Madame se meurt , spectacle musical conçu et interprété par Marcel Bozonnet et Olivier Beaumont

Madame se meurt, spectacle musical conçu et interprété par Marcel Bozonnet et Olivier Beaumont

Crédit photo : Pascal Victor/ArtcomPress.

Crédit photo : Pascal Victor/ArtcomPress.

 «Vanité des vanités, dit l’Ecclésiaste, vanité des vanités et tout n’est que vanité.» Et ici le prédicateur courroucé reprend le propos biblique. Henriette-Anne d’Angleterre, première femme de Monsieur, Philippe d’Orléans, le frère cadet de Louis XIV est morte en plein bonheur à vingt-six ans. Une personnalité attachante de la Cour  que cette mort brutale bouleversa. Bossuet fit l’oraison funèbre d’Henriette de France (1609-1669), reine d’Angleterre, mère d’Henriette d’Angleterre disparue l’année suivante en 1670, dans des conditions troubles. « Madame cependant a passé du matin au soir, ainsi que l’herbe des champs. Le matin, elle fleurissait ; avec quelles grâces, vous le savez : le soir, nous la vîmes séchée… »

Le spectacle d’Olivier Baumont au clavecin et de Marcel Bozonnet s’inspire de textes de Bossuet, Madame de La Fayette, Saint-Simon évoquant Henriette. Madame de La Fayette (1634-1693), était demoiselle d’honneur de la reine, amie de cette Henriette d’Angleterre dont elle écrira une vie, puisque le mariage de celle-ci avec Monsieur lui a ouvert les portes d’entrée à la Cour. Il y a aussi  quelques extraits des Mémoires de Saint-Simon (1675-1755) pleines d’ironie. Avec des musiques de cour que la très honorable dame a pu entendre en son temps : Michel Lambert, Jacques Champion de Chambonnières, Henry Purcell…

 « Ô nuit désastreuse ! Ô nuit effroyable, où retentit tout à coup, comme un éclat de tonnerre, cette étonnante nouvelle : Madame se meurt, madame est morte! » Phrases  fameuses de L’Oraison funèbre d’Henriette d’Angleterre de Jacques-Bénigne Bossuet (1627-1704), prononcée en la basilique de Saint-Denis, le 21 août 1670  et proférées aujourd’hui à un public fasciné par le jeu et la diction de Marcel Bozonnet. Vêtu de noir, à l’allure coiffé-décoiffé aux blancs cheveux, le tragédien se met au service d’une éloquence lumineuse avec effets rhétoriques: il maîtrisant le code gestuel, pratique l’art de déclamer, fondé entre autres sur le grain de la voix.

 Seul dans la salle noire, le comédien au visage buriné, laisse au spectateur le plaisir de déceler expressions faciales significatives et sentiments universels. L’éloquence sacrée a le pouvoir de rappeler des points de religion, morale et politique, tout en émouvant le public par la terreur, les larmes ou l’admiration. L’oraison est faite pour plaire, instruire, prêcher et impressionner grâce à une  langue classique, avec une maîtrise absolue de la phrase, un goût raffiné des périodes et des phrases dites en « voûte ».

 L’être au XVII ème siècle appartient certes à « Celui qui règne dans les cieux …qui se glorifie de faire la loi aux rois, et de leur donner, quand il lui plaît, de grandes et terribles leçons… »  Mais la mort ponctue un Temps que nul ne transcende. En contrepoint au répertoire du Grand-Siècle, s’élève une création du compositeur Thierry Pécou avec des mélodies sur des phrases extraites du journal d’Alix Cléo Roubaud, une photographe disparue à trente ans en 1983 et avec des pièces pour clavecin seul, et un Miserere final. Un moment particulièrement subtil pour le public qui écoute attentif le clavecin et la voix cristalline de la jeune et radieuse soprano, Jeanne Zaepfell.

Véronique Hotte

Théâtre de Poche-Montparnasse, 75 boulevard du Montparnasse, Paris (VI ème). T. : 01 45 44 50 21.

 

 

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