Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Julie Duclos

©Christophe Raynaud de Lage

©Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon

Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, mise en scène de Julie Duclos

 Au lointain, les images d’un film avec un vaste paysage touffu et verdoyant, une forêt magnifique aux couleurs estivales de grands arbres feuillus, tandis que chantent les oiseaux. Mélisande, une jeune femme apeurée aux longs cheveux bruns ondulés (Alix Riemer, comédienne fidèle de Julie Duclos), est porteuse d’un mystère non élucidé et s’est enfuie… Le Prince Golaud, calme et tendu, (Vincent Dissez) l’informe de son ascendance royale mais, en pleurs, elle consentira juste à lui dire qu’elle vient d’ailleurs.

 L’énigmatique et fragile Mélisande séduit Golaud, veuf et père d’un jeune enfant ; il l’épouse et l’emmène dans le château moyenâgeux de son grand-père, près d’une forêt giboyeuse. Mélisande y rencontrera Pelléas, demi-frère de Golaud et ils se sentent d’emblée attirés l’un vers l’autre. La prose poétique de Maurice Maeterlinck dit toute l’intensité de l’implicite et du non-dit, du sous-entendu et de l’interdit. Avec la force sous-jacente des silences…
Hélène Jourdan  a imaginé un château sur deux étages, avec un rez-de-chaussée proche des clairières du bois, là où passe le chasseur Golaud : un des lieux privilégiés des amants.Au premier étage, la chambre invisible du père malade, le salon du grand-père et de la mère, le corridor  par où arrivent Golaud, son fils et Pelléas.
La metteuse en scène a été attirée, dans cette pièce, par le fait que l’on passe, en un instant comme au cinéma, de la chambre d’un château, à une fontaine dans la forêt, à une grotte, à des souterrains. Belle présence de la Nature: un monde vidé de ses habitants,à l’abandon et en ruines, au bord de l’effondrement et d’une disparition programmée mais porteur avant tout de souvenirs d’aventures et sentiments…

Nous n’en saurons pas davantage sur ces amants, à la fois maudits et innocents, qui vivent un amour absolu et libre, hors de la faute ou de la culpabilité. La mise en scène est construite avec raffinement et Julie Duclos sait diffuser l’inquiétude  qui règne aux abords du château, envahi peu à peu par la vérité d’un amour. La part du rêve sous-tend avec force l’œuvre de Maurice Maeterlinck, entre sincérité et lucidité sur les atermoiements de la passion d’aimer.
Subjugué, le public suit l’histoire éternelle du plaisir du sentiment amoureux, une histoire bousculée par les règles et codes de la famille et de la société, avec la dimension ultime du tragique et de la mort. Les interprètes sont tous excellents, ceux déjà cités  comme Philippe Duclos, Stéphanie Marc, Matthieu Samper et Emilien Tessier.

 Véronique Hotte

 La FabricA, Avignon jusqu’au 10 juillet, à 18 h.

 

 


Archive pour juillet, 2019

£Y€S, de et par la Compagnie Ontroerend Goed

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£Y€S, de et par la compagnie Ontroerend Goed

Dans cette performance théâtrale, nous découvrons la banque, ses mécanismes financiers  tels qu’ils fonctionnent ici et maintenant, dans le capitalisme libéral.  Un monde de l’argent, proche de celui du jeu. Et là réside l’idée géniale excitante pour le spectateur:  transformer l’espace de la représentation, non en salle de marché classique mais en casino, « ou plutôt à une salle de poker illégale d’arrière-boutique. 

En franchissant la porte de cette magnifique salle de la Chartreuse, aussitôt le jeu commence pour le public. Nous devons tous prendre part au spectacle :  l’univers artificiel des banques, avec des échanges financiers avides de gains. Chacun est invité à prendre place à une des douze tables de jeu.  Avec six autres spectateurs-acteurs, devenus, comme nous, banquiers, et un comédien : le croupier-banquier. Les autres traders s’agitent au rythme des transactions. Une bande-son: musique de variété, jazz, diffusée en continu, nous attire inconsciemment dans ce monde  d’une réalité opaque.   Une lumière chaude et sombre éclaire tout l’espace. Un scénographie  étonnante de véracité. Nous ne sommes plus au théâtre mais dans un lieu de tentation et de séduction. On se sent littéralement intégré, et sans scrupule, à ce monde secret de l’argent qui frise l’illicite. Acteurs et public confondus se prennent à ce jeu étourdissant, un peu trop sans doute… Intéressant d’un point de vue psychanalytique ! Mais, on aurait souhaité, une parole plus politique et une analyse critique plus engagée. Il y a dans dans le thème de cette performance théâtrale, une dimension tragique profonde.

Pourquoi ne pas avoir soulevé, légèrement, le couvercle du chaudron des trois sorcières à l’œuvre dans la complexité des montages financiers. Sans doute est-ce pour rester fidèle à la ligne esthétique et dramatique, décidée par la compagnie pour ce spectacle : donner au spectateur un parcours émotionnel plutôt qu’une explication rationnelle à ce monde de la finance, où l’inhumain est parfois à son paroxysme.   Quelle est notre part de responsabilité face a l’autorité souterraine des banques ? N’a-t-elle pas un pouvoir qui va jusqu’à nous déposséder de notre point de vue moral et de notre responsabilité comme citoyen? Des questions, laissées volontairement ouvertes  dans la mise en scène.

En sortant, le public, ému, balance entre:  « C’est l’argent qui mène le monde » et/ou: « « Le fric, c’est chic »,  le titre d’un tube disco des années 80 !   

Elisabeth Naud

Chartreuse de Villeneuve-lès-Avignon, Villeneuve-les-Avignon (Gard). Jusqu’au 14 juillet à 18 h et 21h.    

Orphelins de Dennis Kelly, mise en scène de Sophie Lebrun et Martin Legros

Orphelins de Dennis Kelly, traduction de Philippe Le Moine, mise en scène de Sophie Lebrun et Martin Legros

 © Virginie Meigné

© Virginie Meigné

Cela se passe dans la cuisine d’un jeune couple anglais Elen et Dany. Leur enfant dort chez sa grand-mère et ils en profitent pour se faire un petit dîner entre amoureux. Tout va bien, Elen attend un bébé et Dany et elle ont l’air de bien s’entendre. Ils se mettent à table quand, sans prévenir (il a la clé!) arrive le frère d’Elen, Liam (photoci-contre) dans un état lamentable et couvert de sang. Il lui servent un verre de vin mais se doutent qu’il est arrivé quelque chose de grave. Dany surtout veut tout savoir de cette histoire pas nette et veut appeler la police. Elen n’est pas d’accord mais Liam a bien du mal à faire un récit correct des événements. Comment décider de quelque chose, de façon à ne porter ni à l’ado ni à Liam… Mission impossible et c’est le couple qui va devoir encaisser cette histoire…

Il s’agit d’un grave accident de circulation où un adolescent aurait été retrouvé inconscient et en sang sur la chaussée. Quelques minutes après, ce serait lui qui aurait agressé Liam, lequel aurait répliqué à coups de couteau. Mais son récit est loin d’être clair : « Je suis pas fier de, vous savez, vous avez votre monde, ce monde tout beau et c’est comme si j’avais ramené un chat mort ici et que je l’avais laissé sur le canapé, sur votre beau canapé de chez John Lewis en disant «regardez, regardez, un chat mort, putain. Mais bon des chats morts il y en a dans le monde, Danny, il y en a des chats morts Hels. » Liam s’emmêle les pinceaux mais là où le dramaturge Dennis Kelly est très fort: ce dérapage mental finit par contaminer Elen et Dany qui vont s’engueuler. Un prétexte pour Dennis Kelly pour parler sécurité et violence dans la société occidentale. Pourquoi et comment cette violence nait-elle chez les gens?  A quel point de non-retour, se situe le mal ?  Les répliques fusent, les personnages se coupent la parole et n’arrivent plus à communiquer.

Sophie Lebrun et Martin Legros ont choisi une scénographie tri-frontale (une mise en abyme de ces trois personnages ?) Il y a juste une table et des chaises en stratifié rouge foncé très années cinquante, un four à micro-ondes et quelques accessoires de cuisine, et une table dans le fond où la metteuse en scène lit au micro les didascalies et fait les bruitages en direct, un vieux procédé un peu usé mais bon…

Et cela fonctionne ? Non pas vraiment : la tri-frontalité  -dont ne voit pas ici la raison d’être- est, on le sait, très difficile à maîtriser et comme Julien Girard et Céline Ohrel mais surtout Martin Legros (Liam) n’ont pas une excellente diction et qu’ils sont souvent de dos: on ne les comprend pas toujours bien. Ce qui est ennuyeux quand on a affaire à une écriture volontairement banale mais très ciselée. On suit mal le propos de metteurs en scène : pourquoi, au lieu de faire les choses simplement comme Arnaud Anckaert à Avignon il y a six ans,  » envisager ce travail sur cette pièce comme un laboratoire permanent. « Introduire la fiction dans la société, jouer dedans. » (… ) « De quoi a-t-on besoin pour qu’il y ait théâtre ? » (…) « Comment la fiction vient-elle perturber le réel? » Et ce théâtre dans le théâtre, une des tartes à la crème du théâtre contemporain qui ne date pas d’hier ( XVI ème siècle!)  n’a rien d’efficace. Désolé, mais nous sommes plus exigeants et ici le compte n’y est pas.

Alors à voir ? Peut-être mais si vous n’êtes pas trop difficile. Vous découvrirez au moins une des meilleures pièces d’un auteur britannique maintenant connu dans le monde entier et qui a déjà été beaucoup joué en France…

 Philippe du Vignal

 11 Gilgamesh Belleville, 11 boulevard Raspail, Avignon, à 20 h 35. T. : 04 90 89 82 63

Le texte est publié chez L’Arche Éditeur.

 

Et le Coeur fume encore, conception et écriture d’Alice Carré et Margaux Eskenazi, mise en scène de Margaux Eskenazi

Et le Coeur fume encore, conception et écriture d’Alice Carré et Margaux Eskenazi, avec des extraits de textes de Kateb Yacine, Assia Djebar, Edouard Glissant et Jérôme Lindon, mise en scène de Margaux Eskenazi

photo Loic Nys

photo Loic Nys

C’est la seconde partie d’un dyptique sur les écritures et les pensées de la décolonisation. Avec un beau titre tiré d’un poème de  Kateb Yacine… Le projet de la compagnie Nova ne manque ni d’ambition ni d’intelligence. Il y a vingt ans seulement soit trente quatre après la fin de la guerre d’indépendance ! que l’Assemblée Nationale reconnaissait enfin le terme de guerre à la place  d’événements, opérations de maintien de l’ordre ou de pacification, termes dont les gouvernements successifs se servaient comme cache-misère. Une guerre impitoyable qui pourrit la vie de dizaines de millions d’habitants algériens qui subirent les attentats de l’O.A.S. Et ceux de jeunes français métropolitains et de leurs familles comme celles des pieds-noirs… Bref, une lamentable affaire dont la France sortit avec peine. Grâce à de Gaulle qui comprit qu’il était grand temps d’imposer l’indépendance de cet ancien département… Indépendance qui eut lieu en 1962.

« Ici, dit Margaux Eskenazi, chacun doit pouvoir trouver sa place dans un pays qui garde les stigmates de son histoire coloniale. Témoignages, documents d’archives mais aussi textes poétiques, théâtraux et romanesques d’Albert Camus, Kateb Yacine, Jean-Paul Sartre, on sent bien que ce processus d’écriture part d’un rigoureux travail historique.  « Ce qui nous intéresse, dit la metteuse en scène, construire des parcours de vie intime comme un kaléidoscope des mémoires liées à l’Algérie, recueillis au sein des familles ou proches de l’équipe, mais aussi fruit d’un travail d’investigation large auprès d’associations et de diverses personnalités rencontrées. » (…) « Chacun des ces parcours intimes nous permettent de remonter aux sources des décisions politiques. »

Mais pas facile en effet de tomber dans le manichéisme, même après soixante ans, quand il s’agit de transmettre une histoire qui commence à dater pour les jeunes acteurs d’aujourd’hui. Les «appelés du contingent» d’une France encore rurale et qui, débarqués en Algérie, y passèrent souvent plus de deux ans, ne comprenaient rien à ce qui leur arrivait, sont maintenant morts ou  âgés. Mais cette équipe théâtrale ne porte aucun jugement et réussit -et ce n’était pas évident- à s’emparer de cet de cet imbroglio politico-militaire et d’en «faire théâtre»  comme disait Antoine Vitez qui lui aussi fit son service en Algérie. Cet immense gâchis humain fait partie, qu’on le veuille l’admettre ou non, de l’Histoire de France.

Ici, on verra toute une palette de gens…  Une femme d’une famille pied-noir arrivée en Algérie en 1845 et qui est de retour en France en 1962, un harki, ancien combattant des deux guerres mondiales et rapatrié en France à l’Indépendance de l’Algérie et qui vivra avec sa famille jusqu’en 1975 dans des camps. Mais aussi un travailleur algérien immigré en France initié aux idées nationalistes dans l’immense bidonville de Nanterre, tout près du lycée Joliot-Curie. Il deviendra membre actif du F.L.N. (Front de Libération Nationale) et  retournera vivre en Algérie après l’indépendance. Un anticolonialiste kabyle qui, lui, n’a pas rejoint le F.L.N., et s’en va en France trouver du travail. Comme on voit les contradictions ne manquent pas comme dans  les périodes chahutées  qu’ont connu tous les pays. Aux pauvres gens emportés dans la tourmente de « faire avec »  et à leurs enfants de s’y retrouver…
Et du côté français: un officier considérant la fin des combats en Algérie comme une trahison. Il nous souvient de jeunes gens juste sortis de  Saint-Cyr  et envoyés là-bas et auxquels on avait fait jurer genou à terre devant le drapeau, de garder l’Algérie française… L’un d’eux déserta- ce qui était passible de la peine de mort en temps de guerre- vécut en Afrique puis réussit à rentrer en France seulement quand fut votée l’amnistie! On voit aussi un jeune soldat du contingent, insoumis, ayant refusé de se battre et de justifier les pratiques de torture. Et une militante anticolonialiste à Paris et participant au réseau Jeanson des porteurs de valise aidant le F.L.N.

Toutes ces mémoires personnelles sont très bien tricotées avec des extraits de textes magnifiques de ces poètes qui se sont engagés comme Kateb Yacine et Edouard Glissant, ou le directeur des éditions de Minuit Jérôme Lindon… Les scènes de procès sont du vrai et du bon théâtre, comme celle de l’attentat dans une discothèque. Une interprétation solide avec une très bonne diction : Armelle Abibou, Elissa Alloula, Malek Lamraoui, Yannick Morzelle, Raphael Naasz, Christophe Ntakabanyura et Eva Rami sont tous formidables et passent d’une scène à l’autre avec assurance, les femmes comme les hommes de toute origine jouant ainsi tous les personnages. Ce n’est certes pas nouveau mais ici loin de toute prétention brechtienne et singulièrement efficace.  Avec souvent de belles phrases comme celles-ci : «Moi qui ai toujours vécu en France, je découvrais que cette histoire était aussi la mienne. Je réalisais que j’étais parie plein de questions. J’avais la rage contre la France, mais je ne savais pas grand-chose  de l’Algérie. Et ma famille d’Algérie avait la rage contre l’Algérie. Moi je devais me construire au milieu de ça. »

Le lien avec le présent  et « le démantèlement des discours charpentant le racisme d’Etat et la géographie française » est  sans doute moins convaincant. La seconde partie du spectacle à force de trop vouloir prouver, part un peu dans tous les sens. Et l’écriture est par trop inégale, surtout quand on choisit des extraits de textes de grands écrivains. Et   passer de scènes intimes aux témoignages puis à la fiction pour parler de ces évènements historiques est loin d’être évident, et il y a quelques longueurs. Mais Ce Cœur fume encore que nous n’avions pu voir à Mantes-la Jolie, est maintenant parfaitement rodé: allez-y, vous ne regretterez pas d’avoir vu cette page d’Histoire  jouée  avec une belle unité  par  toute une équipe. C’est déjà cela…

Philippe du Vignal

11 Gilgamesh-Belleville 11 boulevard  Raspail, Avignon, du 5 au 26 juillet, à 18h 15.

Le 8 novembre à la Grange-Dimière, Fresnes (Essonne) et le 29 novembre, Centre culturel Le Marque-page,  La Norville (Essonne).

 

 

Architecture, texte et mise en scène de Pascal Rambert

© Christophe Raynaud de Lage

© Christophe Raynaud de Lage

Festival d’Avignon

Architecture, texte et mise en scène de Pascal Rambert

 D’abord un coup de gueule: cela se passe dans la célèbre Cour d’honneur du Palais des Papes, lieu emblématique du festival depuis sa création. Le spectacle commencera avec vingt minutes de retard, sans un mot d’excuses. Après plus de deux heures, on a droit à un entracte de vingt minutes, mais il en faut exactement neuf, pour sortir et un peu moins pour rentrer… Cherchez l’erreur!  Aucun espoir de se désaltérer dans un café proche sur la place toute sortie étant considérée comme définitive! Et il y a la queue devant une bonbonne d’eau tiède sous les gradins! Reprise avec un retard de dix minutes. Fin du spectacle à une heure cinquante! Message transmis à Olivier Py qui se targue à sa conférence de presse de faire un théâtre populaire…Mieux vaut ne pas commencer à  travailler à sept heures et demi comme tant d’ouvriers à Avignon…

Ici sont réunis Emmanuelle Béart, Audrey Bonnet, Anne Brochet, Marie-Sophie Ferdane, Arthur Nauzyciel, Stanislas Nordey, Denis Podalydès (avec en alternance, Pascal Rénéric), Laurent Poitrenaux et Jacques Weber. Soit la fine fleur des comédiens français. La plupart a déjà travaillé avec l’auteur-metteur en scène qui a entrepris de nous raconter l’histoire tragique d’une grande famille autrichienne, juste avant la première guerre mondiale, jusqu’aux prémisses de la seconde. Soit trente ans de cette tribu où on est naturellement: compositeur, architecte, philosophe, écrivain, acteur, peintre… Le vieux père (Jacques Weber), un architecte célèbre mais violent et fou, règne sur ses fils, filles et leurs conjoints réunis ici pour une fête : il a été décoré pour l’ensemble de son œuvre… Mais un de ses fils commence par l’insulter. « Tous ces personnages brillants «ont donné leur vie pour la pensée. Tous ont donné leur vie pour la beauté, dit Pascal Rambert. Tous, les uns après les autres, mourront de mort violente. » (…) «Tous auront combattu pour plus d’intelligence, de savoir, de maîtrise du monde, de justice. Tous périront. Tous sans exception. »
Amer constat: après avoir quitté leur Vienne chérie, ils iront voyager en Europe : la maîtrise du langage -qui aura toujours été la particularité des «élites»- ne leur servira à rien, dans ce continent atteint par le fascisme, et couvert de sang.  Quant à la philo, aux Beaux-arts ou à la musique, ils ne pèseront guère plus quand ces gens intelligents et sensibles voudront échapper au naufrage d’un vieux monde. Et cela seulement en une vingtaine d’années.

« Architecture, ajoute Pascal Rambert, non sans une certaine autosatisfaction, montre comment les plus belles structures s’effondrent et finissent par engloutir leurs enfants les plus brillants. C’est un memento mori pour penser notre temps. » Et l’auteur, dont on connaît la passion pour le langage, notamment dans cette belle pièce qu’est Clôture de l’amour, se vante de nous dire ici comment ce langage peut faire aussi mal sinon plus, qu’une agression corporelle. Mais bon, on fait cela depuis Sophocle…

Et ici, cela donne quoi? Sur le tapis blanc de l’immense plateau d’une quarantaine mètres d’ouverture sur une dizaine de profondeur, des chaises en bois, des fauteuils en tubes inox et cuir, des tables rondes, une méridienne, des guéridons, et sur une petite table  comme dans le fond, des magnétophones Revox d’autrefois. Sur chaque côté, des cubes de tissu blanc qui ne serviront pas. Soit une «installation» (sic) de Pascal Rambert. Oui, mais voilà : il a bien du mal à maîtriser l’espace et ses nombreux personnages, le plus souvent debout face public (ou assis sur les côtés quand ils ne jouent pas) semblent perdus dans cet océan de blancheur et les relations entre les membres de cette même tribu fonctionnent mal. Comme les petites rondes dansées et chantées à plusieurs reprises, accompagnées au violon par Marie-Sophie Ferdane.

Cela commence plutôt bien avec cette fête de famille qui tourne à l’aigre mais très vite, on s’ennuie malgré la fulgurance poétique de certains monologues, comme celui d’Arthur Nauziciel, en officier célébrant les vertus de la guerre ou celui de Marie-José Ferdane quand elle évoque les pauvres «gueules cassées» des soldats de la guerre de 14-18. La faute à quoi ? A un texte beaucoup trop long et d’une dramaturgie médiocre… Tout se passe ici comme si Pascal Rambert s’était d’abord fait plaisir mais le public a du mal à s’y retrouver. On veut bien qu’il ait tenu compte comme il le dit de sa future mise en scène dans un espace aussi singulier et dangereux avec ces quelque deux mille spectateurs qu’est la fameuse Cour d’Honneur. Mais en tout cas, cela ne se voit pas. Notamment dans les relations entre les différents personnages.  Et il a bien du mal à dire théâtralement cette période de trente ans qui va de 1911 à l’Anschluss, avec des lieux différents  et à la faire résonner avec la nôtre. Et les changements de mobilier comme de costumes ou d’accessoires ne fonctionnent pas plus. A la fin, chacun a devant lui sur une grande table un Mac Book Pro sans doute pour marquer le fait que nous sommes passés à un autre monde. Cela a quelque chose d’assez naïf.  Comme en fond  de scène, une série de magnétophones Revox qui ont ébloui Pascal Rambert enfant.

Mais le metteur en scène n’arrive pas ici à maîtriser le temps… de l’auteur. Surtout dans un aussi grand espace. Mais c’était prévisible et Olivier Py a bien eu le texte entre les mains, non ? Pourquoi avoir choisi la Cour d’Honneur pour un texte comme celui-ci : il y a eu visiblement une erreur de tir.  Et à qui Pascal Rambert fera-t-il croire qu’il fallait quelque trois heures pour que cette pièce prenne corps et ait (sic) « une écriture du flux, du flux psychique». Avoir Pina Bausch comme référence quand on fait une mise en scène sur cet immense plateau: soit! mais faudrait-il encore le mériter. Et là c’est raté. Le temps comme l’espace: la grande Pina, elle, savait parfaitement les maîtriser.

Après l’entracte -c’est très rare- la Cour d’honneur s’est vidée d’une centaine de spectateurs: on les comprend et la salle s’est donc retrouvée mitée. Ensuite, les choses enfin se resserrent un peu et les personnages sont un peu plus près les uns des autres, il y a quelques beaux monologues- l’enfant chéri de Pascal Rambert dans tous ses spectacles- dont un d’Emmanuelle Béart sous-employée dans la première partie. A la toute fin de cet ennuyeux spectacle, il commence à y avoir alors du vrai théâtre, avec la mort de toute cette famille…

Un peu avant, il y a un martèlement sous les gradins et apparait alors un beau cheval brun qui traverse la scène de cour à jardin, avec son maître. On lui enlève sa selle et il repart côté cour. On le fait allonger sur un tapis noir puis il repart à nouveau. C’est, dit Pascal Rambert, un hommage au cheval du Don Juan  autrefois mis en scène par Patrice Chéreau ici même dans la sublime scénographie de Richard Peduzzi… Il y a aussi un chat sans doute familier de la Cour d’honneur qui traverse  la scène, sans qu’on lui ait rien demandé: un court mais beau moment de poésie. On se console avec ce que l’on a… Une belle image quand le texte est faiblard dans son ensemble, cela fait toujours du bien par où cela passe.

Heureusement, l’auteur et metteur en scène a su réunir une équipe de solides acteurs qui portent tout le spectacle mais bon, va-t-on au théâtre pour subir une telle emphase, une telle logorrhée ? Surtout sur un thème aussi  important, que cette montée de l’extrême droite en Europe. On nous avertit: c’est une version longue… En tout cas, à moins que vous ne soyez un fan de l’auteur… et encore, il n’y a aucune urgence à vous précipiter à la Cour d’honneur. Le public a applaudi poliment ou s’est vite sauvé… La soixante-dixième édition du célèbre festival méritait mieux pour son spectacle d’inauguration que cette soupe approximative…

Philippe du Vignal

Cour d’honneur du Palais des Papes, Avignon, jusqu’au 13 juillet. T. : 04.90.14.14.14. 

Théâtre National de Bretagne, du 26 septembre au 5 octobre.

Théâtre National de Strasbourg du 15 au 24 novembre.

Théâtre des Bouffes du Nord, Paris du 12 au 22 décembre, etc.

 

Festival d’Avignon À Plein Gaz de Serge Valetti, mise en scène d’Alain Timar

Festival d’Avignon

À Plein Gaz de Serge Valetti, mise en scène d’Alain Timar

4ABB1EF1-F464-437E-AA5F-ACCF1EED13A3Écrire sur les petits: l’acteur Serge Valetti a joué Shakespeare et les rois, et l’auteur Serge Valetti a eu envie de regarder  par l’autre bout de la lorgnette. Avec la touchante Maryse de Marys’ à minuit  (Martine Thinière) mise en scène par Catherine Marnas ou avec la non moins touchante héroïne de Pour Bobby, celle qui « peut le faire »  (Charlotte Adrien dirigée par Alain Timar). Ces filles se dépatouillent, se débrouillent et ne lâchent rien, modestes et obstinées.

L’homme d’À Plein Gaz: Nicolas Geny, également mis en scène par Alain Timar -, est plus tourmenté et plus terne à la fois. Le travail en trois huit, la brutalité qui monte contre sa femme, l’enfant, le crime et les rêves de gangster pour compenser… Tout, ça, c’est une destinée normale? L’homme fera-t-il sauter le chapiteau et le public avec sa bouteille de gaz ? À vrai dire, on n’y croit pas trop. 

Nicolas Geny, habitué du Théâtre du Chien qui fume à Avignon, sait donner quelque chose d’inquiétant et de malheureux dans le regard, mais il reste sur cette seule tonalité. On ne sait pas si cela tient au texte : une nouvelle donc pas forcément faite pour le théâtre. Mais enfin Valetti est Valetti et son écriture populaire et raffinée mérite toujours d’être écoutée avec attention. Du 10 au 20 juillet, le public va pouvoir se régaler avec une série de lectures données par les metteurs en scène présents au Théâtre des Halles et une belle brochette de grands comédiens. Il y aura aussi un entretien avec l’auteur et le critique Gilles Costaz.

Christine Friedel

Valetti Circus, Théâtre des Halles, Avignon, jusqu’au 28 juillet. T. : 04 32 76 24 51.

Festival d’Avignon Le Massacre du Printemps, texte et mise en scène d’Elsa Granat

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Festival d’Avignon

Le Massacre du Printemps, texte et mise en scène d’Elsa Granat

D’un bout à l’autre de sa vie, comment faire ? De l’attente d’un bébé, jusqu’à la mort de la grand-mère, ou du père, ou de la mère, comment s’en sortir vivante ? Ce spectacle créé il y a deux ans au Studio d’Alfortville où Elsa Granat faisait partie de la troupe des Tchekhov montés par Christian Benedetti.

Un patchwork d’émotions, souvenirs, révoltes et rencontres.  Comment faire, lorsque l’oncologue parle au mourant: “protocole “, “décharge“, “accord“, “institution“ ? Comment faire, quand c’est ma grand-mère à moi, la seule qui sait vraiment m’aimer, qui s’en va comme ça, dans la souffrance, avec ces “effets secondaires ». Lesquels, bien sûr, non traités en priorité ? Et cette infirmière chanteuse, comment tient-elle le coup?
Elsa Granat et son équipe donnent toute leur attention aux émotions de la vie,  y compris chez l‘oncologue obligée de les nier avec une telle force qu’elle tombe en syncope… Une écriture morcelée, inégale, un peu énigmatique mais avec de jolis moments de poésie : comme la vie elle-même, on dira.  Et le sort de tous concerne chacun de nous.

La scénographie est de la même eau: suggestive, ludique: cela commence par les restes d’une fête d’anniversaire mais sans montrer. On appréciera surtout le jeu culotté des actrice, sœurs de tourments et de sourire, et la bande-son comme éveilleur de mémoire. Un moment délicat, même si le titre tire un peu fort sur la corde du jeu de mots.

Christine Friedel

Théâtre du Train Bleu,  40 rue Paul Sain, Avignon à 11 h 50.

Paysage Intérieur Brut de Marie Dilasser mise en scène de Blandine Pélissier

Paysage Intérieur Brut de Marie Dilasser, mise en scène de Blandine Pélissier

 52C72727-B5AD-4629-BF58-550DFF8F3903Le Théâtre de la folle pensée à Saint-Brieuc a commandé une série de créations Portraits avec paysage, un feuilleton de formes et d’histoires. Règle du jeu: l’autrice doit choisir une personne et un paysage, entre en communication avec la première, en vue de réaliser son portrait qui s’inscrit «dans un environnement physique et matériel, dans un rapport précis avec des êtres, des objets, des matières, des formes, des mots, des idées… »

Dans une petite salle de classe,  nous sommes conviés à entendre l’évocation singulière d’une Bretagne intérieure, avec routes,  bocages, taillis et champs de maïs. Les oiseaux volent haut au-dessus des fils électriques, complices d’un gracieux paysage verdoyant  de talus et chemins creux mais aussi de grandes cultures et pâturages.

Un troupeau de charolaises  à la robe blanche et à la belle corpulence  sont les protagonistes du texte dramatique de Marie Dilasser, des sortes d’allégories de la condition humaine, et en l’occurrence, des métaphores à rebours de ce que l’être humain ne doit pas représenter. .. Comme la vanité de celui qui se croit le plus fort, celle de ces petits patrons locaux qui font la pluie et le beau temps et abusent de leurs employés. Mais ce paysage extérieur et ce regard intérieur procèdent d’un point de vue bien particulier, celui d’une héroïne qui s’ignore, la bien-vivante et joyeuse Bernadette. Avec sa caisse, elle sillonne la région et décrit ce qui l’entoure et nous livre ses états d’âme.

Elle nous raconte sa vie et celle de ses proches, tente de se reconstruire après une tentative de suicide et une dépression suite à la perte de son emploi, le triste résultat d’un harcèlement de  Rotrou son patron.. Elle s’ennuie dans la ferme avec son  grand couloir en L où elle vit avec son mari, Joël et ses deux garçons et se sent blessée et anéantie par l’injustice sociale. On sent que les vaches dont il  s’occupe sont autant de signes vivants qui auront quelque chose à voir avec le destin de Rotrou, tyrannique et stupide. Tout en préparant ses fameuses patates à l’eau, Bernadette joue à se métamorphoser, passant d’un rôle à l’autre, pour tromper son immense lassitude.

Dans la mise en scène de Blandine Pélissier, l’héroïne devient tour à tour son chien Rumex, son mari Joël, paysan et spécialiste de génétique bovine, sa mère, Anna qui perd la raison et se promène sur les routes la nuit pour revoir son ancienne maison. Or, elle-même se sent menacée par les séjours qu’elle a faits à l’hôpital psychiatrique de Plouguernevel. Endormie par l’abus de Lexomil, elle ne se réveille qu’au son  des sirènes car elle est devenue pompière bénévole.

Renversement de situation, Rotrou, ancien bourreau de Bernadette, va devenir sa victime : elle le voit en bœuf ouvert, accroché au lustre, prêt à être dépecé. Cette sorte de Monsieur Loyal de la modernité et du consumérisme, bœuf blanc fantomatique et accroché en croix , aspire par le cul des tas de vieilleries qu’il recrache en objets modernes de nos temps indignes.

Cette aventure onirique  est issue du compagnonnage de Marie Dilasser, Blandine Pélissier et la comédienne Line Wiblé: œil facétieux, humour, distance et ironie, qui mène son monde avec brio. Elle s’amuse et dit son fait au public, forte d’un point de vue politique que  cette écriture à la belle prose poétique fait s’envoler encore davantage…

Véronique Hotte

Présence Pasteur, Lycée Pasteur, 13 rue du Pont Trouca, Avignon jusqu’ au 27 juillet (relâche les 7, 14 et 21). T. : 04 32 74 18 54.

Le texte est publié chez Quartett Editions.

 

 

 

5èmes Hurlants conception et mise en scène de Raphaëlle Boitel

 

5 èmes Hurlants, conception et mise en scène de Raphaëlle Boitel

©Sophian_RIDEL

©Sophian_RIDEL

 Cinq, comme les cinq doigts de la main, compères de scène, soumis à la dure discipline du cirque, les artistes se déploient, bon gré mal gré, sous des projecteurs manipulés à vue par deux régisseurs, partie prenante du spectacle. Il faut bien y aller car le public attend. Mais ce n’est pas si facile : sur son câble de fer, Loïc Leviel s’avère un piètre funambule, paralysé par la peur, devant un agrès qui vibre comme animé d’une vie propre. A force de persévérance, et malgré les moqueries de ses partenaires, il réussira plus que brillamment. Et la musique vient souligner son exploit. Le ton est donné. Nous ne verrons pas une enfilade de performances mais nous serons plongés pendant une heure dans l’ambiance d’un travail en cours : répétition ou captation d’une spectacle, avec des temps forts et des pauses.

 «En contradiction avec le caractère soliste des numéros de cirque traditionnels, dit Raphaëlle Boitel, j’ai souhaité évoquer l’importance de la force du groupe, la solidarité, l’entraide, l’amour.» Aujourd’hui metteuse en scène et, parallèlement, chorégraphe pour l’opéra, elle n’a pas oublié les souffrances et contraintes physiques du métier pour avoir suivi la rude école d’Annie Fratellini, puis travaillé avec James Thierrée notamment dans La Symphonie du Hanneton et La Veillée des Abysses. Créé en 2015, ce spectacle rend hommage au cirque et « montre l’envers du décor, l’entraînement, qui occupe  90% de leur vie et abime leurs chairs ». 

Ici, les différents agrès semblent être les partenaires ambigus des artistes, à la fois supports de leur travail et instruments de torture comme cet impressionnant «spider » une toile d’araignée à cinq cordes entrecroisées où Clara Henry se débat tout en dansant dans les hauteurs. Plus poétique sous les lumières, un cerceau reçoit le gracieux numéro de contorsions aériennes de Julieta Salz, mais au bout de ses sangles, Salvo Cappello a les poignets meurtris. Quant à Alejandro Escobedo, même sans ses balles, il devient un forcené du jonglage…

Ils glissent,  tombent, se relèvent, mais tous finissent par trouver l’équilibre… Illustrant les lignes bien connues de Nicolas Boileau: «Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage/ Polissez-le sans cesse, et le repolissez/Ajoutez quelquefois, et souvent effacez. » Raphaëlle Boitel entend présenter ici «une parabole métaphorique de la vie, dans lequel la force de se relever incarne la rage de vivre. »

Mais rien de didactique dans ce spectacle émaillé de gags, soigneusement chorégraphié et accompagné de musiques enjouées. La Campanella de Nicollo Paganini revient à plusieurs reprises rythmer joyeusement les numéros. On lui reprochera peut-être d’abuser des scènes collectives muettes où le cirque parfois se noie et d’appuyer un peu trop sur ce hors champ, redoublé par un semblant de tournage de cinéma. Pour autant, les savants clairs-obscurs du scénographe Tristan Baudouin qui manipule de vieux projecteurs sur pied, architecturent la pièce, en projetant des ombres étranges sur les murs et sur un décor d’enchevêtrements de cordes, de sangles et de perches, où traînent, abandonnés, des gants, une bouteille d’eau ou un balle rouge…  Atmosphère poétique qui fait le charme de ce travail collectif, créé avec des jeunes diplômés de l’Académie Fratellini.

La metteuse en scène rend ici hommage à la fondatrice de cette école et au moment des saluts, les interprètes revêtent les costumes de scène à paillettes de cette première femme-clown et ceux de son partenaire, Pierre Etaix. 

 Mireille Davidovici

 Du 4 au 21 juillet, La Scala, 11 boulevard de Strasbourg, Paris (X ème) T. 01 40 03 44 30

 Prochains spectacles de Raphaëlle Boitel : en juillet :L’Acte I ; Libration, en collaboration avec l’Opéra National de Bordeaux à l’occasion de la saison culturelle Liberté ! Bordeaux 2019.
 En septembre , L’Acte II ; L’Horizon des Particules, Carreau du Temple, Paris (Xème).

 

 

 

Inoubliable Sarah Bernhardt de Joëlle Fossier, mise en scène de Pascal Vitiello

Festival d’Avignon

Inoubliable Sarah Bernhardt de Joëlle Fossier, mise en scène de Pascal Vitiello

 

 © Photolot

© Photolot

La célèbre actrice (1850-1920) se promène à Belle-Île en-Mer avec une journaliste au bord de mer et évoque les grands moments d’une carrière exceptionnelle. « Ses prises de position forcent le respect, souligne l’auteure. Pendant  la guerre contre les Prussiens qui, en 1870 assiégèrent Paris, puis celle civile de la Commune  et enfin celle de 14-18 pendant laquelle elle alla soutenir en chaise à porteur les poilus dans leurs tranchées, car elle avait subi l’amputation d’une jambe… Ce portrait s’inscrit dans un triptyque Femmes d’exception. Mes seules en scène.

Il s’agit d’un solo, un parmi quelque deux cent tous genres confondus dans le festival off mais ici avec Geneviève Casile, une actrice des plus expérimentées et d’une grande virtuosité qui aura tout joué dans sa vie… Des classiques comme Marivaux, Beaumarchais, Racine, Musset, Feydeau mais aussi nombre d’auteurs contemporains comme Georges Bernanos, Jean Anouilh, Sacha Guitry,  David Mamet, Fernando Arrabal…

Sur le plateau, à jardin, une banquette et à cour, une sorte de loge d’actrice avec fauteuil en velours, paravent, vases avec gros bouquets d’hortensias et autres fleurs. Dans le fond, une toile peinte avec des nuages… Geneviève Casile avec une belle présence et une excellente diction, nous raconte le véritable roman que fut la vie de cette célèbre actrice, adulée même aux Etats-Unis.  Elle était la fille et d’un père inconnu et d’une mère de religion juive, une prostituée de luxe qui ne s’occupa guère d’elle.  Chérie de sa seule nourrice en Bretagne elle fut mise dans un couvent-établissement d’enseignement à l’époque où elle n’apprit pas grand chose qu’à se révolter. Ce qui ne l’empêcha pas de réussir ensuite le concours du Conservatoire et protégée par le duc de Morny, demi-frère de Napoléon III, elle entra à la Comédie-Française. Elle y fit scandale en giflant une actrice réputée de la maison qui avait maltraité sa sœur. Et elle fut renvoyée  mais trouva aussitôt de nouveaux engagements dans les meilleurs théâtres.
 
Volontiers provocatrice, elle collectionnait les amants et faisait la sieste dans un cercueil, élevait serpent, perroquet, etc. chez elle. C’est tout cela que décrit l’actrice avec une gourmandise évidente. On oubliera la mise en scène honnête mais souvent illustrative. Quand Sarah Bernhardt raconte son voyage en ballon au dessus de Paris, on voit une vidéo  avec un ballon passer sur les nuages de la salle peinte ! Mais bon, il y a glaçantes des images filmées de pauvres poilus dans leurs tranchées et la vidéo prend alors tout son sens.
Côté texte, c’est souvent un peu léger, léger et un poil pédagogique du genre : tout ce que vous avez voulu savoir sur Sarah Bernhardt. Qu’importe après tout… Geneviève Casile tient le spectacle et vous pouvez y aller: c’est du solide et de qualité made in France. 

Philippe du Vignal

Théâtre du Balcon, 38 rue Guillaume Puy, Avignon jusqu’au 28 juillet à 15 h 45. T. : 04 90 85 00 80.

 

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