
©Pierre Grosbois
Talents A.D.A.M.I. : Paroles d’acteurs
Uneo uplusi eurstagé dies mise en scène de Gwenaël Morin
Mettre en scène dix acteurs de moins de trente ans: une commande passée chaque année par l’A.D.A.M.I. Gwenaël Morin y répond selon son approche personnelle du théâtre: «Le théâtre n’est pas un média, c’est une expérience du monde qui passe par cette chose élémentaire: parler, danser, chanter.» Comme aux acteurs de sa compagnie, il a demandé aux jeunes gens sortis depuis peu d’une école de théâtre mais déjà expérimentés, de revenir à ces fondamentaux et de «se défaire de leur ego ». Cette mise à nu a été pour eux une expérience radicale et porte ses fruits. Ils nous livrent trois pièces d’un heure avec trois morts, tirées de tragédies de Sophocle: Ajax, Héraklès d’après Les Trachiniennes et Antigone soit: une ou plusieurs tragédies, si l’on veut bien déchiffrer le titre.
Dans Ajax, trois comédiens se partagent les rôles principaux comme autrefois chez Sophocle, accompagnés par un chœur de sept personnes sous la conduite d’un choryphée (Sophia Negri). La distribution a été tirée au sort mais avant cet été pour laisser le temps d’apprendre leurs rôles aux comédiens sélectionnés parmi cinq cent cinquante candidats… La logique des entrées et sorties veut que Teddy Bogaert joue Ajax et son frère; Diego Mestanza : Ulysse et l’épouse d’Ajax ; Lola Felouzis, elle, interprète Ménélas, Agamemnon et Athéna. « Je n’aurai jamais eu l’occasion, dit-elle, de jouer ces personnages masculins et j’ai beaucoup appris.» Pour équilibrer la distribution, elle figurera dans le chœur des autres pièces, où chaque choreute d’Ajax interprétera, à son tour, un des protagonistes.
«Le théâtre qui délivrerait un message est une décadence, dit Gwenaël Morin. » (…) « Je veux transmettre une capacité d’engagement, une détermination, une forme de courage à douter et à faire du théâtre avec ce qui reste, une fois qu’on a tout brûlé.» Et il compte donc sur l’énergie des interprètes et du texte comme pour ses précédents spectacles. Technique éprouvée avec les Molière de Vitez et les pièces de Shakespeare qu’il a montées en rafale, au “théâtre permanent“ du Point du jour, à Lyon, qu’il dirigea de 2013 à 2019 (voir Le Théâtre du Blog ).
Ici, la traduction d’Irène Bonnaud va droit au but mais conserve un peu de la poétique grecque à laquelle les comédiens ne s’attardent pas. Ils restent dans l’action et lancent leurs répliques avec vigueur et une diction parfaite. Le chœur, toujours mobile, rythme les différentes séquences, au son d’un tambour et d’une flûte. Sur le plateau nu aucun accessoire, et pas de costumes pour les acteurs: les paroles prennent alors tout leur relief. Dépouillée d’une gestuelle inutile, engagée à jouer seulement ce qui est écrit, sans aucun sous-entendu dramaturgique, la troupe éphémère d’Ajax se montre d’une efficacité rare. On peut apprécier l’énergie de chacun dans ce bel exercice collectif. On aimerait que l’aventure se poursuive au-delà des deux représentations prévues pour chaque spectacle.
Mireille Davidovici
Festival d’automne: jusqu’au 12 octobre, Atelier de Paris, Cartoucherie de Vincennes, rue du Champ de manœuvre, Vincennes (Val-de-Marne). T. 01 41 74 17 07.