Réouverture du Théâtre Legendre, une nouvelle salle de la Scène nationale d’Evreux
Le Tangram, un jeu chinois à sept pièces qu’il faut combiner pour obtenir des figures équilibrées, a donné son nom à un Etablissement Public de Coopération Culturelle (E.P.C.C. ) soit un ensemble de lieux de spectacle et de cinéma. Avec, à Evreux : une Scène nationale dotée d’un théâtre et d’un studio de répétition, le Kubb, un centre de musiques actuelles en voie de labellisation et deux salles de spectacle au Cadran-Palais des Congrès. Mais aussi et appartenant à cette même Scène Nationale, un autre salle à Louviers.
Valérie Baran, la directrice nommée en juillet dernier, aura donc à gérer cinq entités soit sept salles. Avec une équipe de trente-trois personnes et un budget de quatre millions trois cent mille euros… Elle arrive porteuse d’un nouveau projet, après avoir quitté à regret le Tarmac, (ex T.I.L.F. fondé par Gabriel Garran), unique scène internationale francophone à Paris que le ministère de la Culture a attribuée à Théâtre Ouvert dont le bail Cité Véron n’a pas été renouvelé. Dans un premier temps, Valérie Baran entend consolider le travail de son prédécesseur, Christian Mousseau-Fernandez, remercié brutalement lui aussi après trois ans d’un mandat consacré à la préfiguration de cet ensemble. «J’aime les paris, dit-elle. J’aurais à donner une identité propre à chacune des pièces de ce puzzle et à développer des synergies entre elles.»
Le Kubb accueille des concerts de musiques actuelles dans ses deux salles de 600 et 120 places, avec, au programme : variétés jazz, rock, world… Son équipe accompagne les musiciens de la région: professionnels, amateurs en voie de professionnalisation, jeunes… avec un studio d’enregistrement et trois pour les répétitions. Le directeur-délégué, Alban Legrand, se réjouit de construire des projets avec les pôles théâtre et cinéma et il participera, dès 2021 au festival international des AnthropoScènes. Il interrogera les grandes mutations environnementales et humaines, en réunissant l’ensemble des établissements du Tangram. «Le rapport de l’homme à la nature, à l’environnement, m’intéresse, nous sommes dans la ville la plus arborée de France », précise Valérie Baran qui va organiser des résidences d’artistes pour des créations. Les auteurs de théâtre auront leur place dans ce dispositif avec sans doute un comité de lecture, comme au Tarmac… Elle prévoit de créer aussi des focus à l’international: « Nous sommes seulement à quarante-cinq minutes de Paris, ce qui devrait faciliter la circulation des artistes.» Mais Valérie Baran n’oublie pas le territoire de l’Eure et a déjà mis en place de nombreux projets entre Evreux et Louviers. Et les collaborations se multiplient avec les théâtres voisins de Conches, Gisors, le Val-de-Reuil, la vallée de l’Andelle, Verneuil, Vernon…
Du sycomore à la scène
Heureux présage : l’arrivée de Valérie Baran coïncide avec la réouverture de ce petit théâtre à l’italienne fermé pendant treize ans, les travaux ayant fluctué et les architectes ayant changé au gré des municipalités successives… Aujourd’hui rénové et doublé d’une extension, le théâtre retrouve son état initial avec une salle de 340 places, redorée et repeinte, une arrière-scène agrandie et une immense verrière ouvrant sur la place. Jouxtant la mairie, la médiathèque et la Maison des Arts, ce bel édifice doté d’une architecture alliant l’ancien et le contemporain, ramène la culture au centre d’une ville qui fut détruite à 80 % par les bombardements pendant la deuxième guerre mondiale.
Jacques Falguières avait pris la tête d’une modeste salle municipale en 1978. Il en a fait une Scène nationale et y a laissé son empreinte de metteur en scène jusqu’en 2009. Son fils Simon, un jeune auteur-metteur en scène (voir Le Théâtre du blog) qui a grandi dans ces murs, nous fait l’honneur des lieux. Nous le suivons ainsi que la chorégraphe Ambra Senatore pour Du sycomore à la scène, une déambulation en hommage à l’arbre tricentenaire qui veille sur la place. On nous emmène du sous-sol à la scène, par une passerelle vertigineuse qui relie l’annexe moderne à l’ancien bâtiment puis aux loges…
Arrêt émouvant dans un studio de répétition sous les combles : une maquette défraîchie, réplique de l’ancien théâtre, castelet récupéré parmi les accessoires d’autrefois, s’ouvre soudain sur un décor miniature rouge et or où un vieil acteur nous lit un texte poétique : «Et l’homme qui habitait les mots rêvait qu’il était une homme qui rêvait qu’il habitait les mots, et l’homme qui habitait les mots, etc ». Certains spectateurs reconnaissent Yves-Robert Viala qui joua souvent dans ce théâtre.
Ce parcours se termine sur le plateau, derrière le rideau de fer qui va s’ouvrir sur la salle. Assis parmi les fauteuils vides, Jacques Falguières est là, aussi ému que son fils et que les spectateurs qui avaient, pour la plupart, vu sur cette scène ses mises en scène mémorables comme Le Mot rideau ne tombe jamais ou ce qu’Alice trouva derrière le théâtre, une adaptation-marathon d’Alice au pays des merveilles par Yves-Robert Viala, en douze heures… Sans renier le passé et après quelques années trop mouvementées, l’équipe du Tangram se prépare à trouver ses marques au sein de cet établissement public pour le moins complexe…
Mireille Davidovici
Le Tangram : T. 02 32 29 63 32 . letangram.com
A Évreux (Eure) :Théâtre Legendre, 1 square Georges Brassens , le Kubb 1, avenue Aristide Briand et Le Cadran, 1 boulevard de Normandie.
A Louviers (Eure) : Le Grand Forum, Boulevard de Crosne : T. 02 32 25 23 89