Les Francophonies des Ecritures à la scène 2019

Les Francophonies des Ecritures à la scène 2019

Son nouveau directeur Hassane Kassi Kouyaté, a programmé ce festival en deux  fois (voir Le Théâtre du Blog). En ce moment, Les Zébrures d’automne et, en mars  prochain, Les  Zébrures de printemps, surtout consacrées aux écritures francophones. Pour l’heure: théâtre, cirque, danse, poésie, musique et quelques films à l’appui des spectacles. Chaque jour, des rencontres avec les artistes puis quelque quatre spectacles et un concert jusque tard dans la soirée. Au centre ville, une ancienne caserne a été investie pour être un lieu de rencontres et d’échanges… Plusieurs créations verront le jour  au fil de ces deux semaines  avec un public nombreux et curieux. Ce festival a la particularité de nous faire voyager dans les vastes territoires de la Francophonie et d’interroger cette notion aujourd’hui sujet à controverse.

59MpPYaw

© Christophe Péan

Le petit peuple de la brume  par le Théâtre du Papyrus ( jeune public )

Qu’y a-t-il au-delà de la cheminée? Derrière un violoniste, tels les personnages du Joueur de flûte de Hamelin, nous entrons à la queue-leu-leu dans une grotte enfumée. Des enfants nous précèdent, brandissant des clochettes pour ne pas se perdre. Petits et grands prennent place sur les gradins, face à un paysage désolé. Au  milieu des ruines, bois calciné, un petit lac volcanique crache des fumerolles inquiétantes et toute vie semble impossible dans ce désert aride.

Trois comédiens-musiciens vont révéler au public un étrange univers et nous allons découvrir un peuple de minuscules bonshommes, réfugiés dans des trous pour se protéger du froid. Manipulés avec délicatesse  par les artistes, ils vont reconquérir leur territoire… Un petit garçon, plus hardi que les autres et encouragé par les acteurs, s’aventure au bord du lac et affronte un dragon qui a causé la catastrophe mais qui sera apprivoisé; grâce à son feu, il redonnera vie à la Nature…

Ce message d’espoir, distillé en images et à hauteur d’enfant, échappe à tout didactisme; et fantastique et poésie s’y donnent rendez-vous. Même si le texte est plus improvisé qu’écrit (dommage!) et si le récit manque de fil rouge, on entre avec plaisir dans ce monde. Les figurines miniatures (en mousse habillée de sisal) ont un aspect minéral et semblent naître de la lande brune. Et le dragon dont le cou émerge de l’eau bouillonnante, prend l’aspect d’un tronc d’arbre mort et souffle flammes et fumée. Le quatrième marionnettiste, invisible sous les collines du pays de la brume, manipule d’une main sûre, cette bête pas si effrayante que ça: mi-dinosaure, mi-monstre du Loch Ness…

A l’heure où l’on sonne l’alarme sur le devenir de la planète, ce spectacle, créé en 2002, est toujours d’actualité, même si les tout-petits n’en perçoivent pas bien le message. Il aura fallu venir à Limoges pour découvrir cette compagnie belge qui a déjà beaucoup voyagé…

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© Thomas Godlewski

Koteba de Seydou Boro

«Comment peut-on mettre un enfant au monde et vouloir sa mort? Comment peut-on utiliser le sexe comme arme de guerre ? Paroles chorégraphiques, tissées d’images et de gestes,  le solo teinté de vaudou et de butô invoquera des mots qui claquent et qui dansent.»

Ainsi Seydou Boro définit sa dernière création -comme interprète. En robe rouge, torse et visage grimés, c’est une étrange créature au corps d’homme mais aux gestes féminins qui apparaît. Inceste, viol, abus… Comment dire l’indicible? Une danse sinueuse inspirée du boûgô, un rite de la société secrète des Yonyonsés, rappelle étrangement les danses orientales. Et les mots durs, susurrés au micro et avec délicatesse par Seydou Boro, contredisent une gestuelle douce, éloignée de la violence verbale exprimée. Bien plus puissants et plus efficaces sont les regards et la mimique accablée de son personnage quand il fait face au public. On reste, quarante-cinq minutes durant, sous le charme de la technique très personnelle de cet artiste à l’étrange présence qui a longtemps travaillé avec Salia Sanou, danseur et chorégraphe burkinabé. Avec lequel il dirige une compagnie et a le désir de sortir des stéréotypes folkloriques traditionnels. Ensemble, ils créent à Ouagadougou (Burkina Fasso), la Termitière, un centre chorégraphique. Seydou Boro y travaille ses propres créations mais forme aussi de jeunes générations d’interprètes et offre un programme  de spectacles contemporains… Il  renouvelle ici le koteba, une forme du théâtre traditionnel bambara.

Errances chorégraphie d’Auguste Ouédraogo et Bienvenue Bazié

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© Christophe Péan

Ce solo s’est construit après une rencontre avec le sculpteur Jean-Philippe Rosemplatt, dont Auguste Ouédraogo a découvert les œuvres. Entre autres, Le Fardeau, figurant un homme debout, portant comme le poids de sa vie sur son dos courbé. Mais c’est l’appel d’un ailleurs que le danseur y lit et qui va le mettre en route? lui faire explorer et développer une gestuelle. Et comme lui, le faire aller, au-delà de son cadre quotidien, vers une nouvelle vie.

L’idée même de ce voyage se transpose en mouvements et le dialogue s’instaure entre la statue, figée et l’homme qui se meut sans hâte, avec l’espoir d’un avenir meilleur. Errances traite des migrations humaines, aussi vieilles que le monde mais qui se multiplient aujourd’hui. Auguste Ouédraogo questionne en douceur cet arrachement que lui évoque ce Fardeau, donnant vie à cette statue, avec une danse terrienne et puissante. Les deux solos de ce programme, très différents, sont un aperçu des créations personnelles d’artistes africains.

Le Pire n’est pas (toujours) certain, texte et mise en scène de Catherine Boskowitz

LE PIRE N'EST PAS TOUJOURS CERTAIN(c)Christophe-Pean30 - copie

© Christophe Péan

La représentation justement commence dans le bruit et la fureur. Sur le plateau nu, derrière un voile transparent, les comédiens tracent des signes au sol et prennent des mesures… Leur tapage brouillon cesse bientôt, leurs dessins sont recouverts de draps, pour faire place à un homme en longue robe qui psalmodie le prose chantante du Soulier de satin de Paul Claudel, nous menant directement aux confins de l’Europe. Un marin, agrippé à un mât, scrute l’horizon vers Lampedusa et l’île de Malte. On entend un récit de sauvetage en mer… Les rescapés deviennent des marionnettes que l’administration fait tourner en bourrique.

La vieille Europe, affublée de cornes, exhibe ses  gros seins (allusion au mythe grec de la princesse Europe enlevée par Jupiter déguisé en taureau). Elle siège, satisfaite, au concert inaudible des Nations dont les représentants n’en finissent pas d’invoquer les crises migratoires. Autres personnages de ce conte actuel situé dans un futur proche : une fée-clochette au nez de clown se moque des discours stéréotypés des politiques que Catherine Boskowitz démonte, en apportant d’autres points de vue. Un chien se prend d’affection pour un jeune garçon échoué sur une plage et l’accompagne jusqu’à la frontière impénétrable de Macédoine. Il nous raconte avec humour le quotidien des camps qui jalonnent les Balkans et le sort tragique des candidats à l’exil… Une femme  attend depuis des mois au bord de la mer de passer en Europe… Des militants lui viennent en aide pour un voyage clandestin à travers plusieurs pays, grâce à un réseau international d’entraide… Oui, la solidarité existe, discrète et fragile… Et Catherine Boskowitz, fortement engagée dans cette cause, nous en fait mesurer les enjeux.

Les histoires croisées qu’elle a tissées sont portées par d’excellents comédiens, en particulier Marcel Mankita en chien jovial et Nanténé Traoré, émouvante dans le personnage de cette femme au bord de la mer. Mais les nombreuses pistes suivies risquent de dérouter le spectateur. Certes, il y a beaucoup à dire (et à faire) et la matière est complexe mais ici, les fils conducteurs ne sont pas faciles à démêler. Dommage car on s’attache aux personnages et certaines scènes ne manquent pas de force et emportent la conviction. Un vaste et ambitieux chantier, un travail en cours qui devrait gagner en rythme et clarté au fil des représentations. A suivre…

Mireille Davidovici

Spectacles vus à Limoges, le 27 septembre.

Zébrures d’Automne se poursuit jusqu’au 5 octobre.
Les Francophonies de l’écriture à la scène, 11 avenue du Général de Gaulle, Limoges (Haute-Vienne). T.  : 05  55 10 90 10.

Le Petit Peuple de le brume (dès quatre ans), du 3 au 6 décembre, Théâtre Varia, 78 rue du Sceptre, Ixelles (Belgique)

Koteba, en octobre, Théâtre de l’Île, Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et Festival Burkin’Arts à Villeneuve-lès-Avignon (Gard).

Le pire n’est pas (toujours) certain, du 28 au 30 novembre, Collectif 12, Mantes-la-Jolie (Yvelines) et du 10 au 22 décembre, MC 93 de Bobigny (Seine-Saint-Denis).


Archive pour 1 octobre, 2019

Les Francophonies des Ecritures à la scène 2019

Les Francophonies des Ecritures à la scène 2019

Son nouveau directeur Hassane Kassi Kouyaté, a programmé ce festival en deux  fois (voir Le Théâtre du Blog). En ce moment, Les Zébrures d’automne et, en mars  prochain, Les  Zébrures de printemps, surtout consacrées aux écritures francophones. Pour l’heure: théâtre, cirque, danse, poésie, musique et quelques films à l’appui des spectacles. Chaque jour, des rencontres avec les artistes puis quelque quatre spectacles et un concert jusque tard dans la soirée. Au centre ville, une ancienne caserne a été investie pour être un lieu de rencontres et d’échanges… Plusieurs créations verront le jour  au fil de ces deux semaines  avec un public nombreux et curieux. Ce festival a la particularité de nous faire voyager dans les vastes territoires de la Francophonie et d’interroger cette notion aujourd’hui sujet à controverse.

59MpPYaw

© Christophe Péan

Le petit peuple de la brume  par le Théâtre du Papyrus ( jeune public )

Qu’y a-t-il au-delà de la cheminée? Derrière un violoniste, tels les personnages du Joueur de flûte de Hamelin, nous entrons à la queue-leu-leu dans une grotte enfumée. Des enfants nous précèdent, brandissant des clochettes pour ne pas se perdre. Petits et grands prennent place sur les gradins, face à un paysage désolé. Au  milieu des ruines, bois calciné, un petit lac volcanique crache des fumerolles inquiétantes et toute vie semble impossible dans ce désert aride.

Trois comédiens-musiciens vont révéler au public un étrange univers et nous allons découvrir un peuple de minuscules bonshommes, réfugiés dans des trous pour se protéger du froid. Manipulés avec délicatesse  par les artistes, ils vont reconquérir leur territoire… Un petit garçon, plus hardi que les autres et encouragé par les acteurs, s’aventure au bord du lac et affronte un dragon qui a causé la catastrophe mais qui sera apprivoisé; grâce à son feu, il redonnera vie à la Nature…

Ce message d’espoir, distillé en images et à hauteur d’enfant, échappe à tout didactisme; et fantastique et poésie s’y donnent rendez-vous. Même si le texte est plus improvisé qu’écrit (dommage!) et si le récit manque de fil rouge, on entre avec plaisir dans ce monde. Les figurines miniatures (en mousse habillée de sisal) ont un aspect minéral et semblent naître de la lande brune. Et le dragon dont le cou émerge de l’eau bouillonnante, prend l’aspect d’un tronc d’arbre mort et souffle flammes et fumée. Le quatrième marionnettiste, invisible sous les collines du pays de la brume, manipule d’une main sûre, cette bête pas si effrayante que ça: mi-dinosaure, mi-monstre du Loch Ness…

A l’heure où l’on sonne l’alarme sur le devenir de la planète, ce spectacle, créé en 2002, est toujours d’actualité, même si les tout-petits n’en perçoivent pas bien le message. Il aura fallu venir à Limoges pour découvrir cette compagnie belge qui a déjà beaucoup voyagé…

lWqRkmcw

© Thomas Godlewski

Koteba de Seydou Boro

«Comment peut-on mettre un enfant au monde et vouloir sa mort? Comment peut-on utiliser le sexe comme arme de guerre ? Paroles chorégraphiques, tissées d’images et de gestes,  le solo teinté de vaudou et de butô invoquera des mots qui claquent et qui dansent.»

Ainsi Seydou Boro définit sa dernière création -comme interprète. En robe rouge, torse et visage grimés, c’est une étrange créature au corps d’homme mais aux gestes féminins qui apparaît. Inceste, viol, abus… Comment dire l’indicible? Une danse sinueuse inspirée du boûgô, un rite de la société secrète des Yonyonsés, rappelle étrangement les danses orientales. Et les mots durs, susurrés au micro et avec délicatesse par Seydou Boro, contredisent une gestuelle douce, éloignée de la violence verbale exprimée. Bien plus puissants et plus efficaces sont les regards et la mimique accablée de son personnage quand il fait face au public. On reste, quarante-cinq minutes durant, sous le charme de la technique très personnelle de cet artiste à l’étrange présence qui a longtemps travaillé avec Salia Sanou, danseur et chorégraphe burkinabé. Avec lequel il dirige une compagnie et a le désir de sortir des stéréotypes folkloriques traditionnels. Ensemble, ils créent à Ouagadougou (Burkina Fasso), la Termitière, un centre chorégraphique. Seydou Boro y travaille ses propres créations mais forme aussi de jeunes générations d’interprètes et offre un programme  de spectacles contemporains… Il  renouvelle ici le koteba, une forme du théâtre traditionnel bambara.

Errances chorégraphie d’Auguste Ouédraogo et Bienvenue Bazié

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© Christophe Péan

Ce solo s’est construit après une rencontre avec le sculpteur Jean-Philippe Rosemplatt, dont Auguste Ouédraogo a découvert les œuvres. Entre autres, Le Fardeau, figurant un homme debout, portant comme le poids de sa vie sur son dos courbé. Mais c’est l’appel d’un ailleurs que le danseur y lit et qui va le mettre en route? lui faire explorer et développer une gestuelle. Et comme lui, le faire aller, au-delà de son cadre quotidien, vers une nouvelle vie.

L’idée même de ce voyage se transpose en mouvements et le dialogue s’instaure entre la statue, figée et l’homme qui se meut sans hâte, avec l’espoir d’un avenir meilleur. Errances traite des migrations humaines, aussi vieilles que le monde mais qui se multiplient aujourd’hui. Auguste Ouédraogo questionne en douceur cet arrachement que lui évoque ce Fardeau, donnant vie à cette statue, avec une danse terrienne et puissante. Les deux solos de ce programme, très différents, sont un aperçu des créations personnelles d’artistes africains.

Le Pire n’est pas (toujours) certain, texte et mise en scène de Catherine Boskowitz

LE PIRE N'EST PAS TOUJOURS CERTAIN(c)Christophe-Pean30 - copie

© Christophe Péan

La représentation justement commence dans le bruit et la fureur. Sur le plateau nu, derrière un voile transparent, les comédiens tracent des signes au sol et prennent des mesures… Leur tapage brouillon cesse bientôt, leurs dessins sont recouverts de draps, pour faire place à un homme en longue robe qui psalmodie le prose chantante du Soulier de satin de Paul Claudel, nous menant directement aux confins de l’Europe. Un marin, agrippé à un mât, scrute l’horizon vers Lampedusa et l’île de Malte. On entend un récit de sauvetage en mer… Les rescapés deviennent des marionnettes que l’administration fait tourner en bourrique.

La vieille Europe, affublée de cornes, exhibe ses  gros seins (allusion au mythe grec de la princesse Europe enlevée par Jupiter déguisé en taureau). Elle siège, satisfaite, au concert inaudible des Nations dont les représentants n’en finissent pas d’invoquer les crises migratoires. Autres personnages de ce conte actuel situé dans un futur proche : une fée-clochette au nez de clown se moque des discours stéréotypés des politiques que Catherine Boskowitz démonte, en apportant d’autres points de vue. Un chien se prend d’affection pour un jeune garçon échoué sur une plage et l’accompagne jusqu’à la frontière impénétrable de Macédoine. Il nous raconte avec humour le quotidien des camps qui jalonnent les Balkans et le sort tragique des candidats à l’exil… Une femme  attend depuis des mois au bord de la mer de passer en Europe… Des militants lui viennent en aide pour un voyage clandestin à travers plusieurs pays, grâce à un réseau international d’entraide… Oui, la solidarité existe, discrète et fragile… Et Catherine Boskowitz, fortement engagée dans cette cause, nous en fait mesurer les enjeux.

Les histoires croisées qu’elle a tissées sont portées par d’excellents comédiens, en particulier Marcel Mankita en chien jovial et Nanténé Traoré, émouvante dans le personnage de cette femme au bord de la mer. Mais les nombreuses pistes suivies risquent de dérouter le spectateur. Certes, il y a beaucoup à dire (et à faire) et la matière est complexe mais ici, les fils conducteurs ne sont pas faciles à démêler. Dommage car on s’attache aux personnages et certaines scènes ne manquent pas de force et emportent la conviction. Un vaste et ambitieux chantier, un travail en cours qui devrait gagner en rythme et clarté au fil des représentations. A suivre…

Mireille Davidovici

Spectacles vus à Limoges, le 27 septembre.

Zébrures d’Automne se poursuit jusqu’au 5 octobre.
Les Francophonies de l’écriture à la scène, 11 avenue du Général de Gaulle, Limoges (Haute-Vienne). T.  : 05  55 10 90 10.

Le Petit Peuple de le brume (dès quatre ans), du 3 au 6 décembre, Théâtre Varia, 78 rue du Sceptre, Ixelles (Belgique)

Koteba, en octobre, Théâtre de l’Île, Nouméa (Nouvelle-Calédonie) et Festival Burkin’Arts à Villeneuve-lès-Avignon (Gard).

Le pire n’est pas (toujours) certain, du 28 au 30 novembre, Collectif 12, Mantes-la-Jolie (Yvelines) et du 10 au 22 décembre, MC 93 de Bobigny (Seine-Saint-Denis).

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