Folia, chorégraphie de Mourad Merzouki
Folia chorégraphie de Mourad Merzouki
Le chorégraphe, fidèle au hip-hop qu’il découvrit dans années 1980, à la M.J.C. de Saint-Priest, en banlieue lyonnaise, avec son ami Kader Attou, qu’il a retrouvé dernièrement pour Danser Casa *(voir Le Théâtre du blog), fait dialoguer cette danse d’aujourd’hui avec des musiques d’un autre temps. Ce nouveau spectacle est né de la rencontre avec Franck-Emmanuel Comte, chef de file du Concert de l’Hostel-Dieu, orchestre spécialisé dans le répertoire du XVIII ème siècle, avec lequel il avait réalisé 7 steps, en 2014, à partir de tarentelles. Dans ces danses traditionnelles du sud de l’Italie, il retrouve des aspects du hip-hop «dans ces corps qui se meuvent jusqu’à l’épuisement». Et, pour Franck-Emmanuel Comte, il y a une parenté entre «la basse obstinée de la tarentelle et les “loops“ du hip-hop».
Pour construire Folia, le chef d’orchestre a proposé des airs puisant à la fois dans le répertoire savant et les danses populaires. Une fois, les choix établis, «On prend une tarentelle, on échantillonne des partitions baroques pour les réutiliser en boucle, on ajoute des musiques électroniques, on fusionne le tout et on danse.» La folia, (follia en italien) ou folies d’Espagne, est apparue au XVl ème siècle au Portugal. Son thème, à deux fois huit temps, très répétitif à l’instar des standards actuels, se prête à des variations instrumentales débridées et a séduit plus d’un compositeur: Lully, Sergueï Rachmaninov, Archangelo Corelli, Vangélis Papathanassiou…
Dans folia, Mourad Merzouki, lui, entend folie, celle des hommes entre eux et vis-à-vis de la planète: «Ce n’est pas un spectacle écolo, dit-il, mais je veux montrer cette humanité fragile face au monde qui l’entoure.» Sur le plateau, une immense sphère, luminaire géant, d’où émergent danseurs et musiciens, entrant en piste pour une heure. L’orchestre, avec ses instruments baroques, apparaît et disparaît au gré des éclairages et des mouvements de gros ballons : une récréation ludique pour les danseurs, jusqu’à ce que l’un des ballons représentant la terre, éclate. La troupe se réfugie sur une île ronde, sorte de radeau gonflable, auquel une danseuse s’agrippe désespérément.
Mais les interprètes continuent à sauter, virevolter, tourner… Les mouvements s’accélèrent, parfois proches de la transe. Le classique flirte avec le hip-hop dans un beau trio : deux violons interprètent Sento in seno d’Antonio Vivaldi, chanté par la soprano Heather Newhouse dont la présence sculpturale et la voix chaude transmettent leur énergie tout au long de la pièce.
Les musiciens se mêlent progressivement aux danseurs. Raides dans leurs costumes rouges d’époque conçus par Pascale Robin parmi les danseurs en tenue fluide et claire signée Nadine Chabanier. Benjamin Lebreton a imaginé un espace en mouvement. Sous les lumières d’Yoann Tivoli, dans une circularité permanente les danseurs glissent harmonieusement et évoluent sur pointes ou s’arrachent vigoureusement du sol avec des pirouettes et saltos acrobatiques. Depuis ses débuts, Mourad Merzouki se plait à marier des mondes et des genres a priori opposés, depuis Récital en 1998, où six danseurs de hip-hop se frottaient aux sonorités du violon et du “talk box“, jusqu’à Boxe Boxe (2010), où il assimilait la danse au combat, sur une musique jouée en direct par le Quatuor Debussy,un ensemble lyonnais de cordes… Avec cette même volonté de «créer des dialogues entre ces mondes et ces techniques», Folia, avec ses dix-huit musiciens et danseurs tient ses promesses. Présentée au festival de Fourvière 2018, cette pièce accueillie alors avec enthousiasme, vient rencontrer le public parisien pendant un mois et demi. Les premières représentations ont reçu des applaudissement chaleureux, largement mérités. Une belle sortie à prévoir en cette fin d’année pluvieuse.
Mireille Davidovici
Jusqu’au 31 décembre, 13e Art, 30 place d’Italie, Paris (XIII ème) T. : 01 53 31 13 13
Les 5, 6, 7 et 8 juillet, Opéra Berlioz/Le Corum, 40 ème Festival Montpellier-Danse.
Un DVD de la bande-son du spectacle est édité par Le Concert de l’Hostel Dieu. Disponible en téléchargement et dans les magasins :https://festival1001notes.com/collection/projet/folia
* Danser Casa tourne toujours : 17-22 novembre 2019 Maison des Arts et de la Culture, Créteil; 29 novembre Théâtre Brétigny, Brétigny sur Orge ; 5 décembre Espace MAGH, Bruxelles – Belgique ; 6-11 décembre Les Gémeaux, Sceaux ; 19-21 janvier T.D.G, Grasse ; 27-29 février Amphithéatre Opéra Bastille, Paris