CIRCa 2019 Festival du cirque actuel, Entretien avec Marc Fouilland
CIRCa 2019 Festival du cirque actuel
Entretien avec Marc Fouilland directeur du pôle national du cirque d’Auch
Ce trente-deuxième festival est le dernier que programme Marc Fouilland qui va quitter la direction du CIRCa, après dix-huit ans de bons et loyaux services. Que de chemin parcouru depuis 1997, date de son arrivée à Auch, au service culturel de la Ville, où il comprend que «le projet à construire ici, doit s’appuyer sur les arts du cirque » !
Le terrain est favorable car l’aventure circassienne débute ici en 1975. L’abbé de Lavenère-Lussan organise un atelier cirque au collège Oratoire Sainte-Marie pour apprendre aux jeunes à vivre ensemble. Le Pop Circus, école de cirque d’Auch, est né et, dès 1989, la ville accueille les rencontres de la Fédération Française des Écoles de Cirque (FFEC) sous divers chapiteaux. En 1996, le Festival ouvre ses portes aux compagnies professionnelles, alors que le « nouveau cirque » commence à émerger. Jusque là gérée par des bénévoles, la structure se dote d’un permanent en 1999. Elle a gardé ce lien avec ces amateurs en mobilisant, pendant le Festival, quelque deux cents volontaires qui assurent, entre autres, l’accueil aux entrées des spectacles ou conduisent les navettes entre les dix-sept salles et chapiteaux disséminés en ville et transfèrent artistes et programmateurs vers les gares et l’aéroport.
À l’arrivée de Marc Fouilland, l’équipe va s’étoffer petit à petit. Il prend en 2001 les commandes de la première Scène conventionnée pour les arts du cirque, baptisée Circuit, qui sera labellisée “Pôle national des arts du cirque Auch-Gers-Midi-Pyrénées » en 2011, sous le nom de CIRCa. Dès 2012, il organise l’installation du CIRC (Centre d’Innovation et de Recherche Circassien) sur le site d’une ancienne caserne. Autour du Dôme de Gascogne, chapiteau permanent pensé pour accueillir les spectacles en frontal ou en circulaire, on trouve une salle de répétition de 480 m2, un restaurant d’insertion (la Cant’Auch), des bureaux, des ateliers et espaces de stockage. Les vastes terrains alentour permettent de dresser des chapiteaux itinérants pendant le festival.
L’équipe compte aujourd’hui dix-sept salariés permanents pour mener, tout au long de la saison, outre le Festival, des actions culturelles et pédagogiques régionales et des résidences de création. « La mission du pôle national comporte des actions en milieu scolaire qui touchent près de 16.000 jeunes du département », précise Marc Fouilland.
Le Festival n’est donc que la partie visible du complexe CIRCa. Cet événement annuel a pour objectif de « mettre en visibilité les artistes », en rassemblant écoles de cirque, artistes professionnels et programmateurs (trois cents cette année !) « La chance du festival, ce sont les rencontres des écoles », dit Marc Fouilland qui définit le cirque contemporain comme : « pratiqué par des artistes qui on suivi des écoles ». Au Festival, on peut voir les travaux de plus de 550 élèves sous l’égide de la FFEC : Fédération Française des Ecoles de Cirque, qui réunit douze fédérations régionales et 136 écoles, soit 27. 000 licenciés de tout âge, amateurs et professionnels…
L’heure est au bilan pour le directeur : « Le public a grandi avec CIRCa : moins de 5.000 au début et plus de 30.000 spectateurs cette année ! Pour la plupart prêts à prendre des risques. « C’est l’un des rares endroits où la diversité des propositions permet aux gens de se laisser surprendre, dit Marc Fouilland. Le public comprend que le cirque d’aujourd’hui est pluridisciplinaire et, par la suite, il peut aller vers la danse et le théâtre. Le langage du corps parle directement. L’artiste questionne sur comment, on prend sa vie en charge. Ici, on veut former un public avec une programmation qui n’enferme pas le cirque dans des formes commerciales mais le met devant des corps engagés d’artistes qui prennent des risques comme cette année, les Suédois de Circus I Love you ou les Italiens du Circo Zoé ( Born to be circus) (…)
Les artistes d’aujourd’hui continuent en effet à prendre des risques sur les formes avec des dispositifs circulaires, frontaux, quadri-frontaux et beaucoup d’inventions d’agrès, d’écritures. Même les compagnies installées, par exemple cette année, pour Moebius, la compagnie XY a dû déporter sa pratique avec la chorégraphie de Rachid Ouramdane. Et Jérôme Thomas a joué son solo (I-Solo) devant six cents spectateurs. »
Les Scènes nationales ont commencé à programmer des spectacles de cirque mais se montrent plus frileuses vis-à-vis de cet art, qu’envers la danse. Et une douzaine seulement de leurs responsables a assisté au Festival. « J’ai fait le choix, dit Marc Fouilland, d’intensifier le nombre de spectacles car les compagnies ont besoin d’être vues pour être diffusées. Il y en a trente-deux cette année dont la moitié sont venues en résidence de création à Auch. » En revanche, il y avait trente-cinq programmateurs étrangers, car le cirque continue à beaucoup tourner en dehors de l’hexagone : « L’Institut Français s’est beaucoup servi du cirque comme passeport de la culture française mais les budgets sont en baisse… »
Pourquoi quitter un CIRCa en plein essor ? « Parce que c’est le bon moment pour moi, dit Marc Fouilland. Avant de me lasser, d’être trop fatigué. Mais je suis très fier du travail accompli et des fidélités que j’ai eues. Par exemple, la compagnie franco-catalane Baro d’evel, que j’ai accompagnée depuis sa sortie d’école, Jérôme Thomas ou encore Christophe Huysman, un auteur de théâtre avec sa compagnie Les Hommes penchés. L’une des chances, quand on travaille dans le secteur, c’est de voir évoluer les artistes, de voir comment on passe de spectacles à une œuvre.» De cet observatoire, il a pu aussi assister à l’évolution et des thématiques et des engagements politiques : « L’écologie, la question des femmes mais aussi celle du genre, posée y compris par les hommes. Car le circassien est quelqu’un qui n’a pas envie d’entrer dans des moules. Il veut réinventer des fonctionnements collectifs.»
Marc Fouilland ne part pas très loin : il prend la tête de l’Adda 32 ( Association départementale pour le développement des arts du Gers), l’un des partenaires privilégiés de CIRCa. De là, il pourra suivre au plus près le devenir d’une structure qu’il a mise en place et fait prospérer, et les artistes qui lui tiennent à cœur. « Ce festival doit rester à la fois un lieu pour les familles et offrir une visibilité au contemporain.» Pour son successeur, dont la nomination interviendra l’année prochaine, il émet le vœu que l’État qui soutient CIRCa depuis le départ, le finance enfin à la hauteur de ses promesses… À suivre.
Mireille Davidovici, le 28 octobre.
Le festival 2019 s’est tenu du 18 au 27 octobre. CIRCa , Allée des Arts, Auch (Gers) T. : 05 62 81 65 00 www.circa.auch.fr