Oncle Vania d’Anton Tchekhov, mise en scène de Rimas Tuminas
Oncle Vania d’Anton Tchekhov, mise en scène de Rimas Tuminas (en russe sur-titré)
«Tu peux très bien chauffer ton poêle avec de la tourbe et construire tes granges avec des pierres ! dit au premier acte, le docteur Astrov. Bon… j’admets que l’on fasse des coupes par nécessité mais pourquoi tout raser? Les forêts russes retentissent de coups de hache. Des milliards d’arbres périssent. Les tanières des bêtes sauvages, les nids des oiseaux se vident ! Les rivières s’ensablent et se dessèchent. Des paysages merveilleux disparaissent pour toujours, uniquement parce que l’homme paresseux n’a pas l’idée de se baisser et de ramasser le combustible à ses pieds! (A Elena) Madame, n’ai-je pas raison ? Il faut être un irresponsable! Un barbare! Brûler dans son poêle toute cette beauté ! Anéantir ce que nous ne sommes pas capables de créer! L’homme a été doué de raison et de force créatrice afin de multiplier ce qui lui a été donné. Mais, jusqu’à présent, il n’a rien fait d’autre que détruire ! Il y a de moins en moins de forêts! Les rivières se dessèchent! Le gibier disparaît! Le climat se détériore! Et de jour en jour la terre devient de plus en plus pauvre et de plus en plus laide… » Un discours visionnaire mais malheureusement rien n’a changé et le diagnostic actuel est encore plus alarmant!
Ivan Voïnitski: l’oncle Vania (Sergey Makovetsky, une vedette en Russie) a pour beau-frère, le professeur Sérébriakov qui vient d’arriver avec sa nouvelle femme Elena au domaine de Sonia, la fille de ce professeur et la nièce de Vania (exceptionnelle Eugenia Kregzhde). Avec son oncle Vania, elle exploite le domaine et est amoureuse depuis longtemps d’Astrov (Artur Ivanov, très juste), un médecin misanthrope: «Je n’aime pas les gens !» Passionné de nature, il séduit Elena dont l’oncle Vania est tombé amoureux. Ici, vivent aussi au domaine : la vieille Marina, la nourrice de Sonia, Maria, sa grand-mère et la mère de Vania, et la belle-mère du professeur Sérébriakov mais aussi Téléguine, un propriétaire ruiné. Les comédiens interprètent pleinement cette pièce jouée dans le monde entier.
«Les acteurs doivent être à la fois acrobates et philosophes», dit Rimas Touminas, directeur du théâtre Vakhtangov qui leur demande un engagement total et cela se sent en particulier chez les interprètes de Sonia et d’Astrov qui mènent jusqu’au bout ce bal tragi-comique des sentiments : «Nous avons compris, dit-aussi le metteur en scène, que le théâtre ne peut rien changer, alors nous avons décidé de rire d’une joie désespérée, et cette approche nous sauve du quotidien et de sa brutalité. »
Ce qui crée une véritable unité de jeu entre les acteurs qui portent fièrement à l’étranger leur vision du théâtre. Pantomime, danse, musique avec la belle partition de Faustas Latenas. Un spectacle total où l’émotion transparait dans chaque silence entre les conversations. Les personnages sont tous isolés dans leurs contradictions et leurs amours mais comme le dit Astrov avec humour: «Nous parlons depuis cinquante ans, il est temps que cela cesse. » Le public se souviendra longtemps de la tristesse de Sonia et du hurlement de bête du docteur Astrov quand il quitte le domaine. Cet Oncle Vania donc chaque représentation ici a affiché complet, porte haut les qualités du théâtre russe…
Jean Couturier
Le spectacle s’est joué du 27 septembre au 3 octobre, au Théâtre Marigny, Carré Marigny, Paris (VIII ème). T. : 01 76 49 47 12.