Aurillac Jour zéro
Festival d’Aurillac Jour zéro
Ça n’a même pas commencé et il y a déjà du monde dans la rue des Carmes, les cafés sont bondés. On croise des centaines de jeunes avec des sacs à dos, des couples habillés à l’indienne marchant pieds nus, les chiens des brigades de gendarmerie traquent l’herbe… Des tentes se montent un peu partout n’importe où c’est interdit. Et les centaines de compagnies de passage s’installent, font des balances, montent des panneaux- programme à l’entrée des écoles occupées.
Le centre névralgique des pros, c’est de nouveau, près de la place Michel Crespin du nom de l’ancien directeur mort il y a cinq ans, l’école Jules Ferry toute rénovée. Des milliers de tracts des compagnies « invitées » occupent l’entrée et les griulles comme en Avignon. La chasse aux programmateurs est ouverte… Et comme à Avignon, tu t’assieds à table et l’on te démarche: « Aimez vous les marionnettes ? » Ou: « Voici de la danse de rue très originale. Mata Mala annonce son festival 2 induction à Samonac. Nadira Berenili de l’ex-compagnie des Dindes folles vient faire sa programmation. Elle marque d’ un feutre jaune c’est ce qu’elle va voir, et d’un feutre rouge ce qu’elle a déjà vu. Puis nous croisons un cavalier de la compagnie Anjaï sur son cheval blanc dans la rue de la Gare… Il distribue des tracts… Les compagnies de rue vont-elles bientôt faire des parades pour attirer leur monde ? On aurait un double festival. Les noms sont incroyables comme celui de la compagnie Ueueueué ouiais ouais ouiais qui vient faire ici de la marionnette-polichinelle.
On a dans la main gauche une liste avec 114 pastilles, les lieux et la liste des horaires des 474 compagnies dites invitées. Soit 667 spectacles avec quelque 2.500 représentations… Pour savoir qui elles sont, on a dans la main droite un gros programme avec une page par compagnie (chacune paye 50 € la page! ).
Tout ici est démesuré. Partout on installe, on se démène. La ville a placé des pots de fleurs géants, pour bloquer les fous qui voudraient reproduire l’attentat de Nice. Ilina Vukmir Damour me dit : « Tu ne me reconnais jamais. » Je serre les mains: dans l’ordre chronologique, Joséphine Yvon, une jeune et charmante critique-stagiaire au Théâtre du blog, Marc Guiochet, vidéaste officiel depuis trente ans, Pierre Bolle, de Charleroi, Anne Lacombe, attachée de presse du festival, Christophe Paris, le n° 2 de Jean-Marie Songy, l’ancien directeur du festival. Il a annoncé dans le journal La Montagne qu’il quittait sn poste…
Frank-Eric Retière à Briançon depuis huit ans toujours enthousiaste. Caroline Loir du festival Onze bouge, enfin elle, je la reconnais à tous les coups. (…) Magali Levèque et Aurore La Vidalie, des Apatrides. Je vais voir leur spectacle demain à 12 h 15 mais je raterai l’ouverture… mais elle est toujours ratée.
Pour bien débuter ce festival de rue.. Le premier spectacle est programmé au cinéma le Cristal, avec un performeur suisse qui parle 53 mn 33 secondes sans une respiration. 5 €: pas cher. Je ne donne pas mon avis, chacun aura le sien, je ne veux influencer personne. Je fais un calcul pour Philippe du Vignal, le rédacteur en chef du Théâtre du blog. Bien sûr et pardon d’avance, je suis un amateur en sciences économiques. Ici les compagnies dites de passage nous offrent l’équivalent de 3.250 000 €, hors frais de bouche, de logement et transport: juste la valeur des cachets! Or le budget du festival serait de 1.850. 000 €…
Il y a un rapport de la Cour des comptes en 2014: assez comique puisque ses conseillers s’inquiètent du nombre très faible de spectateurs payants ! Mais ai-je vraiment tout compris ? L’administrateur me corrigera. Le festival répond à la Cour des comptes que la population triple pendant le festival et que les retombées économiques sont de quelques deux millions d’euros. Il faut juste insister sur le fait qu’Aurillac serait un festival maigrelet sans les compagnies de passage: il n’y a que vingt-deux spectacles dans le In. Au festival d’Avignon, les spectacles du off, disent les critiques, sont souvent plus intéressants que ceux du In.
Bof, tout le monde est content comme ça: dans un festival sans sélection, les compagnies ont l’occasion de pouvoir se montrer et de trouver un contrat pour la saison prochaine. On est sidéré par la gigantesque passion qui les anime et elles sont prêtes à tout pour jouer: première conclusion provisoire sur ce festival qui n’a même pas commencé. On ne voit plus les belles chemises de Jean-Marie Songy, l’ancien directeur du festival cette année. Et on n’a pas encore croisé Fred Rémy, le nouveau directeur…
Jacques Livchine