi  Avignon

Serge Valetti se réclame d’un théâtre populaire – un public  d’anonymes, de tous ceux qu’on pourrait désigner comme « non remarquables » et l’auteur veut écrire comme on parle dans la vie, sans vouloir bien dire, ou beau dire.

Il avoue préférer les chemins de traverse de l’école buissonnière, entre digressions et parenthèses, apartés chroniques qui tirent le fil d’un imaginaire éloquent qui lui est cher et l’on reste ainsi à l’écoute de ceux qu’on n’entend jamais. Des solos de théâtre pour libérer une parole qui a droit de cité, autant qu’une autre, si humble et si modeste soit-elle, sans la moindre prétention à vouloir être reconnue. Laisser les choses venir naturellement et continuer à écrire et à exister simplement.

Ainsi parle  Charlotte Adrien : «Je peux aussi, si vous voulez, trier les enveloppes… ça, je sais le faire : on regarde l’adresse et puis le numéro, et je classe par numéro… Ou alors les vitres, je nettoie les vitres, j’arrose les plantes, ou alors je reste là sans rien dire ! Qu’est-ce que je peux faire encore ? Plein, plein de choses… Pas chanter, ça non, je sais pas chanter… » Générosité et humilité face à aux spectateurs, installés dans la proximité d’une petite tente de cirque- et en même temps, auto-éloge et autodérision implicite : la jeune femme, en quête d’emploi ou simplement de reconnaissance, se dit   pouvoir faire les gestes répétitifs les plus sommaires et les moins remarquables.

Elle propose aussi de donner la preuve de son engouement pour la course à pied ou même la marche, si on prévoit auparavant « assez de stérilux pour les ampoules ». L’actrice, souriante et disponible, s’adresse au public sans détour et évolue sur sa petite scène comme un poisson dans l’eau, jouant avec la table et la chaise de jardin,  qui lui tiennent lieu de références et de piliers stables de foyer.

A l’écoute d’elle- même dans ce bilan, elle sait aussi comprendre les jugements, les points de vue divers… Un témoignage d’humanité, de tranquillité qui s’oppose à la rage et à la fureur ambiante que subit tout citoyen, tenu sans cesse de devoir prouver ses capacités: valeur concurrentielle et marchande, rivalité absurde avec soi…

Véronique Hotte


Théâtre des Halles, rue du Roi René. T.: 04 32 76 24 51, jusqu’au 28 juillet à 14h, relâche le 23 juillet.

Un homme, d’après une nouvelle de Charles Bukowski, mise en scène de Gaël Leveugle

Festival d’Avignon

 

Un homme, d’après une nouvelle de Charles Bukowski, mise en scène de Gaël Leveugle 

© frederic Toussaint

© frederic Toussaint

Sur la place Belle-Croix à Avignon où se trouve La Caserne, une peinture murale, usée par le temps, figure la Chiesa della Croce, à Senigallia dans la province d’Ancône.

Un homme âgé assis y est aussi dessiné et pourrait être le fantôme de Charles Bukowski.

«Dans cette petite histoire, Constance se pointe chez George, dans sa caravane, avec une bouteille de whisky, dit Gaël Leveugle.  Elle vient de quitter Walter. Elle et lui voient monter leur désir de se retrouver, mais dans le monde tel que le déplie Bukowski, ça n’est pas aussi simple que ça. C’est pas parce qu’on veut qu’on peut. » Avec sa compagnie Ultima Necat, l’artiste, inspiré par la danse butô, donne beaucoup d’importance au langage corporel et envisage la parole comme un mouvement faisant partie d’un tout. Dès la première scène, il assemble musique, danse, acrobatie et texte.

On entend la nouvelle de l’auteur américain d’origine polonaise en voix off, et baigné dans un étroit rayon de lumière, le metteur en scène qui joue aussi dans cette pièce, se trouve traversé par des mouvements rapides et dissociés, comme disloqué par la parole. Charlotte Corman et Julien Defaye le rejoignent, incarnant avec conviction Constance et George. Leurs solitudes se rencontrent: deux destins en chute libre comme le symbolise la leur sur un gros matelas de gymnastique. Le texte va être répété plusieurs fois, soit en « play back » comme une pensée intérieure, soit déclamé par les comédiens. La musique est très présente: soit avec des extraits enregistrés d’une symphonie de Beethoven sur laquelle chante alternativement chacun des artistes, soit jouée en direct par Pascal Battus. A jardin, assis sur une table, le compositeur amplifie le son émis par le frottement de différents matériaux. Le metteur en scène signe aussi la scénographie et nous réserve quelques belles surprises en nous plongeant dans une atmosphère de film : un fauteuil club rouge, l’indispensable table basse avec verres et bouteille de whisky,  le tout éclairé par la lumière de petites ampoules en série tombant des cintres…

 Malheureusement les nombreux temps morts n’ont pas la densité des silences de Paris- Texas de Wim Wenders. Les répétitions de phrases de Bukowski, pas toutes indispensables, rallongent cette pièce qui dure déjà une heure quinze: «Mes jambes, tu les aime toujours? Je n’ai jamais pu les regarder de trop près, elles me brûlent les yeux»…  Par ailleurs, cette adaptation d’Un homme ne manque pas de charme.

 Jean Couturier

La Caserne, 116, rue de la Carreterie, Avignon. T.: 04 90 39 57 63, jusqu’au 22 juillet, à 20 h45

 

Aïe ! un poète ! D’ après l’oeuvre de Jean-Pierre Siméon et les poètes d’hier et d’aujourd’hui, Performance de Anne Rebeschini

Aïe ! un poète ! d’après l’œuvre de Jean-Pierre Siméon et les poètes d’hier et d’aujourd’hui, performance d’Anne Rebeschini    

©Pascal Gély

©Pascal Gély

Depuis toujours la poésie s’est manifestée sous diverses formes esthétiques et au sein de tous les arts, une reine ! Aède, rhapsode, troubadour, saltimbanque, poète n’ont cessé de faire danser les mots. Leur regard esthétique transfigure le monde en toutes choses. La différence devient complice du citoyen-spectateur et lecteur. Non adversaire ! La question du sens fait des siennes pour notre plus grand bonheur et le langage, en liberté, s’impose avec charme. Ainsi dans la maison de Calliope, des muses et de tant d’autres magiciens de l’écriture, cette performance  nous invite à découvrir l’existence sous d’autres cieux.

Pour Jean-Pierre Siméon «La poésie est une questionneuse enragée». Mais dans nos sociétés occidentales qui privilégient le divertissement et favorisent l’absence de pensée et de responsabilité, l’art de la poésie trouve difficilement une écoute spontanée et sensible. Le titre pince-sans-rire du spectacle se suffit à lui-même pour ne pas le nier. Cette performance le fait brillamment et nous rappelle à quel point la poésie est objet d’enchantement et d’intelligence visionnaire. Voltaire écrivait : «On demande comment, la poésie étant si peu nécessaire au monde, elle occupe un si haut rang parmi les beaux-arts. « c(…) « La poésie est la musique de l’âme, et surtout des âmes grandes et sensibles ». 

Dans un écrin de velours noir, quelques spots de lumière blanche ou colorée. Seule en scène, la comédienne et danseuse-chorégraphe, au Tanztheater Wuppertal Pina Bausch et à l’Opéra de Paris) nous ouvre, avec grâce et une énergie généreuse, la porte de cet univers inspiré et d’une belle violence. Avec cette vision apollinienne et dionysiaque, inattendue, le réel prend forme alors pour le public… Sa voix, son corps et sa gestuelle magnifique de théâtralité, comme des envols tout en puissance mais légers, s’emparent d’un bouquet de poèmes.

Anne Rebeschini joue de son costume noir avec malice et subtilité, tel un prestidigitateur, et devient ainsi en quelques secondes, tour à tour le personnage poétique de la situation. Invisibles mais vivants, tels des figures testamentaires : Baglin, Baudelaire, Cosem, Desnos, La Fontaine, Lamartine, Luca, Lao Tseu, Maiakovski, Nadaus, Nasreen, Padellec, Prévert, Tarkos, Villon, entrent avec sensibilité et grâce dans la danse :« Je crois profondément, comme Jean-Pierre Siméon, que la poésie sauvera le monde. Une Utopie ? En tous cas, elle m’a sauvée » affirme l’artiste. Cette performance est aussi pour les spectateurs, femmes et hommes, citoyens des mondes modernes, un signe vital pour notre évolution humaine. 

« AÏE ! Un poète » … Exclamation, cri, plein d’humour et d’un peu d’ironie. A la sortie, le public sous une chaleur écrasante, laisse entrevoir un visage apaisé, heureux mais conscient de l’alerte ! Un monde sans poésie est un monde absent de liberté et de création, artistique bien sûr mais aussi scientifique ! Adieu la beauté !  A voir ! 

 Elisabeth Naud 

Théâtre du Rempart, 56, rue du Rempart Saint-Lazare, Avignon. T.: 09 81 00 37 48 / 04 90 85 37 48, jusqu’au 27 juillet, à 14h 30 

Le texte est publié chez Cheyne éditeur.

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