Macbeth philosophe, texte de William Shakespeare, traduction et adaptation et mise en scène d’Olivier Py

Festival d’Avignon

 

Macbeth philosophe d’après William Shakespeare, traduction et adaptation et mise en scène d’Olivier Py

 

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Le Festival d’Avignon développe un partenariat avec le Centre pénitentiaire Avignon-Le Pontet et depuis cinq ans un atelier de création dirigé par Olivier Py, avec Enzo Verdet. L’an dernier, avec Antigone, ils ont pu jouer hors les murs de la prison (voir Le Théâtre du Blog).
Sur cinq ans, une soixantaine de détenus en longue peine auront suivi cet atelier. Cette  fois, les participants ont choisi de retourner à Shakespeare et Olivier Py leur a écrit une adaptation sur mesure, en réduisant le texte à l’essentiel : « Dans Macbeth, dit-il, il y a beaucoup de scènes décoratives dont on se passe aisément pour entrer dans le cœur du drame, dans l’intériorité et la mystique du crime. » Il choisi une métrique rythmée, et privilégié le dodécasyllabe qui donne du nerf et de la rapidité à la langue. Sa traduction, d’une poésie rêche, regorge d’images concrètes, fidèles à l’original anglais, et dont s’emparent facilement les huit acteurs : «Mon action n’est pas sociale, elle est une recherche artistique, précise le metteur en scène. Avec ces acteurs, je tente une esthétique du jeu où la parole est vitale, où les sentiments sont exacerbés. Tout est joué à pleine voix. »

Pour le dramaturge : « Au théâtre les mots deviennent des actes » Christian, Mohamed, Mourad, Olivier, Philippe, Redwane, Samir et Youssef, pris dans la dynamique des mots – se lancent le texte d’un côté à l’autre de la salle dans un dispositif bi-frontral, avec un praticable au centre et un praticable de part et d’autre. Aucun temps mort: dès la prophétie des Sorcières, présentées comme des fantômes, les crimes se décident et se commettent : « Ce qui est fait est fait (…) Qu’est-il de plus puissant au monde que le destin. »

Pris dans l’engrenage, Macbeth semble ne plus s’appartenir, jouet d’un destin qui le pousse à tuer pour conquérir le pouvoir. Tout va très vite, mais au milieu de la machine infernale qu’il déclenche, il s’interroge. « Ce qui m’a frappé dans le texte original, dit Olivier Py, c’est à quel point Macbeth est philosophe et poète. » Il a voulu privilégier cet aspect de la pièce, comme son titre l’indique. Mais on a parfois du mal à suivre les péripéties du drame, tant Macbeth, se plait à commenter son sort:  «Le loup a remplacé le cri de nos horloges/La terre est immobile sourde à mon passage/ Et mon destin en marche laisse les pierres muettes. (…) La vie est un trésor que j’ai donné au Diable.»

 Dans la pièce, le temps est sorti de ses gonds, le monde se brouille : « Viens nuit aux yeux crevés/déchire le grand lien qui unit toute chose/les monstres de la nuit vont dévorer leur proie/ le mal conduit le mal rien ne peut l’arrêter. » Lady Macbeth devient ici un double du héros : son âme damnée, puis sa conscience démente dans la fameuse scène où elle lave ses mains sanglantes  : « Mes mains pleines de sang, elles me crèvent les yeux/L’océan ne peut laver ces mains tachées de sang/C’est le sang qui rougirait la mer. »

Les crimes de Macbeth ont bouleversé l’ordre naturel des choses : « Dans la nuit de la nuit il n’y a que le mal (…) C’est la fin de l’histoire et de l’humanité » Les victimes de Macbeth puis les rebelles conduits par Mac Duff paraissent dans cette adaptation, des faire-valoir, des spectres de sa peur. Ici point de forêt en marche non plus, mais des mots pour le dire. Et enfin, le triomphe de Malcolm, légitime héritier au trône, couronné par Mac Duff : «Voici un jour nouveau pour la liberté ! », s’exclame ce dernier. Ces mots résonnent de manière singulière, dits par ces hommes sortis pour quelques jours de leur cellule. «Le théâtre pour nous, c’est une façon d’occuper la détention, de s’évader par les mots », confie l’un d’eux, à l’issue de la représentation.

 On retiendra de ce spectacle la force de l’interprétation, qui donne toute sa mesure à la traduction imagée et à la mise en scène tonique d’Olivier Py. William Shakespeare, dramaturge inépuisable, parle encore à chacun d’entre nous et surtout quand il est porté par ces personnes privées de liberté. Ce Macbeth philosophe nous ouvre aussi les yeux sur la situation carcérale :  » Dans les prisons d’arrêt, la surpopulation a fini par rendre les conditions de détention inhumaines. Il y a quelque 70. 000 détenus en France et c’est le record de notre histoire », souligne le directeur du Festival. Pour certains d’entre eux, le théâtre est un moyen d’évasion.

 Mireille Davidovici

Spectacle joué à la Chartreuse de Villeneuve-lez-Avignon, du 16 au 19 juillet.

 

 

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