Jules César de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Rodolphe Dana

Crédit photo : Vincent Pontet. Coll. Comédie-Française.

©Vincent Pontet

Jules César de William Shakespeare, adaptation et mise en scène de Rodolphe Dana

Grand lecteur de Plutarque, Shakespeare a compris que les hommes et leurs dirigeants, à la fin de la République romaine, au temps de César et d’Auguste, étaient aussi violents, désordonnés et ténébreux, que dans l’Angleterre élisabéthaine. Et une autre lecture de Rome enseignée dans les écoles , nous apprend Yves Bonnefoy, celle qui admirait le droit romain, l’éloquence de Cicéron, la philosophie stoïcienne et qui donnait une valeur exemplaire à quelques grandes figures qui incarnaient à Rome la rigueur morale et la lucidité du jugement. Etre un Romain revenait à incarner la raison qui se serait détachée des passions, comme dit Brutus dans Jules César, tout en soupçonnant l’Empereur de dérapage.

Le metteur en scène et directeur du Centre Dramatique de Lorient a voulu représenter ces débats d’idées, duels verbaux, polémiques et controverses dans une scénographie bi-frontale. Le public est donc très proche de ces hommes politiques, volontaires et porteurs de projets mais aussi entraînés par leurs désirs personnels et quoiqu’ils disent, soumis à la vengeance, à la jalousie et âpres au gain.
César possède une intelligence aigüe dans l’élaboration de la loi, comme sur les champs de bataille, tout comme  Brutus aux grands principes césariens, mais une arrière-pensée le mine pourtant insidieusement. Il ressemble ici à un Hamlet inquiet.

Rodolphe Dana a resserré l’intrigue qui est d’une gravité austère et a conçu une  distribution à parité exacte, quel que soit le rôle. Autour d’un César à la sérénité lumineuse de Martine Chevallier, les sénateurs conspirateurs Météllus (Françoise Gillard),  Decius (Jérôme Pouly), Cinna (Christian Gonon), Nâzim Boudjenah (Brutus), Casca (Noam Morgensztern), Trébonius( Claire de la Rüe du Can), et Ligarius (Jean Joudé). Georgia Scalliet est elle, le fidèle Marc-Antoine. Tous, embarqués dans l’aventure politique, ils ne cèdent à l’adversaire nulle chance de défense ou salut. Chacun, en tyran, souhaite éradiquer le tyran et n’obéit qu’à sa seule volonté inavouée. Seul, Brutus pense loyalement à l’intérêt général et au bien public.

 L’angoisse fait son chemin et des signes confus se bousculent: la lecture des astres n’est plus fiable, un orage éclate, des lions et lionnes errent à Rome et il y a dans le ciel, des visions apocalyptiques: combats militaires, incendies… Avec une impression d’irréalité quand César va rencontrer la foule, alors qu’un inconnu lui conseille de «craindre les Ides de Mars»: une menace du sort, loin d’atteindre César à qui son épouse demande de ne pas se rendre au Sénat.  Ce que l’Empereur ferra tout de même mais les conspirateurs le frapperont chacun leur tour, jusqu’à son ami Brutus. Le fameux : « Tu quoque, mi fili»,  ultime parole d’horreur et déception quand César reçoit les coups mortifères, et destinée à Brutus, le seul en qui il pouvait avoir confiance et qui l’a trahi!

La langue des conspirateurs est limpide et, pour cette tragédie, Rodolphe Dana a conçu une dramaturgie faite de poésie, symboles et réalisme politique. Comme si ne restaient que les fils à la fois ténus et acérés d’arrière-pensées stratégiques… C’est à qui sera le plus résolu à accomplir un dessein meurtrier, et au-delà du sang versé, pour un prétendu avantage de la communauté! Une conjuration qui fait froid dans le dos…

Véronique Hotte

Théâtre du Vieux-Colombier, 21 rue du Vieux-Colombier, Paris (VI ème) jusqu’au 3 novembre. T.  : 01 44 39 87 00/01.

 

 

DAROU L ISLAM |
ENSEMBLE ET DROIT |
Faut-il considérer internet... |
Unblog.fr | Annuaire | Signaler un abus | Le blogue a Voliere
| Cévennes : Chantiers 2013
| Centenaire de l'Ecole Privé...