Instances 2019 Festival de danse
Instances 2019 Festival de danse
Ballroom chorégraphie d’Arthur Perole et La Générosité de Dorcas, chorégraphie de Jan Fabre
Avec la dix-septième édition de ce festival, Philippe Buquet signe sa dernière programmation. A la tête depuis 2002 de l’Espace des Arts-Scène Nationale à Chalon-sur-Saône, il laisse à son successeur, Nicolas Royer jusque-là directeur-adjoint, un théâtre complètement rénové, aux multiples espaces, avec des logements pour les artistes en résidence de création. Construits au-dessus du cadre de scène, une première en France, rarement vides, ils dominent la ville et offrent une vue panoramique sur la Saône et les environs …
Saison après saison, l’équipe de l’Espace des Arts s’est ouverte à la danse, au cirque et à la création théâtrale contemporaine. Elle a contribué à faire éclore de jeunes talents, notamment féminins: Léna Bréban, Pauline Bureau, Maëlle Poésy et ,en danse, Tatiana Julien, Mathilde Delahaye… Le public a suivi, très nombreux et réceptif, comme nous avons pu le voir avec les spectacles ambitieux de cette soirée de festival.
«Quand je suis arrivé, c’était une maison éteinte, dit Philippe Buquet. Nous avons transformé cet établissement municipal en Scène Nationale. Et nous avons réussi à établir un rapport de curiosité et de confiance avec un public modeste et rural (le revenu moyen par foyer à Chalon est de 1.700 euros) et qui compte peu d’étudiants, Chalon n’ayant pas d’université. » La Scène Nationale a aujourd’hui : trois scènes à l’Espace des Arts, une salle modulable en bord de Saône dans l’ancien port fluvial et l’ancien théâtre à l’italienne dans la ville.
Comme son prédécesseur, Nicolas Royer continuera à produire des spectacles dans la même ligne que son prédécesseur et, outre le festival Instances et les Piccoli, une manifestation Jeune public, il projette de créer un festival de cinéma axé sur les chefs-opérateurs et une fenêtre sur la jeune création européenne en complicité avec le Jeune Théâtre National et la Maison Jacques Copeau. Il s’ouvre résolument sur le territoire et accueillera des classes d’école élémentaires !
Ballroom chorégraphie d’Arthur Perole
Cette pièce pour six danseurs a été créée les 6 novembre à KLAP, Maison pour la danse avec le ZEF-Scène Nationale de Marseille. Soit cinquante-cinq minutes effrénées sur la musique lancinante et entraînante de Gianni Caserotto. Corps grimés de couleurs vives, maquillages outrés, costumes extravagants… Les artistes sont d’abord pris de légers soubresauts comme traversés par des ondes imperceptibles. Le rythme binaire répétitif leur dicte des gestes de plus en plus saccadés jusqu’à leur faire perdre leurs volumineux atours. Dans une semi-nudité, ils se déchaînent au point de faire fondre les grimages de leur corps, se répandant en boue sur le plateau jonché de leurs costumes. La transe devient farandole et. oscille entre le “voguing“, la danse provocante de l’underground homosexuel new yorkais, et la tarentelle endiablée du Sud de l’Italie…
Cette horde sauvage, comme possédée par la musique, semble manipulée par des compositions sonores de plus en plus complexes où s’invitent des voix samplées… Les interprètes sont prêts à demander grâce mais la musique l’emporte et ils dansent encore comme malgré eux. Et par ricochet, leur énergie se communique au public qui oscille en cadence sur des pulsations à deux, trois, quatre, cinq temps. Loin de nous assommer, cette saturation sonore nous prend par le corps.
Cette performance physique tient de l’exploit mais les artistes n’abdiquent pas et suivent la dramaturgie bien rôdée d’Arthur Perole. Ce jeune chorégraphe a dansé avec Angelin Preljocaj, Hofesh Shechter, Tatiana Julien… et signe ici une chorégraphie festive. Installé à Marseille avec sa compagnie, la CieF, il compte plusieurs pièces à son répertoire qu’il conçoit comme ludique.Il prépare pour l’année prochaine un solo personnel. A suivre…
La Générosité de Dorcas, chorégraphie de Jan Fabre
L’artiste et chorégraphe sculpte un espace de fils tombés des cintres, dôme de laines colorées et d’aiguilles suspendues au-dessus du plateau, pampilles rutilantes sous les lumières de Wout Janssens. Il habille d’une chasuble noire austère Matteo Sedda dont le corps laisse juste apparaître ses mains gantées et ses pieds chaussés de blanc. Dans cet écrin aérien, ce soliste de grand talent va retrouver les gestes de Dorcas, une sainte chrétienne qui cousait des vêtements pour les offrir aux pauvres et qui fut, dit-on, ressuscitée par Saint-Pierre en récompense de ses aumônes…
Les mains du danseur découpent l’espace, comme détachées de son corps. En de longues diagonales il traverse le plateau où les éclairages délimitent des zones d’ombre et des points lumineux. En phase avec les nappes sonores lancinantes de Daeg Taeldeman, il joue avec le décor, arrache des aiguilles dont il se pare, tout en se dévêtant progressivement… Presque nu, homme et femme à la fois.
Cette pièce, longuement saluée par le public, doit beaucoup à l’incarnation de Matteo Sedda, aussi à l’aise dans ses envolées mystiques que dans des blagues un peu lourdes…La virtuosité de sa danse, alliée à son humour souriant, la musique, les éclairages subtils et la chorégraphie à l’esthétique délicate font de cette œuvre, un spectacle de haute couture
Et sa beauté fait oublier les polémiques qui accompagnèrent sa création au Théâtre de la Bastille à Paris, l’année dernière. Des collaborateurs du chorégraphe dénonçaient «le comportement imprévisible et le tempérament capricieux » de l’artiste et vingt d’entre eux démissionnèrent dont l’interprète initiale du solo, intitulé à l’origine The Generosity of Tabitha.
Mireille Davidovici
Spectacles vus le 13 novembre.
Instances 2019 se poursuit jusqu’au 19 novembre à l’Espace des Arts, 5 bis avenue Nicéphore Niepce, Chalon-sur Saône (Saône et Loire). T. : 03 85 42 52 00.
Ballroom, le 5 décembre, Théâtre, Scène Nationale de Mâcon (Saône-et-Loire) et le 10 décembre, Théâtres en Dracénie en partenariat avec le festival de danse de Cannes, à Draguignan (Var).
Du 26 au 29 février, Chaillot-Théâtre National de la Danse Paris (XVI ème).
Le 31 mars, Centre Culturel, Biennale Danse en Emoi, Limoges (Haute-Vienne).