Les Mille et Une Nuits, librement inspiré du livre éponyme, mise en scène et texte de Guillaume Vincent

Théâtre de l'Odéon Saison 2019-20 Compagnie Midi Minuit " les Milles et une Nuit" création de Guillaume Vincent

Les Mille et une Nuits, librement inspiré du livre éponyme, mise en scène et texte de Guillaume Vincent

Lampes magiques, tapis volants, vizirs et califes, femmes lascives autour d’une fontaine…  Des contes qui ont bercé notre enfance. Guillaume Vincent revisite ce merveilleux tout en bousculant les clichés exotiques des Mille et une Nuits : «Aujourd’hui qu’en est-il de cet Orient de carte postale, à la fois exotique et sensuel? Bagdad, Bassora, Mossoul, Le Caire, les villes que parcourent les Nuits ne nous évoquent plus ces romances fantasmées … mais des images de guerre, de révolutions, de migrations qui sont aussi de nouveaux fantasmes. » Il nous ouvre un livre d’images contrastées qui s’enchâssent selon la structure du recueil.

On baigne d’emblée dans le charme enchanteur de ces histoires millénaires avec un décor de conte de fées: une sorte de salle d’attente ceinte de rideaux à paillettes, de jeunes mariées en robe blanche immaculée disparaissent l’une après l’autre derrière une porte … Des cris sourds nous parviennent, du sang souille les murs : un roi cruel,  sacrifie une vierge chaque nuit, pour se venger d’une épouse adultère. Vient le tour de Schéhérazade. La jeune fille sauve sa tête en lui racontant des histoires qu’elle interrompt à l’approche du jour. Pour connaître la suite, le Barbe Bleue l’épargne… L’imagination de la belle n’a pas de limites … «Dire «mille nuits », c’est parler d’une infinité de nuits, de nuits nombreuses, innombrables. Dire «mille et une nuits », c’est ajouter une nuit à l’infinité des nuits, écrivait Jorge-Luis Borges. »

 Le récit-cadre des Mille et Une  Nuits, c’est-à-dire l’histoire du roi avec Schéhérazade, offre au metteur en scène une structure pour naviguer d’un conte à l’autre et bâtir un spectacle composite de seulement deux heures quarante (avec entracte). Dans ce corpus volumineux (seize tomes), il a choisi des histoires d’amour, souvent osées et privilégie la veine comique.

Cette adaptation théâtrale part de la traduction du docteur Joseph-Charles Mardrus, publiée au début du XX ème siècle qui amplifiait, en langue fleurie, l’érotisme des récits et connut de ce fait, un grand succès. Largement réécrite, tout en conservant quelques poèmes et maximes, la version scénique revendique autant de registres qu’en proposent ces contes, issus de la tradition orale de plusieurs pays: drôle, sordide, poétique, merveilleux, libertin, voire paillard. Le spectacle offre une diversité formelle dans un tourbillon de séquences et n’hésite pas à jouer sur plusieurs modalités de représentation: cabaret, drame romantique, vaudeville, grotesque…) et des esthétiques hétérogènes: gore, bande dessinée, comédie musicale, stand up, hip hop… ). Le mièvre, le kitch, le vulgaire ou le sentimental se tissent dans un environnement historique indéfini, ou résolument contemporain.

Dans la première partie, Schéhérazade (Andrea El Azan) entame une succession de récits où elle joue aussi un rôle actif. L’épisode à tiroirs Les Trois Dames et le Portefaix offre un beau morceau de bravoure : ces femmes guerrières, indépendantes et vouées à la chasteté, mais d’une grande impudeur, n’ont pas froid aux yeux, contrairement aux victimes du roi sanguinaire…

Avant l’entracte, la légendaire chanteuse Oum Kalthoum s’invite, transition vers une deuxième partie qui montre le Moyen-Orient sous un jour bien différent. Les belles dames du temps jadis sont des migrantes, travailleuses précaires, chantant, nostalgiques, leur pays perdu;  le personnage pittoresque du Portefaix (Moustafa Benaïbout) devient un comédien au chômage…  Ce revirement donne lieu à des séquences plus ou moins bien réglées et le spectacle se découd, s’emballe avec des scènes jouées simultanément, entrecoupées de sketches : l’on  perd un peu le fil …  Avec des thèmes d’aujourd’hui comme l’exil ou la xénophobie, thèmes récurrents de bien des contes. Ou encore la condition des femmes, avec, en miroir des féminicides dans la première partie, l’émasculation d’un amant inconstant, transposition moderne du poétique et déchirant Aziz et Aziza … Belle manière de refermer ces Mille et Une Nuits

 L’espace scénique modulable, les décors et les éléments escamotables de François Gauthier-Lafaye définissent de multiples aires et styles de jeu. Cette scénographie astucieuse permet une mise en place rapide des tableaux successifs. Nous retrouvons ici l’humour et la vivacité de Songes et Métamorphoses d’après Shakespeare et Ovide (voir Le Théâtre du Blog). Les comédiens de la troupe dont Emilie Incerti-Formentini, remarquable dans Rendez-vous Gare de l’Est (voir Le Théâtre du Blog), sont plus à l’aise dans l’imagerie de la première partie que dans la seconde, où le rythme se bouscule. Reste un voyage déroutant entre Orient et Occident, un nouveau regard sur ces anciennes fables.

Mireille Davidovici

Spectacle vu le 16 octobre à Bonlieu, Scène nationale d’Annecy (Haute-Savoie)

Du 6 novembre au 8 décembre, Odéon-Théâtre de l’Europe, Paris (VIème).
Les 13 et 14 décembre,  Maison de la Culture d’Amiens (Somme);  les 19 et 20 décembre, Espace Malraux, Chambéry (Savoie).
Les 7 et 8 janvier, Comédie de Valence (Drôme) ; les 15 et 16 janvier, Centre Dramatique National de Besançon (Doubs) ; les 21 et 22 janvier, La Filature-Scène nationale, Mulhouse (Alsace) ; les 26 et 27 janvier, Scène nationale de Châteauroux (Indre).

Du 4 au 8 février, Théâtre du Nord (Nord) ; du 12 au 14 février, Théâtre de Caen (Calvados) ; les 25 et 26 février, Scène nationale d’Albi (Tarn).

Du 3 au 7 mars, Théâtre national de Bretagne, Rennes (Ile-et-Vilaine) ; du 19 au 21 mars, La Criée,  Marseille (Bouches-du-Rhône) ; les 25 et 26 mars, Le Quartz, Brest (Finistère).

 

 

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