Yvona, réalisation originale d’Elisabeth Czerczuk, librement inspirée d’Yvonne, Princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz

 

Yvona, réalisation originale d’Elizabeth Czerczuk, librement inspirée d’Yvonne, Princesse de Bourgogne de Witold Gombrowicz

61C150CD-EE5F-4314-97BA-B9AEE2915AAA «Là où, dit Elizabeth Czerczuk, les précédents spectacles, Les Inassouvis, Matka ou encore Dementia praecox 2.0, interrogeaient la folie, la mort, l’aliénation, Yvona se concentre sur l’homme et la société.
Le spectacle a pour but de permettre au spectateur (sic) d’entendre ce cri désespéré d’une société en perdition. » (…) «La pensée d’Elizabeth Czerczuk se trouve en phase avec celle de Gombrowicz, (sic) détecteur hypersensible de ce qui se passe sous la métamorphose violente et continue des choses. Un Witold polonais souvent visionnaire et nourri de culture française analytique : n’est-ce pas précisément ce confluent des cultures où Elizabeth paraît puiser son oxygène et le merveilleux courage si singulier dont elle fait preuve. » (sic) «Spectacle après spectacle, la compagnie Elizabeth Czerczuk poursuit sa ligne artistique qui consiste à faire vivre aux spectateurs une expérience sensorielle, à lui donner accès à l’art total, par le mouvement, la chorégraphie, la musique et la lumière. » (sic). Vous avez dit, un poil suffisant et prétentieux ?  

Ce «théâtre chorégraphié avec vingt-deux interprètes : danseurs, comédiens et chanteurs » est accompagné d’une soupe sonore fatigante, à base de musiques de Krzysztof Penderecki, Wojciech Kilar, Henryk Górecki… et un petit coup (bien facile et qui marche à tous coups quelle soit la médiocrité du spectacle!) du Requiem de Mozart.  Une œuvre de madame Czercuk qui prétend avoir fait ses armes en Pologne avec Jerzy Grotowski, Tadeusz Kantor et Henrik Tomaszeski!!! Et pour bien le souligner, il y a dans le bar du théâtre une grande et belle photo de Kantor et une affiche polonaise de sa célébrissime Classe morte.
La décoration du théâtre de madame Czerczuk, depuis que nous vous avions rendu compte de Matka, n’a guère changé. Il y a toujours un berceau en bois avec plein de poupées, des chandeliers aux bougies allumées un peu partout, des mannequins en porte-jarretelles noirs et des bas rouges.
Dès le début du spectacle, rien n’est dans l’axe et on est autorisé à entrer dans la salle empestée de fumigènes et toute éclairée en rouge… après une demi-heure d’attente et sans aucune excuse. Madame Czerczuk,  dans le rôle-titre bien sûr, enfermée dans une boîte en tissu plastique translucide, toise superbement le public qui monte les quelques marches conduisant à un grand praticable où il y aura aussi des moments de spectacle  où le public doit passer pour s’asseoir…
Mais madame Czerczuk ne doit pas avoir entendu parler du décret 65-48 sur les garde-fous obligatoires que connaissent bien les régisseurs de théâtre toujours prudents et cette scène-salle est un danger évident en cas de panique. Bravo!
Puis une sorte de ballet commence, ballet que madame Czerczuk nous resservira plusieurs fois… Une dizaine  de jeunes femmes déboule du fond du plateau très pentu sous des éclairages rasants rouges, avec fréquentes giclées de fumigène. Comme les mannequins du hall, elles sont toutes en guêpière noire et bas rouges. Sans doute une obsession de madame Czerczuk… Pourquoi pas mais c’est laid, et concevoir un costume érotique n’est pas chose des plus faciles. Quant au peu de texte de Gombrowicz, il est sans cesse couvert par la musique, et  les danseuses comme les acteurs, criaillent sans arrêt.

Il s’agit non d’une « réalisation originale » mais d’une vague réécriture de cette pièce délirante souvent montée en France (voir Le Théâtre du Blog) où, dit Witold Gombrowicz: « Le Prince Philippe, héritier du trône, rencontre une fille sans charme…Yvona est empotée, apathique, anémique, timide, peureuse et ennuyeuse. Dès le premier instant, le Prince ne peut la souffrir, elle l’énerve trop ; mais en même temps, il ne peut pas supporter de se voir contraint à détester la malheureuse Yvona. Et une révolte éclate en lui contre les lois de la nature qui commandent aux jeunes gens de n’aimer que les jeunes filles séduisantes. « Je ne m’y soumettrai pas, je l’aimerai ! » Il lance un défi à la loi de la nature et prend Yvona pour fiancée. Introduite à la cour royale comme fiancée du Prince, Yvona y devient un facteur de décomposition. » (…) « La Cour n’est pas longue à se transformer en une couveuse de monstres. Et chacun de ces monstres rêve d’assassiner l’insupportable Yvona. La Cour mobilise enfin ses pompes et ses œuvres, sa supériorité et ses splendeurs, et, de toute sa hauteur, la tue… »

Ici, dans ce machin « librement inspiré de Gombrowicz », les jeunes femmes reviennent sans arrêt comme un présence insidieuse et diabolique. Mais il y aussi de nombreux autres personnages. Entre autres, un curé, en grande soutane noire -un emprunt ou une citation évidente du formidable Wielopole, Wielopole de Tadeusz Kantor -les bras de cette soutane sont en plastique transparent comme les fauteuils du bar du théâtre: encore une obsession de la metteuse en scène…
Soyons honnêtes: il y a dans ces ballets successifs -et souvent plus qu’inspirés, voire copiés-collés de la grande Pina Bausch- un petit progrès par rapport à Matka. Et même quelques belles images.  Et émouvant, le son cristallin de la grosse clochette que brandissait un enfant de chœur précédant, encore dans les années cinquante, quand un prêtre avec son étole violette, allait à pied donner l’extrême-onction à un mourant.
Mais bon, tout ce catalogue d’images, bien conventionnelles à prétention surréaliste et érotico-métaphysique ne fonctionne pas, même augmenté de quelques beaux chants. Et il ne peut suffire à faire un spectacle… Vous aurez sans doute compris qu’il est inutile de vous déranger. Et le grand Gombrowicz méritait mieux que cette inodore et vulgaire mise en scène voisine du degré zéro..

Reste à savoir qui peut avoir le courage et surtout les moyens de financer une chose aussi ennuyeuse signée Elisabeth Czerczuk, avec autant de monde sur le plateau…Mystère! En ce soir de première, le public, surtout polonais, a applaudi poliment. Le tarif plein est à 38 € et à ce prix-là, on ne voudrait pas être radin, cela fait quand même cher de la minute mais cet « événement exceptionnel »  joué une quinzaine de fois, vaut largement le coup. En effet, écoutez bien, bonnes gens: « La démarche artistique d’Elizabeth Czerczuk est d’élaborer une nouvelle forme de théâtre qui correspond à l’élargissement de la pensée devenue la priorité vitale de notre temps. Elizabeth Czerczuk va vers le chemin d’un théâtre de danger, passionnel, convulsif et cathartique. Chaque représentation est un acte qui ne laisse pas le public sortir indemne. »  (sic) Puisque madame Czerczuk vous le dit… Bref, nous vivons une époque moderne, comme disait autrefois Philippe Meyer à France-Inter…

Philippe du Vignal

Théâtre Elizabeth Czerczuk, 20 rue Marsoulan, Paris (XII ème). Jusqu’au 21 décembre
, les jeudis et samedis. Et les dimanches 1er et 15 décembre. 

 

 

 


Archive pour 23 octobre, 2019

Le 20 novembre de Lars Norén, mise en scène de Laurent Fresnais

Le 20 novembre de Lars Norén, mise en scène de Laurent Fresnais

LE 20 NOVEMBRE Seul en scèneEn 2006, Sébastian Bosse un Allemand de dix-huit ans tirait sur les élèves et les professeurs de son ancien collège d’Emsdetten faisant dix-sept blessés par balle, puis se tuait; dans son testament, il annonçait son suicide car sa vie, selon lui, n’avait aucun sens. On a retrouvé près de son corps, deux armes à feu au canon scié, des explosifs attachés à sa ceinture et un couteau. Le dramaturge suédois écrira ce monologue quelque temps après la fusillade, en s’inspirant d’un journal intime laissé par Sebastian Bosse qui avait tout planifié…

Profond désespoir, violente révolte mais aussi haine des autres, de la vie quotidienne…Mais pourquoi et comment en arrive-t-on là ? Aucune réponse rationnelle, aucun mobile valable : le meurtre en série n’a rien de très neuf (déjà Ajax de Sophocle sur un troupeau avec aussi le suicide du héros) mais avec les armes à feu modernes, un homme déterminé et violent peut tuer quelques dizaines de personnes en quelques minutes… Et n’est pas exclusivement masculin: en Allemagne, Marianne Nolle réussit à tuer sept personnes!) Mais est-il vraiment fou ou seulement un perdant parmi d’autres? La société urbaine de consommation  fabrique-t-elle ce type de meurtrier ? Le discours qu’il tient, a, en tout cas, quelque chose de logique : il n’accepte pas le monde où il vit et où l’individu est soumis à un parcours obligatoire et formaté dès qu’il entre dans le cycle scolaire fondé sur une totale hypocrisie et finalement sur une violence feutrée mais permanente: E.F.T.R.M. École, Formation, Travail, Retraite, Mort. Donc sans intérêt et, dit-il, «Personne n’est innocent». Lars Norén met le doigt où cela fait mal, en posant la question en filigrane : et si Sebastian était notre frère, notre fils ou petit-fils… Et l’écrivain nous renvoie habilement à nos responsabilités et à nos haines de toute sorte, même si elles sont diluées. Pas de nom, ni de prénom, pas d’indication de lieu mais cela se passe en Allemagne… Pour l’auteur suédois, jamais bien optimiste ! vivre dans la société occidentale actuelle n’a rien d’une promenade de santé… et Le 20 novembre, une fiction fondée sur un fait réel, est une salutaire piqûre de rappel. Et le monologue est d’une crudité exceptionnelle : « Si j’arrive pas à trouver un sens à la vie/je vais de toute façon trouver un sens/à la mort/. Mais je partirai pas seul. » (…)  « Les nazis /Les hip-hopers /Les Turcs/les putes/Les fonctionnaires/Les gros porcs de flics/Les protestants/et les catholiques/Vous me faites gerber/Faudrait vous mener à l’abattoir. »: « Y a quelqu’un/qui veut dire quelque chose/avant que je parte ? »

 Sur le plateau, juste une petite table avec un projecteur-relais pour diffuser quelques mots tapés depuis le portable de Cédric Welsch seul en scène mais aussi des images un peu floues  en noir et blanc de caméras de surveillance montrant des élèves d’un collège se cachant sous des tables lors de l’attaque d’un tueur en série. Glaçantes… « Nous avons élaboré, dit Laurent Fresnays, une mise en scène permettant de voyager de l’une à l’autre, créant ainsi une ambiguïté propre à capter l’attention, et provoquer l’introspection du spectateur.  Sébastian est seul contre tous. Le comédien est seul face au public. Livré à lui-même, sans autre artifice que l’espace vide et la lumière, il doit lui aussi, à chaque représentation, faire ce périple intérieur et se confronter à ses démons. Seul maître à bord, il entraîne son auditoire au gré de sa volonté, mais partage avec lui la réalité de l’instant, la réalité de ce personnage de cauchemar, de façon concrète, ici et maintenant, pour une expérience théâtrale à part. »

 Oui, mais si cela fonctionne à peu près au début, Cédric Welsch a du mal à nous entraîner ensuite dans ce voyage intérieur, notamment quand il pose des questions au public. Et pourquoi le metteur en scène le fait-il parler de longues minutes sur trois marches d’escalier côté jardin dans la pénombre, et même si le texte comme tous ceux de son auteur est d’une rare qualité d’analyse, on reste un peu sur sa faim. Et malgré l’aération que procurent des images comme celles de cette photo de classe ou d’un jeune couple en vacances avec leur bébé, le spectacle a du mal à rester convaincant et fait du sur-place. En cause : surtout une direction d’acteurs et un éclairage approximatifs. On a vu ce texte séduisant mais difficile à monter, être mieux traité…  

Philippe du Vignal

 Théâtre La Flèche, 77 rue de Charonne, Paris (XI ème) jusqu’au 29 novembre.

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