Dans le frigo d’après Copi, mise en scène de Clément Poirée
Dans le Frigo d’après Copi, mise en scène de Clément Poirée
Alléchés, nous l’étions à l’idée de retrouver le sémillant et grinçant Copi… Mais nous sommes interloqués par l’annonce de la durée du spectacle : quatre heure quinze (entracte compris) ! Aurait-on engraissé Le Frigo avec son contenu ? La soirée commence avec l’excellent Eddie Chignara, colosse poilu, barbu et folle dévêtue, au milieu de son boudoir/garde-robe. C’est l’anniversaire de ses cinquante ans et sa mère lui a fait livrer un énorme et immense frigo. Courant sur ses mules à talon, il joue tous les rôles : sa mère, son éditeur, sa femme de chambre, et jusqu’au rat qui habite son placard… Clément Poirée commence bien et même très bien : rien de plus jouissif que ce théâtre qui joue à fond les artifices du théâtre. Et pour nous avoir rendu Copi qui avait déserté nos scènes, on lui rend grâce.
Mais tout se gâte : invité à traverser le fond du plateau c’est à dire le double-fond du grand placard, le public passe de la lumière à l’ombre. Apparaît alors Macbeth sur sa lande, tout tremblant de sa rencontre avec les trois sorcières… Pris au piège, le spectateur doit endurer une traversée à la hache du texte, raccourci pour l’occasion (mais une heure et demi quand même), dans une mise en scène qui se résume en allers et venues des personnages…
Nous cherchons en vain ce qui nous vaut un pareil détour (Copi, Shakespeare ? On n’y aurait pas pensé !) A l’entracte, on s’ interroge nos sur le sens de tout ceci… Puis nous sommes priés de retrouver notre place d’origine et Les Bonnes de Genet reprennent alors le flambeau ! Mais comment un projet aussi complexe a-t-il pu naître ? Clément Poirée précise dans un petit document remis à la sortie, avoir voulu lier ces trois pièces en raison des «correspondances profondes» qu’il y décèle. Chacun des textes dévoilerait, «nos monstres intimes, nos désirs les plus noirs, nos ressources les plus puissantes» et il a voulu créer «un cheminement dans les recoins inavouables de nos âmes, à la recherche de ce qui est dissimulé, enseveli dans nos cœurs, scellés dans nos frigos intérieurs» .
Sans doute… Et une fois remis de cet indigeste repas, on repense aux détails qu’il a semés avec finesse entre les trois textes : les gants de la femme de chambre d’abord, les mains ensanglantées de lady Macbeth ensuite, et enfin les gants de ménage des Bonnes qui sont comme un fil d’Ariane entre les trois parties. Mains sales, mains du péché, mains du crime. Pourtant ces signes ne suffisent pas à nous faire descendre en nous-mêmes, comme le souhaite Clément Poirée qui n’a pas fait assez confiance au théâtre ni au public.
En liant plus simplement Le Frigo avec Les Bonnes*, toute la question du dédoublement, de la représentation et de la folie aurait éclaté. Et le gouffre habité par nos démons n’en aurait été que plus profond…
Marie-Agnès Sevestre
Jusqu’au 20 octobre, Le Frigo de Copi, Macbeth de Shakespeare, Les Bonnes de Jean Genet:
mardi et jeudi à 20 h :
Le Frigo/Macbeth (2 h 25).
mercredi et vendredi à 20 h :
Le Frigo /Les Bonnes (2 h 20).
samedi à 19 h 30 et dimanche à 15 h 30 :
l’intégrale (4h).
Théâtre de la Tempête, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre, Vincennes (Val-de-Marne).
Métro: Château de Vincennes et navette gratuite.