Clôture de l’amour de Pascal Rambert, mise en scène d’Andreas Kannelopoulos
Clôture de l’amour de Pascal Rambert, traduction en grec de Nikolitsa Aggelakopoulou, mise en scène d’Andreas Kannelopoulos
L’être humain connaît une profonde crise d’identité, à la recherche d’une introuvable issue et chacun essaie de rebâtir son lien à l’autre, malgré la solitude. Plus qu’un thème, l’altérité est un principe constitutif de tout échange et donc du théâtre contemporain et les dramaturges français traitent souvent de la difficulté de l’être humain à donner du sens à un monde privé de valeurs stables.
Cette pièce créée au festival d’Avignon 2011 a ses origines dans le théâtre de Sénèque avec des tirades-fleuves et suit la tradition du théâtre poétique français. Deux longs monologues au langage érotico-métaphysique rappellent parfois le dialogue du Dealer avec Le Client dans Dans la solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès.
Pascal Rambert met en scène une rencontre entre un homme et une femme, Stan et Audrey, dans une grande salle (un tribunal imaginaire ?). Lui réclame le divorce et expose en détails et avec une forte émotion ses arguments renvoyant à un «procès juridique». Elle, dévoile qu’il ne s’agit pas d’une relation mutuellement définie de la même manière et défend certains principes, révélant un état sentimental et intellectuel, synonyme de l’existence même.
Ainsi, Clôture de l’amour est-elle ancrée dans les tréfonds de l’être humain. Mais le conflit entre Stan et Audrey est tel qu’il aboutira à la fin de leur couple. En d’autres termes, il y a entre l’homme et la femme, une incompréhension, un éloignement. Pascal Rambert tisse la fable de son histoire en partant du personnel pour arriver à l’universel. … Les personnages sont séparés par un océan de contradictions qui paraissent insurmontables et qu’ils se proposent de résoudre. Il s’agit d’une guerre et on s’aperçoit que la dynamique des deux sexes puise sa source dans l’esprit de révolte de l’un contre l’autre.
Clôture de l’amour parle de l’implication de l’être et du paraître dans l’univers de l’autre conscience et il est question plutôt de retrouver la part de soi dans la part de l’autre. Il s’agit d’un déchirement intérieur du couple. Et, en fin de compte, qui sera le vainqueur et le vaincu ? Qui gagnera et qui perdra ? Seule la vie de chacun pourra y répondre. Pascal Rambert n’apporte pas des réponse. Dans un fleuve ininterrompu de mots, dans la brutalité d’un verbe omniprésent et les divagations des amants, se déroule un combat impitoyable. Déclenché comme chez Joël Pommerat, par un manque d’amour qui dresse un mur entre eux. Avec, en lointain écho, les amours des personnages d’Anton Tchekhov qui nous invite à continuer notre lutte pour le meilleur des mondes possibles…
Andreas Kannelopoulos crée un spectacle où le rythme joue un rôle primordial. Dans une salle de danse sans accessoires, Moa Bones, le musicien, debout, guitare à la main, puis au piano, et les comédiens Thomas Kazassis (Stan) et Fenia Schina (Audrey) interprètent le texte avec une gestuelle qui renforce la passion et l’esprit polémique de la parole: le metteur en scène encourage les cris et parfois l’intensité de la voix, sans éliminer le caractère poétique du langage amoureux. Et il a enrichi l’action avec des trouvailles intéressantes comme ce duel avec des rampes fluo. La scène devient ici un vrai ring où masculin et féminin s’épuisent en un jeu exterminateur. On ne peut plus discerner le dominant, du dominé, ni le faux, du vrai, ni le juste, de l’injuste… L’amour ne meurt jamais de mort naturelle, nous dit Pascal Rambert, il meurt parce que nous ne savons pas revenir à sa source…
Nektarios-Georgios Konstantinidis
Théâtre 14, 10 Kallirois avenue, Athènes T. : 0030 693 219 5393.