Play war,mise en scène et interprétation d’Alexandre Finck et Adrien Fournier
Play war, mise en scène et interprétation d’Alexandre Finck et Adrien Fournier
«C’est, disent les auteurs de ce spectacle de mime, un peu comme un hommage à notre enfance nourrie de cinéma américain, hollywoodien. Tous ces films d’aventures, d’action, de guerre. Tous ces films qui nous ont fait rêver petits. Eh! Oui, on peut rêver sur le thème de la guerre! Il faut rêver la guerre, il faut rire, pleurer, vivre. Montrer qu’on est vivant surtout dans un contexte de mort. »
Sur le plateau rien qu’un grand tulle où seront projetés des paysages de jungle et des dessins de fauves mais aussi à la fin, une belle giclée de sang façon B.D. revue par Roy Lichtenstein. Les vidéos d’Adrien Fournier donne une couleur à cette guerre du Viet nam faite par de jeunes Américains. Ce qu’il faut le deviner! Enfin, on comprend vite que ce sont des guerriers en treillis et T. shirt sombres. Sans aucun accessoire, ils marchent au pas ensemble, tombent, courent, tirent au pistolet-mitrailleur dans un univers sonore et musical signé Jules Jacquet et des lumières de Victor Badin. Le tout sans aucune parole avec juste des onomatopées, quelques mots inarticulés et borborygmes. Mais c’est un peu long et répétitif…
Cette réalisation très soignée ne fonctionne donc pas bien, ce que l’on perçoit dès les premières minutes. Que veulent nous dire ces deux comparses? Quand il s’agit de sentiments comme la peur, la joie, l’inquiétude, le soulagement, la surprise, l’affolement… on peut entrer dans cette narration mais pas au-delà de quelques minutes. Le spectacle, qui souffre d’un manque évident de dramaturgie, fait du surplace quelles soient les bonnes intentions de leurs auteurs. Quid de la vie et des pensées de ces jeunes gens jetés dans l’enfer d’une guerre? C’est la grande difficulté d’une forme narrative muette d’une heure et quelque et là, désolé, on décroche assez vite. Peut-être ne sommes-nous pas assez attentifs à la gestuelle ? Peut-être aussi est-ce mission impossible de raconter une guerre sous forme de mime, sinon dans un sketch de quelques minutes et sûrement pas, sur soixante minutes. Ces deux jeunes mimes ont une remarquable maîtrise de l’espace mais pas celle du temps… comme cela arrive souvent.
Tiens, une belle histoire à propos d’attention portée à un spectacle. Marcel Marceau, grand mime devant l’éternel (1903-2007) avait eu, lui, l’intuition de s’en tenir à de petits standards successifs et donc courts avec Bip, son fameux personnage. Quand nous étions en troisième -il y a de cela quelques décennies- notre marraine nous avait emmenés dans un vrai et beau théâtre ancien du boulevard qui s’appelait L’Ambigu où nous voulions voir absolument un spectacle de Marcel Marceau. (Pauvre Ambigu ensuite détruit à cause de la bêtise et la cupidité pour être transformé en bureaux!)
Mais le déjà célèbre mime avait commis l’imprudence de monter juste avant les aventures en solo de son Bip, une histoire compliquée Le Loup de Tsu Ku Mi genre conte extrême-oriental à plusieurs personnages auquel le public visiblement ne pigeait rien. A l’entracte, dans le hall du théâtre, le mari de notre dite marraine, lui, se mit à raconter et de façon détaillée, toute l’histoire à des spectateurs étonnés par sa compréhension du scénario. Pourquoi cet homme visiblement comme tout le monde et assez éloigné de l’art de la scène, avait-il réussi à s’emparer de cette histoire muette? Il n’avait aucune prédisposition mais… était totalement sourd! Quelle leçon de théâtre! Quelque vingt ans plus tard, le génial Bob Wilson créait son très célèbre spectacle muet qui révolutionna le théâtre contemporain en mettant l’accent sur le silence et qu’il appela… Le Regard du Sourd.
Aller voir Play war ? Oui, si vous êtes un professionnel et si vous avez envie de découvrir ces jeunes mimes qui ont une bonne technique. Et Adrien Fournier est aussi un concepteur d’images vraiment doué. Ce travail encore en cours peut acquérir la dimension d’un vrai spectacle… à condition de resserrer les boulons, de mieux le construire en courtes séquences, de l’aérer musicalement et surtout de le rendre plus explicite… Bref, il y a encore du travail. Donc, à suivre.
Philippe du Vignal
Jusqu’au 20 octobre, Théâtre de l’Opprimé, 78 rue du Charolais, Paris (XII ème).