Outwitting the Devil, chorégraphie d’Akram Khan

Festival d’Avignon  

 Outwitting the Devil, chorégraphie d’Akram Khan

©Christophe Raynaud Delage

©Christophe RAynaud-Delage

 Akram Khan, né à Londres il y a quarante cinq dans une famille bangladaise,  a été formé dès l’enfance au kathak, danse traditionnelle indienne et,  à treize ans, il joue dans le mythique Mahâbhârata de Peter Brook. Danseur et chorégraphe, il fonde sa compagnie en 2.000, et a collaboré avec Sidi Larbi Cherkaoui, Sylvie Guillem, Juliette Binoche, Anish Kapoor… Il est invité pour la première fois au festival d’Avignon, dans cette Cour d’Honneur, chargée d’histoire et peuplée de fantômes. Et qu’il n’avait connue auparavant qu’en spectateur… Au Théâtre Golovine à Avignon, J’habite une blessure sacrée pourrait être l’image prémonitoire de l’accident survenu au lendemain de la première d’Outwitting the Devil, (Tromper le diable) : un titre prémonitoire… Andrew Pan s’est en effet rompu le tendon d’Achille pendant une représentation. Le directeur des répétitions, Mavin Khoo, a repris le rôle en une nuit et une journée.

 En 1987, Antoine Vitez, avec Le Soulier de Satin de Paul Claudel, avait invité la Vierge. Aujourd’hui, c’est le Malin, «un diable  purement humain» selon le chorégraphe : «Il évoque l’avidité, les mauvais traitements que nous faisons subir à notre environnement, l’épuisement des ressources, la faim…» La scénographie de Tom Scutt, les lumières sépulcrales d’Aideen Malone et la musique de Vincenzo Lamagna: un déluge sonore de pluie et d’incendie, illustrent les désordres de la nature…  Au sol, gisent des fragments de bois calcinés des fenêtres de la Cour d’Honneur derrière lesquelles apparaissent des fumées.

 Inspirée de La Cène de Léonard de Vinci et de l’épopée de Gilgamesh, la pièce est un manifeste contre la destruction inéluctable de notre monde par l’homme. Dominique Petit, un danseur de soixante-quatre ans, énumère des noms d’animaux en voie de disparition : tigre, gazelle, orang-outang, etc. Lui et Sam Pratt ressemblent à des dieux grecs, mi-hommes, mi-démons mais tous les interprètes sont exceptionnels: Ching-Ying Chien et James Vu Anh Pham déploient une féroce animalité, l’Indienne Mythili Prakash a une présence plus rassurante et Mavin Khoo apporte toute sa fragilité. Ce spectacle d’une heure vingt, sous forme d’ultime rituel, rassemble spectateurs et artistes pour protester contre  la technologie envahissante et nous faire réfléchir sur notre destinée.  A voir absolument.           

 Jean Couturier.

Le spectacle a été présenté  dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, Avignon, jusqu’au 21 juillet

Théâtre de la Ville au 13 eme Art, Place d’Italie, Paris (XIII ème), du 10 au 20 septembre.


Archive pour 24 juillet, 2019

La Brèche de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène de Tommy Milliot

 

Festival d’Avignon

La Brèche de Naomi Wallace, traduction de Dominique Hollier, mise en scène de Tommy Milliot

 Après Au Pont de Pope Lick, puis à la Comédie-Française, Une Puce (épargnez-la)  (voir Le Théâtre du Blog), on retrouve avec plaisir le monde et l’écriture tendue et réaliste de l’autrice américaine qui nous transporte en 1977 dans l’entresol d’une quelconque maison de banlieue.

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Frayne et Hoke, lycéens, rendent visite à Jade (dix-sept ans), une jeune fille au caractère affirmé et à son frère, Acton, gringalet de quatorze ans, orphelins d’un père mort dans un accident de travail et qui entretiennent une relation fusionnelle avec leur mère. Les deux garçons, plus costauds qu’Acton, s’engagent à protéger leur camarade de classe, brillant à l’école mais victime de harcèlement. Pour cela les trois adolescents établissent un pacte qui se retournera contre la sœur et son petit frère, comme on l’apprend quatorze ans plus tard… Frayne, Hoke et Jade se revoient à l’occasion de l’incinération d’Acton qui s’est suicidé en se jetant d’un pont. Un jeu qu’il pratiquait souvent pour rire avec sa sœur, afin d’exorciser la mort du père tombé d’un échafaudage.

 La pièce qui se déroule sur deux époques, sera interprétée alternativement par quatre jeunes acteurs et trois autres plus matures. Avec des allers et retours temporels : le drame ainsi suspendu se révèle au fur et à mesure et on en voit mieux les tenants et aboutissants. On mesure aussi les  comportements d’adolescents irresponsables… Le titre anglais: The Mc Alpine Spillway ( Le Déversoir de Mc Alpine)  fait allusion au trop plein d’un barrage et renvoie au bouillonnement intérieur qui mènera Frayne et Hoke, bridés par une éducation bien pensante, à commettre l’irréparable. Naomi Wallace dénonce au passage un société inégalitaire, via la différence de classe entre Jade et Acton, et Hoke, le fils du patron d’une firme pharmaceutique … Ici, cette industrie en prend  pour son grade et ce qui explique peut-être pourquoi la pièce n’est pas été montée aux Etats-Unis à ce jour…

 Tommy Milliot, grâce à une bonne direction d’acteurs, a su donner à l’œuvre toute sa profondeur et a évité de glisser vers le psychologique. On retrouve le style minimaliste de son premier spectacle, Lotissement de Frédéric Vossier, prix du festival Impatience 2016. Pour aller à l’essence du texte et mettre en valeur les conflits, il a  imaginé une scénographie dépouillée : une dalle en béton figure le sous-sol de la maison, champ de bataille pour affrontements entre personnages. Faiblement éclairé par des rampes fluo, l’espace souvent obscur, permet de passer d’une époque à l’autre ou de les superposer, en faisant coexister les gens d’hier et ceux d’aujourd’hui.

 Les glissements temporels sont indiqués par l’alternance des acteurs, les chansons et le style des costumes. Ce «quelque part», une petite ville «possiblement du Kentucky» d’où est originaire Naomi Wallace, devient alors n’importe quelle cité de banlieue.  Dans ce drame où l’autrice ne prétend pas se faire l’étendard d’une cause, on peut lire bien des histoires qui défrayent la chronique des faits divers et l’affaire Weinstein est passée par là. Tommy Milliot, avec sa compagnie marseillaise Man Haast créée en 2014, souhaite mettre en scène des pièces d’auteurs vivants. Il a  raison: ils sont nombreux à porter un regard aigu sur le monde, comme Naomi Wallace dont il a su mettre en scène cette pièce avec subtilité. En janvier 2020, il réalisera Massacre de l’autrice catalane Llïusa Cunillé à la Comédie-Française.

 Mireille Davidovici

Le spectacle a  été joué du 17 au 23 juillet, au gymnase du lycée Mistral, boulevard Raspail, Avignon.

 

 

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