Here and Now, une performance de Trân Tran
Festival d’Avignon OFF
Here and Now, une performance de Trân Tran
Une femme aux allures de garçonne et son ombre bien féminine, genre Irma Vamp du cinéaste Louis Feuillade, doublée d’une voix off intervenant en direct. Trois présences insolites qui coïncident en une femme composite. Ainsi apparaissent Trân Tran et ses deux acolytes : la danseuse Pauline Raineri et la comédienne Claire Deutsch , en coulisse, pour dire le texte. Cette voix unique s’adresse tout de suite au public .
Après nous avoir expliqué son nom et son prénom, identiques pour nous, mais prononcés différemment et nous avoir présenté sa grande famille vietnamienne avec un film amusant projeté sur un écran en fond de scène, Trân Tran demande : « Pourquoi êtes vous ici aujourd’hui ? » et elle propose un jeu. Nous devrons répondre aux motivations qui s’affichent sur l’écran : «Pour rire ? S’émouvoir ? Découvrir une histoire ? Le sexe ? Un rendez-vous galant ? Être surpris ? Voir quelque chose de mauvais goût ? etc. » La liste s’allonge de manière à échafauder une performance de cinquante minutes.
Le public démarre au quart de tour et chacune de ses interventions trouve sa réponse en une séquence orchestrée par cette étrange figure à une voix et deux corps. Trân Tran et l’ombre noire cagoulée, souvent plus prompte et dont on apprécie la danse souple, vont puiser les objets idoines, souvent insolites, dans des cartons empilés à cour.
Costumes et accessoires que la metteuse en scène a elle-même conçus renvoient à une esthétique de bazar: un grand vagin en feutrine surmonté d’un clitoris glorifie le plaisir féminin ; une frite géante, gonflée par une soufflerie pointe vers le public à : «On vient pour avoir la frite » . Un bâton qu’on manie les yeux bandés représente la violence aveugle exercée contre les homosexuelles. Ce kitsch affirmé et cet humour décalé et pétillant déclenchent les rires et l’adhésion des spectateurs.
L’artiste ne se prend pas au sérieux mais aborde des questions graves comme la discrimination des lesbiennes, la violence machiste et n’hésite pas à parler d’elle, de ses inclinaisons sexuelles et de ses racines asiatiques… Elle conclut le spectacle par un message d’amour : «Be kind to one another » (Soyez bons les uns envers les autres). Ce spectacle faussement interactif -tout est bien rangé dans des cases et les réponses sont prêtes à l’emploi- a tout pour plaire. Here and now: ici et maintenant, on s’amuse. Pourquoi pas ? On est sans doute venu aussi pour ça.
La jeune artiste, formée à l’Ecole Cantonale des Arts de Lausanne (E.C.A.L.), s’inscrit dans une veine performative. Elle maîtrise parfaitement les codes et joue astucieusement de cette triple figure aux actions synchrones ou décalées. D’aucuns trouveront le spectacle racoleur mais cette pièce séduisante, lors de son passage éphémère à Avignon, permettront sans doute à Trân Tran de développer ses autres projets.
Mireille Davidovici
Spectacle vu le 18 juillet au Train Bleu, 40 Rue Paul Sain, 84000 Avignon (Vaucluse) T. 04 90 82 39 06 Dans le cadre de la programmation suisse