Festival mondial des Théâtres de marionnettes 2019 à Charleville-Mézières (Ardennes) L’Enfant, adaptation de La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck, mise en scène d’Elise Vigneron

 

Festival mondial des Théâtres de marionnettes à Charleville-Mézières (Ardennes)

L’Enfant, adaptation de La Mort de Tintagiles de Maurice Maeterlinck, mise en scène d’Elise Vigneron (tout public dès quatorze ans)

©Benoît Schupp

©Benoît Schupp

Cette comédienne-marionnettiste et metteuse en scène, diplômée de l’ E.S.N.A.M. est passionnée de recherches plastiques. Elle s’est emparée de cette pièce (1894) réputée irreprésentable, avec des marionnettes à fils, moins pour conduire un récit que pour en révéler le symbolisme. Avec au-delà de la fable, une vision métaphysique, mystique autour du thème du passage: vie et mort, visible et invisible, fini et infini, en libérant des lignes de démarcation approximatives.

 Ygraine, une des sœurs du garçon, est incarnée par une comédienne mais Tintagiles, lui, est représenté par une marionnette gracieuse, suspendue à de longs fils qui donnent à cet enfant une corporéité flottante, des mouvements amples et lents. Soit un personnage apaisé à la tranquillité intérieure et proche d’un fantôme. L’Enfant, assis dans les bras sororaux, a une blancheur lumineuse mais la Reine, dévoreuse d’Enfant, représente un menace.

 L’espace, dont Elise Vigneron a imaginé la scénographie, invite à un vagabondage et à une immersion physique visuelle et sonore. C’est une ode poétique construite et déconstruite à chaque représentation, au rythme de l’arrivée du public sur le plateau : métaphore de l’impermanence du monde et d’un rapport sensoriel et immédiat à l’acte théâtral… Le son épouse ici la dramaturgie : Julien Tamisier et Pascal Charrier se sont inspirés de la partition de Jean Nougues pour composer une pièce musicale à partir d’un piano préparé: cordes frappées, tapées, impacts, grondements… Un univers entêtant où se mêlent voix, vibrations et sons organiques.

 Nous sommes accueillis dans un couloir obscur; sur les murs, sont écrites à la craie quelques lignes de Maurice Maeterlinck. Ygraine mène une danse poétique savante, proclamant avec une conviction fébrile, sa volonté de se libérer d’une reine tyrannique et de préserver l’Enfant. Puis, nous pénétrons dans une salle délabrée du château abandonné et prenons place sur des tronçons de bois ou sur le sol couvert de gravats. Des jets de poussière tombent du plafond: dégradation et manque d’entretien tangibles… Dans ce vaste palais endormi et jadis fastueux, cette salle est éclairée par un lustre aux cristaux éblouissants mais aussi par d’humbles petites bougies tremblantes. En guise de murs intérieurs, des parois en planches et des lambris donnent à la pièce la chaleur requise. Trois portes la font respirer quand elles s’ouvrent mais elles sont vite refermées par des servantes de scène: l’autre sœur, Bellangère et les femmes de chambre de la Reine, peut-être : des manipulatrices qui œuvrent dans le silence de la nuit.

 Pour se protéger de la volonté d’usurpation de la Reine, Ygraine s’enferme avec l’Enfant dans la pièce principale. Dans l’ombre, les portes claquent et les  interprètes mettent des planches en croix pour faire barrage à l’intruse. Un temps médiéval est au rendez-vous et nous sommes invités à voir un conte fantastique où l’Enfant disparaît, saisi par la Reine et la Mort. Ygraine pourtant rattrapera le petit disparu, le touchant presque et l’invitant à revenir à la vie… Un moment de théâtre admirable de tension où l’Enfant est un roi, bercé dans les bras de la sœur, protégé et choyé par celle qui l’aime et que ce même amour sauvera. Avec trois complices, la comédienne Stéphanie Farison, la marionnettiste Sarah Lascar et Elise Vigneron. Une installation poétique et une invitation à aller dans un château mystérieux et joliment «habité ».

 Véronique Hotte

Spectacle joué à Charleville-Mézières (Ardennes), les 20, 21 et 22 septembre.

 

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