Compagnie de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Nichet.

 Compagnie de Samuel Beckett, mise en scène de Jacques Nichet.

 369D5C51-6346-4F60-B4BF-2BC0E1F0A260Jacques Nichet a disparu bien trop tôt cet été et  dimanche dernier, un bel hommage lui a été rendu au Théâtre de l’Aquarium qu’il fonda avec Didier Bezace et Jean-Louis Benoît. Son dernier spectacle a été créé en octobre  2018 au Théâtre de la Cité à Toulouse avec Thierry Bosc: le quatrième  larron qui fut aussi à l’origine de l’Aquarium. Après la diffusion d’archives visuelles et sonores sur l’engagement théâtral de Jacques Nichet et les témoignages de nombreux amis, nous avons découvert avec émotion Compagnie avec, bien sûr, Thierry Bosc.

Cette  nouvelle écrite en anglais et publiée par John Calder en 1979, est traduite en français par l’auteur et publiée par les éditions de Minuit  un an plus tard avec Mal Vu Mal Dit et Worstward Ho, des nouvelles réunie pour former Nohow On (1989). Cela  commence par: « Une voix parvient à quelqu’un dans le noir. Imaginer. « Cette voix, par intermittence, écrit Jacques Nichet, égrène un passé et les  souvenirs d’un homme invisible. Mais quelqu’un, perdu dans la même obscurité, surprend ces murmures qui s’adressent à cet inconnu  et le voilà qui s’efforce, à l’aveuglette, de saisir cette énigme. L’homme multiplie les hypothèses, les épuise les unes après les autres. A qui appartient cette voix lui permettant de briser sa solitude  et qui  lui tient de plus en plus compagnie ? » «Tu vis le jour tel et tel jour et maintenant, tu es sur le dos dans le noir. » « Tu finiras tel que tu es. »

« L’emploi de la deuxième personne est le fait de la voix. Celui de la troisième celui de l’autre. Si lui pouvait parler à qui et de qui parle la voix il y aurait une première. Mais il ne le peut pas. Il ne le fera pas. Tu ne le peux pas. Tu ne le feras pas.» «La voix à elle seule tient compagnie mais insuffisamment. » Du bruit inutile encore.

Scénographie soignée de Philippe Marioge et belles lumières de Georges Corsia. De Thierry Bosc, assis dans l’obscurité, on distingue le seul visage éclairé. Il a une parole claire et merveilleusement maîtrisée. Or, c’est bien d’un homme allongé sur le dos dans le noir dont il s’entretient, auquel il semble s’adresser comme à lui-même.. Un autre qui serait soi. Dans un soliloque patient qui va s’ouvrir en dialogue sur sa propre expérience du monde. Les souvenirs s’accumulent à un rythme modéré donné à cette autobiographie qui ne dirait pas son nom : comme cette image mélancolique d’enfance où le garçon se voit encore donner la main à sa mère, tandis qu’ils sortent d’un magasin. Réminiscence qui se plaît à renaître, lumière éternelle d’une mémoire enfouie. Comment peut-on être conscient à soi et au monde en même temps ? Ne ressent-on pas un écart vertigineux, une distance, un abîme de soi à soi ? Dialogue-t-on avec son âme, ou assiste-t-on, près de soi, à un entretien extérieur, le corps faisant foi de toutes les aventures et expériences personnelles ?

 La « compagnie » évoque une présence, une complicité. Mais un homme seul est toujours en mauvaise compagnie, écrivait  Paul Valéry dans L’Idée fixe. Mais pas du tout pour Samuel Beckett pour qui c’est bon. Tel est le sort des hommes du XXI ème siècle, obligés à vivre leur vie seuls, sans nul dieu et abandonnés à l’aléatoire. En consentant à un temps qui nous est dévolu, en acceptant une mort plus ou moins proche, mais cela relève d’une mûre réflexion. Il reste toujours l’espoir et les promesses de rencontres malgré les jours qui passent…

Thierry Bosc incarne avec brio cette figure d’envergure, au service des mots dont la résonance traduit au mieux l’épreuve beckettienne. Avec une voix paisible, une intonation précise et  un rythme mesuré, mise au service d’un art épanoui de dire et de se dire.

 Véronique Hotte

Spectacle vu le 13 octobre, au Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes, route du Champ de Manœuvre,  Vincennes (Val-de-Marne). Métro : Château de Vincennes

Le texte est publié aux  éditions de Minuit.

 

 

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