Rencontres Jeunes Pousses 2019 à la Maison Maria Casarès

5741714D-D659-47DB-9804-DE3EF4FC7E03Rencontres Jeunes Pousses 2019 à la Maison Maria Casarès

 «La vie au domaine de la Vergne épouse le cycle des saisons, disent Johanna Silberstein et Mathieu Roy, co-directeurs de la Maison Maria Casarès. Au printemps, nous essaimons avec les répétitions des jeunes metteurs en scène. Notre saison estivale allie théâtre, patrimoine et gastronomie, l’automne laisse place aux artistes confirmés avec l’accueil de créations et, en hiver, des spectacles partent en itinérance sur le territoire.»  Les fondateurs de la compagnie du Veilleur à Poitiers ont souhaité en prenant, en 2017, la direction de ce domaine légué par la comédienne à la petite commune d’Alloue, en faire un lieu de création et de partage (voir Le Théâtre du blog). Ces Rencontres Jeunes Pousses font partie de leur ambitieux projet.

 Au début de l’automne, sortent donc ces nouvelles pousses choisies l’année précédente par un jury de professionnels à l’issue d’un appel à projet. Les metteurs en scène présentent leur première pièce après un mois de résidence à la maison Maria Casarès. Nous en verrons des extraits de quarante minutes qui permettent aux équipes de tester leur travail en public et de susciter l’intérêt de nombreux programmateurs et institutionnels régionaux et nationaux venus pour cette journée-marathon. Avec cinq propositions, chacune à un stade de réalisation plus ou moins avancé, avec aussi des débats, dans un cadre champêtre et sous l’œil bienveillant des spectateurs qui peuvent dialoguer avec les équipes artistiques à l’issue de chaque présentation de maquette. Nous avions suivi avec intérêt ce dispositif dès 2017 (voir Le Théâtre du Blog) : il y a autant d’intérêt à déceler ici de nouveaux talents qu’à scruter les problématiques et les formes qui se font jour chez les  artistes frais émoulus des écoles.

©Christophe Raynaud De Lage

Inconsolable(s)©Christophe Raynaud De Lage

Inconsolable(s) s’appuie sur un paradoxe : un homme et une femme se séparent devant nous, se mettant en danger pour comprendre les ressorts de leur amour et le mettre à l’épreuve. Ils s’affrontent avec tendresse et violence dans à une mise à nue des corps et des âmes. L’écriture acérée (on pense à celle de Pascal Rambert) provient d’allers et retours entre plateau et page blanche. Nadège Cathelineau et Julien Frégé, un couple à la ville comme à la scène, ont écrit et jouent ce texte, librement inspiré de Notre besoin de consolation est impossible à rassasier de Stig Dagerman. La première scène et les deux suivantes, très contrastées, nous ont convaincus par leur vivacité et leur humour mais le propos devient flottant avec l’intermède onirique qui clôt l’extrait. Où ce jeu de la vérité mènera ce couple? Nous le saurons bientôt: exception parmi les quatre autres projets, Inconsolable(s) sera en effet prochainement créé à Rouen.

Plus clair, quoique moins avancé, Science du C.R.A.S.H. que Sophie Lewish donne en lecture. Elle revisite l’affaire de Tarnac, à l’aune de la notion de C.R.A.S.H., un acronyme de Comment le Réel Avance Sans l’Homme, développée par Julien Coupat, le soi-disant terroriste corrézien… Une vraie-fausse conférence sur la question alterne avec les minutes du procès d’une affaire née en 2008 qui, dix ans, après, se soldera par un non-lieu au tribunal correctionnel de Paris. On voit comment l’histoire fut montée de toutes pièces, à des fins politiques, par la Direction Centrale du Renseignement Intérieur et par un certain Mark Kennedy, alias Mark Stone, un espion anglais infiltré parmi les militants de Tarnac.  William Bourdon, avocat de la défense, dénoncera en effet «la divulgation par Mark Kennedy d’informations inexactes sur le groupe de Tarnac, tombées dans l’oreille complaisante de la D.C.R.I. » Cette intrigue rocambolesque fait écho aux récents débordements policiers et entraves au droit de manifester avec des épisodes aussi cocasses que l’arrestation à Nantes de militants, taxés de terroristes. En cause: un homard de carton fabriqué pour une manifestation… Habilement tissé, grâce à l’accompagnement de l’autrice Mariette Navarro et  d’acteurs aguerris et pour la plupart sortis de l’Académie de l’Union à Limoges, Science du C.R.A.S.H. promet une mise en boîte réjouissante… Pour avancer, Sophie Lewish et ses comparses seront reçus en résidence par le Théâtre  Paris-Villette en janvier prochain.

 

©Christophe Raynaud De Lage

Isadora©Christophe Raynaud De Lage

Isadora comme elle est belle et quand elle se promène de Milena Csergo, publiée aux éditions Théâtrales et Prix Jean-Jacques Lerrant des journées d’auteurs de Lyon, a trouvé preneur : l’autrice en personne. Récemment sortie du Conservatoire National, elle la met en scène et l’interprète, accompagnée des musiciens Grégoire Letouvet et Alexandre Perrot. Pari risqué dont elle s’acquitte avec conviction. Lointaine cousine du Petit Chaperon Rouge, Isadora va à la ville en quête de framboises pour sa mère. Sa naïveté  va l’exposer à de mauvaises surprises mais tel est le prix de la liberté… La langue ressassante et faussement puérile de Milena Csergo trouve son expression et sa force dans le jeu de l’actrice et la composition musicale. On s’enfonce dans la jungle des villes avec ses animaux séduisants et dangereux: chiens, chevaux, gazelles…métaphores des figures humaines.

 Qu’est-ce que ça fait, pourvu qu’on rigole, librement inspiré de Poil de Carotte, emprunte le style fragmentaire du roman de Jules Renard, (cinquante courts chapitres) publié en 1894 et de son Journal. Un tissage entre une fiction largement autobiographique et le regard de l’adulte sur son œuvre, dont on verra quelques extraits. Elodie Chaumaret les a confiés à Tristan Cottin, acteur habile à restituer les fulgurances langagières d’une étonnantes modernité. Un petit garçon devrait jouer en contrepoint, dans la deuxième partie. Sortie de la classe mise en scène de l’E.N.S.A.T.T.,  la jeune femme a installé sa compagnie en Corrèze et entend avec cette première réalisation, traiter de la révolte d’un enfant, face à la domination des adultes.

 Le Chant du père d’Hatice Özer en est au stade de l’ébauche. La comédienne nous invite dans la salon de son enfance, au sein de la communauté turque dans une cité de la banlieue française. Son père l’accompagne au saz (un luth à long manche) et elle livre en turc, quelques anecdotes de son village et évoque son éducation de jeune fille : « On m’a appris de ne pas toujours dire ce que je pensais» et des superstitions : « On m’a appris à me méfier des chats, ils mangent les ailes des anges. »  Tout en préparant et servant le thé, Hatice Özer souhaite façonner un «théâtre qui ressemble à mes parents» et «restituer l’héritage» qu’elle porte en elle, sous forme d’un cabaret avec texte, musique et chant. Pour l’écrire, elle sera guidée par Mariette Navarro…

Après trois ans de ces Rencontres Jeunes Pousses, l’heure est au bilan pour Johanna Silberstein et Matthieu Roy. Selon eux, la figure du metteur en scène vacille et fait place à des « collectifs ». Mais, à la Maison Maria Casarès disent-ils, «on ne veut pas de créations collectives mais des metteurs en scène ». On constate aussi une disparition de textes d’auteur au profit d’écritures de plateau. Un danger que les directeurs essayent de pallier par des accompagnements à l’écriture. Il n’y a plus de mises en scène de pièces classiques mais des adaptations de livres ou de films…

 Autre constat : selon les directeurs, un an ne suffit pas pour faire éclore un spectacle. Les jeunes pousses ont besoin d’un accompagnement dramaturgique mais aussi d’un soutien logistique pour s’implanter dans la durée. Les professionnels présents soulignent, de leur côté, l’absence de formation à l’administration dans les écoles de théâtre où on n’apprend pas aux élèves à être porteurs d’un projet et à faire des dossiers, des budgets et de la médiation avec les publics… Tous les brouillons présentés à la Maison Maria Casarès ont pourtant été finalisés et sept des compagnies reçues en 2017 et 2018 continuent leur route avec leur création ou pour certaines, avec une nouvelle mise en scène… Quant aux spectacles de l’édition 2019, c ‘est à suivre…

 Mireille Davidovici

Le 16 septembre à la Maison Maria Casarès, Domaine de la Vergne, Alloue (Charente) T. : 05 45 31 81 22 et chez les partenaires : à La Canopée, Place du Jumelage, Ruffec  et à La Ferme Saint-Michel de Confolens, 7 place de la Chapelle de Foire, Saint-Michel-Confolens (Charente).

 Inconsolable(s) du 5 au 9 novembre, Théâtre des Deux-Rives, Rouen (Seine-Maritime).

Isadora comme elle est belle et quand elle se promène fera l’objet d’une lecture musicale dans son intégralité à Théâtre Ouvert, Paris (XVIII ème)en décembre .


Archive pour 20 septembre, 2019

Melone Blu, texte et mise en scène de Samuel Valensi

Melone Blu, texte et mise en scène de Samuel Valensi

© Damien

© Damien

Au Théâtre de Belleville, avait été présentée L’Inversion de la courbe, première écriture et mise en scène de ce jeune auteur (voir Le Théâtre du Blog). Avec la même équipe, il a réalisé ce conte philosophique. Thème: l’écologie. Cela se passe dans un lieu non identifié, sans doute en Europe du Sud et à une époque récente, voire presque contemporaine, ont vécu trois générations. La première avec Felice Verduro, un pêcheur bon connaisseur des chemins marins et qui a découvert l’île de Melone Blu, quand il était jeune et beau. Là, pousse un fruit aux vertus fabuleuses  et  la famille Verduro s’y installe pour le cultiver. Ce qu’un chœur de cinq hommes et deux femmes va nous raconter. Le fruit va enrichir la région mais aussi provoquer une véritable révolution sociale et financière. Les enfants Verduro et leurs proches vont en effet exploiter l’eau de mer qui, mêlée à la liqueur de ce fruit, devient un carburant qui va faire fonctionner des automates pour les aider à vite récolter ces melons…La boucle est bouclée et bien entendu, l’auteur joue le parallèle avec notre époque cupide et menacée de dérèglements climatiques de plus en plus importants.

Cette apparition du machinisme industriel va en effet entraîner d’inévitables conflits entre élus, préfet et les agriculteurs. Les hommes et les femmes entrevoient la fin de leurs illusions… D’autant qu’à la suite des prélèvements disproportionnés, le niveau de la mer commence à baisser sérieusement… Et la troisième génération sent bien que l’époque dorée qu’ont connue leurs grands-parents et parents, est révolue. Un frère s’enthousiasme pour la révolution, l’autre pour prolonger les acquis… et surtout ne pas courir vers une super-productivisme… Erreurs dont personne ne sortira gagnant comme si ces générations différentes qui n’ont pas réussi à maîtriser le « progrès », étaient toutes condamnées et à court terme par une sorte de fatalité. Tel est, si on a bien compris, le sens de cette fable théâtrale…

“C’est un conte populaire, chaleureux qui respecte la tradition de l’oralité qui transporte les mythes fondateurs, dit l’auteur-metteur en scène qui s’envoie des fleurs un peu vite. Tout le monde le connaît, le raconte, se l’approprie, ajoute son détail. C’est un socle commun, notre roman historique. Melone Blu est l’histoire de nos progrès et de leurs conséquences.” On veut bien mais cela donne quoi sur le plateau? Une belle scénographie: juste quelques praticables en palettes de récupération et des dizaines de cordes qui pendent, le tout éclairé avec virtuosité. Brice Borg, Michel Derville, Paul-Eloi Forget, Valérie Moinet, Alexandre Molitor, Maxime Vervonck
, Emmanuel Lemire (en alternance avec François-Xavier Phan) ont tous une bonne diction et une gestuelle remarquable. Aucun temps mort dans cette mise en scène précise…

Oui, mais voilà! Le texte n’est pas du tout à la hauteur du travail scénique: maladroit, touffu et souvent peu clair (Samuel Valensi était élève d’ H.E.C. : on voit qu’il connaît les mécanismes administratifs mais bon, cela ne suffit pas..)  la dramaturgie est mal établie et les personnages flous! Les petits scènes  bavardes, souvent plus proches du récit, se succèdent sans fil rouge apparent. Il y a parfois comme une teinture de théâtre d’agit-prop dans certaines scènes mais ces deux heures au langage très conventionnel n’apportent pas grand chose et durent une éternité… Et on a la nette impression que l’auteur aurait pu nous en épargner la moitié. Gérer le temps dramatique, cela s’apprend et là on est trop loin du compte!

Du coup, cette fable philosophique n’a rien d’efficace et distille très vite un ennui profond. Au théâtre, les bonnes intentions n’ont jamais donné un résultat tangible et vous l’aurez compris: inutile de vous déplacer… Ce Melone Blu, vraiment peu convaincant, n’apporte rien à l’écologie sinon une vague sensibilisation. Même si, pour chaque place achetée, il y a un arbre planté: un argument souvent employé dans ce que l’on appelle le « marketing » des grandes marques. Mais ici, cela fait un peu trop mélange des genres et n’est vraiment pas souhaitable…

Philippe du Vignal

 Théâtre 13 Seine, rue du Chevaleret, Paris (XIII ème) jusqu’au 22 septembre.

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